Le 13è colloque annuel du Syndicat des Energies Renouvelables a eu lieu hier mardi 7 Février, à la Maison de l’UNESCO à Paris. De nombreuses personnalités étaient présentes : les ministres Eric Besson et Nathalie Kosciusko-Morizet, les présidents des principaux groupes énergétiques français- EDF, GDF Suez, Areva-, ainsi que les très attendus candidats à la présidentielle ou leurs représentants. Récit d’une journée riche en « idées renouvelables » !
« La France est dans la ligne prévue par le Grenelle de l’environnement» a prétendu la ministre de l’écologie Nathalie Kosciusko-Morizet sans pour autant ciller de son discours habituel et tout en confirmant qu’elle avait bien pris note des propositions faites par le Livre Blanc du SER. De son côté, Jean-Louis Bal a démenti cette dernière information dans son discours de présentation du Livre Blanc, assurant que les résultats français en termes de production d’énergie renouvelable sont désormais en dessous des objectifs fixés par le Grenelle. Vous avez dit malentendu ?
Mais le climax de la journée de ce colloque 2012 fut bien sûr le débat passionnant autour des candidats à la présidentielle, ou leurs représentants : Marie-Hélène Aubert représentant François Hollande, Eva Joly, Chantal Jouanno représentant l’UMP, Corinne Lepage (candidate de Cap 21), Mathieu Agostini, représentant de Jean-Luc Mélenchon et Yann Wehrling, représentant de François Bayrou.
Les thèmes abordés lors du débat – sortie du nucléaire, crise ou changement d’ère, trois mesures clés si le candidat est élu président- a permis de mettre au clair la volonté -ou non- de chaque candidat à soutenir la filière des énergies renouvelables.
Jean-Louis Bal s’est avant tout adressé aux candidats, les encourageant à « rester attentifs à franchir d’abord le premier obstacle : la réussite des objectifs pour 2020, à savoir atteindre le chiffre de 23% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique français. Le président du syndicat a cependant spécifié une exception pour le photovoltaïque, précisant que cette énergie « justifie une réévaluation de la cible ». Concernant le côté financement, Jean-Louis Bal a précisé que « ce programme aura évidemment un coût, mais c’est avant tout un investissement ».
« Nous avons trois grands principes à mettre en Å“uvre. Tout d’abord, instaurer un cadre règlementaire stable, lisible et ambitieux. Il n’est plus possible de changer les règles trop fréquemment. Avec une décennie de recul, il est temps de tirer enseignement du passé. Ce cadre devra s’établir avec concertation de la profession. Puis, il faut soutenir l’industrie française, et l’infrastructure de recherche. La France, avec ses PME dynamiques et sa puissante infrastructure de recherche a tous les atouts pour tirer son épingle du jeu. Enfin, un pilotage de l’état est nécessaire, mais un pilotage moderne de la filière, partagé entre les professionnels et l’état. »
Livre Blanc : un pari gagné
Le débat qui a mis en présence les candidats à la présidentielle a réussi son pari : confronter chacun d’entre eux au contenu du livre Blanc, et leur poser la question essentielle : « Que ferez-vous pour les énergies renouvelables si vous êtes élu ? »
Chacun des candidats a, peu ou prou, confirmé son approbation du Livre Blanc. Cette petite « victoire » du SER est donc d’ores et déjà preuve du pari gagné de l’opération par son président Jean-Louis Bal. Certains candidats ont même exhorté le président à faire preuve de davantage d’ambition dans les mesures préconisées. « Les propositions et principes que nous avons posés sont évidemment à prendre comme un plancher et non un plafond », s’est défendu Jean-Louis Bal.
Lorsqu’on arrive à la question des trois mesures prises dès lors que le candidat est élu président de la République, on arrive à plus de contrastes entre les différents candidats ou leurs représentants.
Une réalité de précarité énergétique, des propositions contrastées entre les candidats
Pour Corine Lepage, candidate pour Cap 21, nous devons « respecter nos engagements du Grenelle de l’environnement ». En effet, la candidate souligne que nous ne sommes aujourd’hui qu’à 35% des objectifs visés par le Grenelle. « Je souhaite également mettre en place le programme de financement nommé SOLEIL : Solutions Energétiques pour des Investissements de Long terme. Ce programme lie un fonds dédié, bloqué sur 30 ans et alimenté par une partie des subventions aujourd’hui allouées au pétrole, une partie de la rente nucléaire et l’épargne de tous ceux de nos concitoyens qui souhaiteront investir pour leurs enfants. Ce fonds est accompagné d’un programme destiné à permettre le développement de la décentralisation énergétique en faveur des territoires, le financement de start-up dans le domaine de la sobriété de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables, mais aussi le financement de grands projets de Solaire à concentration, de stockage de l’électricité ou d’énergies marines. »
Mathieu Agostini, pour Jean-Luc Mélenchon, est resté sur le plan général des énergies renouvelables et de l’industrie française : « Le problème que rencontre le photovoltaïque est le même que celui de l’ensemble de la filière industrielle française. Pour relancer l’industrie, il faudra d’abord se poser sur un pôle public financier d’une part, et un pôle public énergétique d’autre part. Nous abrogerons les niches fiscales, pour pouvoir débloquer les financements nécessaires à la mise en place de la filière. Puis la mise en Å“uvre des investissements se fera via le point précédent. Enfin nous poserons une législation en concertation avec les professionnels de la filière. Le peuple français n’a jamais été consulté sur le mix énergétique, le front de gauche proposera s’il est élu un référendum sur la question énergétique, et la sortie du nucléaire. »
Marie-Hélène Aubert, pour François Hollande, a proposé de tout d’abord « rendre visible le cadre règlementaire. Il faudra le simplifier, raccourcir les délais, et instituer des tarifs d’achat à un niveau optimal, concerté avec la filière. Les stop&go doivent s’arrêter ! La stabilité est primordiale, surtout pour la filière solaire. Puis, la recherche française doit être renforcée : le CEA, l’ADEME. Des entreprises françaises développent des technologies innovantes. La France a les moyens de se positionner sur des créneaux plus innovants et à l’étranger grâce à son potentiel de recherche. Enfin, travailler sur les investissements : les outils financiers renforcés, créer une banque publique d’investissement. »
« Concernant la sortie du nucléaire, un grand débat sur la transition énergétique serait organisé fin 2012 par François Hollande, conclu par une loi d’orientation votée par le parlement. Nous nous ferions pas, à priori, de référendum. »
Etre ferme sur la volonté politique de faire du développement du renouvelable
Quant à Yann Wehrling pour François Bayrou, le candidat pose fermement sa volonté d’aller pleinement vers les énergies renouvelables, tout en restant très prudent sur des dates éventuelles de sortie du nucléaire.
« Le Modem a la volonté de faire pour la filière photovoltaïque comme pour les autres énergies renouvelables, ce qui n’a pas été fait par le gouvernement actuel, en termes de soutien régulier, de stabilité dans les mesures règlementaires et financières. Ceux qui veulent investir dans les énergies renouvelables doivent pouvoir être assurés de la rentabilité de leur investissement sur 10, 15 ans, sans crainte. Un travail de dialogue de responsable à responsable doit être fait : si une filière n’est pas à son niveau de rentabilité, il faut un travail de prospection, d’anticipation, pour faire connaître le niveau de decrescendo de l’aide publique à l’avance, afin d’éviter de tout arrêter brutalement du jour au lendemain, comme ça été le cas du photovoltaïque. C’est une question de responsabilisation de tous les acteurs. Le gouvernement a trop raisonné sur le mode d’un côté, nous sommes les garants des deniers publics, et de l’autre nous luttons contre les profiteurs. Il faut arrêter de raisonner comme cela, car cela ne fait pas avancer la filière du renouvelable.»
« Concernant le nucléaire, je ne crois pas qu’on puisse prendre des engagements de calendrier sur l’arrêt du nucléaire. En effet, il y a un rapport de la Cour des Comptes qui vient de tomber, disant que l’arrêt du nucléaire va coûter des sommes folles, encore plus cher que le maintien des centrales. On est donc un peu coincés avec le nucléaire aujourd’hui. Il va falloir le gérer entre la fermeture, travaux ou maintiens de centrales, Tout ça va être très compliqué à gérer. J’en ai assez d’entendre des déclarations trop simplistes : le temps d’une campagne, tout le monde déclare « il faut fermer les centrales, etc ». Tout le monde est confronté à la même situation réelle du pays, qui est dans une précarité énergétique globale. On est à un seuil où il va falloir prendre des arbitrages très compliqués.
La réalité est que les énergies fossiles et le nucléaire sont des énergies dont on doit se passer à terme. Quand ? Je n’en sais rien. Le plus tôt sera le mieux ! Cela me semble plus réaliste que d’annoncer des chiffres et des dates le temps d’une, que l’on ne tiendra pas. Il faut juste être ferme sur la volonté politique de faire de l’efficacité énergétique et du développement du renouvelable. Ensuite mettre tous les moyens qu’on peut, toute la recherche et la mutualisation européenne possible pour arriver à une solution la plus équilibrée: beaucoup de renouvelable, la diminution de nos consommations, une petite part d’énergie fossile et de nucléaire. »