Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, et Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie et de l’Energie, ont annoncé vendredi 5 avril dernier, lors de leur déplacement à Manosque (04) sur le site d’une centrale solaire, de nouvelles mesures de soutien au déploiement et à l’industrialisation du photovoltaïque en France. A noter des avancées notables comme une PPE à 6 GW par an, un Pacte Solaire et l’annonce de la publication imminente du premier texte d’application relatif au développement de la filière agrivoltaïque !
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Et si ce vendredi 5 avril 2024 signait la réconciliation entre les professionnels du solaire et le gouvernement ? Il faut dire que le passage de l’énergie sous le giron de Bercy et le renoncement annoncé d’objectifs pour le déploiement des renouvelables en début d’année avait jeté un froid. Lors de ce déplacement à Manosque, sur le site d’une centrale solaire d’EDF, Bruno Le Maire et Roland Lescure ont donc tenu à réchauffer les relations et à rassurer la filière.
« C’est la première fois que je m’exprime sur le photovoltaïque depuis que je suis en charge de l’énergie. Autant vous le dire tout de suite : le sujet n’est pas de savoir si nous voulons oui ou non recourir massivement au photovoltaïque. Le sujet est de savoir comment nous allons le faire, à quelle vitesse, avec quelle filière industrielle ». D’emblée, le ton était donné par le ministre de l’Economie. Et d’enchaîner sur les objectifs chiffrés : « Nous avons installé au total sur le territoire français 2,7 GW de capacités supplémentaires en 2022 et 3,2 GW de capacités supplémentaires en 2023. Il faut à présent accélérer, pour passer à 6 GW de capacités supplémentaires par an – c’est-à -dire le double de ce que nous faisons aujourd’hui ».
Le solaire une question de mois, le nucléaire de décennies
Après de nouveaux débats et des consultations avec les acteurs de la filière, le gouvernement a mis en place une stratégie, un plan de bataille autour de deux volets : le déploiement et l’industrialisation. Sur le déploiement, le président de la République avait fixé un objectif clair : 100 GW de production d’énergie solaire à horizon 2050. « La proposition de PPE de fin d’année dernière envisage même d’avancer cette cible avec un objectif 75GW-100GW d’ici 2035 » annonce le ministre. « L’atout des panneaux photovoltaïques, c’est que cela se déploie rapidement, à un coût qui est raisonnable. Donc nous aurions tort dans cette période de transition qui est devant nous de ne pas accélérer sur cette technologie disponible à un coût raisonnable, alors que sur le nucléaire, soyons clair, nous parlons plus d’années, voire de décennies, que de mois pour le déploiement. Autre atout, il s’agit d’une technologie mature, qui fournit une électricité de plus en plus compétitive. Nos derniers appels d’offre solaire sol sont sorti à 82€/MWh et les prix baissent de manière régulière » poursuit-il. Pour accélérer le déploiement, le gouvernement mise également sur la mise à disposition du foncier : « Nous publierons demain le décret sur l’agrivoltaïsme, permettant de déployer des panneaux solaires sur une terre agricole uniquement lorsqu’il apporte un service direct à l’agriculteur. Nous annonçons également  le lancement d’une série d’appels à manifestation d’intérêt pour installer du photovoltaïque sur le délaissé routier du réseau national » se réjouit le ministre.
100 GW en 2035, un investissement de 20 milliards d’euros
Le deuxième sujet, celui de l’industrialisation, tient très à cœur de Bruno Le Maire et de Roland Lescure le ministre de l’Industrie. Déployer des champs de panneaux photovoltaïques partout en France avec des panneaux solaires qui sont importés de l’étranger sonnerait comme un échec économique et politique. « Parce que ce serait un gâchis industriel, ce serait un gâchis de compétences et ce serait un gâchis d’argent public. Je donne juste un chiffre. Je vous ai dit tout à l’heure 100 GW de panneaux solaires comme objectif à horizon 2035. Le coût total : 20 milliards d’euros. Donc la question que l’on doit se poser est très simple. Est-ce que ces 20 milliards d’euros, c’est pour des usines qui sont installée en dehors d’Europe et en dehors de France ou est-ce que c’est un investissement de la nation française dans la filière de l’industrie photovoltaïque. Nous allons investir dans l’industrie photovoltaïque pour que le déploiement des champs solaires se fassent avec des panneaux photovoltaïques fabriqués ici sur le territoire français. Nous devons produire ces panneaux photovoltaïques sur notre territoire » assure avec véhémence Bruno Le Maire.
En matière de panneaux photovoltaïques, impossible n’est pas français.
Le volontarisme industriel de Bruno Le Maire en matière de fabrication de panneaux photovoltaïque se traduit par une farouche saillie contre les défaitistes de tout poil. Le ministre enrage : « Alors j’entends cette résignation habituelle en France. C’est foutu, c’est trop tard. Vous n’y arriverez jamais. Vos panneaux photovoltaïques, ils viendront forcément de Chine, ils seront forcément moins chers. Cela sera forcément moins coûteux. Cela fait sept ans que j’entends ça. C’est les mêmes qui me disaient il y a sept ans, oubliez de faire des batteries électriques monsieur Le Maire. C’est hors de question… Nous nous sommes retroussé les manches. Nous avons investi avec des industriels, des scientifiques, avec des start-ups, avec les élus locaux. Et à l’heure où je vous parle, nous avons 4 giga factories de batteries électriques pour les véhicules électriques qui garantissent l’indépendance de la France sur les batteries électriques, pour les véhicules électriques du 21ème siècle. Il faut faire la même chose avec la même détermination pour les panneaux photovoltaïques. Stop au renoncement, stop au pessimisme, stop au déclinisme ambiant, stop à cette lâcheté collective qui consiste à dire que rien n’est possible pour les Français. Il me semblait que l’on disait plutôt impossible n’est pas français. Eh bien ! en matière de panneaux photovoltaïques, impossible n’est pas français. Le défi est considérable. Nous relevons le gant avec Roland Lescure, avec le gouvernement et avec le président de la République. Nous allons faire en sorte de bâtir une filière industrielle des panneaux photovoltaïques en France ».
40% des panneaux photovoltaïques utilisés produits sur le territoire français en 2030
Pour cela, la France doit faire émerger des entreprises et des projets. Sur ce plan le gouvernement s’engage à continuer à soutenir les nouveaux projets de giga factories. « Je vous annonce que nous soutiendrons les giga factories qui sont en cours de réalisation, Carbon et Holosolis, notamment avec le crédit d’impôt industrie verte. L’investissement total de Carbon et d’Holosolis, l’un à Fos, l’autre à Hambach, représente 2,2 milliards d’euros, pour un total de 4 600 emplois. Nous soutenons donc ces entreprises et nous utilisons l’argent public de France 2030 pour décupler les capacités d’investissement privé et réaliser ces giga factories de Carbon et d’Holosolis » ajoute Bruno Le Maire. Le gouvernement se fixe  aussi un objectif qui est d’avoir d’ici 2030, 40% des panneaux photovoltaïques utilisés produits sur le territoire français. Il faut que quasiment la moitié du déploiement des futurs champs de panneaux photovoltaïques se fasse avec des produits français. « Il faut évidemment pour relever ce défi industriel, non seulement des giga factories, des industriels, des objectifs que je viens d’indiquer. Il faut aussi des technologies qui soient différenciantes. Si l’on a les mêmes technologies que nos concurrents, on ne pourra pas y arriver. Mais si nous investissons comme nous le faisons aujourd’hui avec le CEA ou avec l’Institut Photovoltaïque d’Ile de France, nous pouvons avoir demain des panneaux photovoltaïques avec des performances supérieures à celles de nos concurrents…Il nous faut avoir un avantage technologique en plus d’avoir des industriels et des giga factories » enchaîne Bruno Le Maire.
Le troisième volet du plan de bataille mené par le ministre de l’Economie, ce sont les commandes. Et Bruno Le Maire de lancer un appel à tous les grands donneurs d’ordre, les énergéticiens, les développeurs de champs solaires, à s’engager dans le Pacte Solaire (voir encadré), qui a été lancé par Roland Lescure. « Il faut que tous les industriels concernés, que tous les donneurs d’ordre concernés, s’engagent à acheter français, s’engagent à un patriotisme énergétique, en se disant on va commander des panneaux solaires réalisés en France. Et on va accepter un surcoût, peut-être modeste, pour développer la filière, avoir accès aux meilleures technologies et garantir notre indépendance » ajoute le ministre. Sur proposition de l’Etat, 29 premiers développeurs d’énergie renouvelable et de grands acheteurs se sont déjà engagés à rejoindre le « Pacte solaire» (encadré).
Préférence européenne
Quatrième volet du plan de bataille, particulièrement controversé, la bataille de la préférence européenne. Pour Bruno Le Maire, il faut s’assurer que les dispositifs européens, les directives européennes donnent une prime aux panneaux bas carbone, donnent une prime aux panneaux réalisés dans des conditions environnementales les plus satisfaisantes, donnent une prime aux panneaux qui sont recyclables, c’est-à -dire, donnent une prime aux panneaux européens. « Il est temps que la Commission européenne et que l’ensemble des états européens fassent sur le territoire européen ce que la Chine fait sur le territoire chinois et l’Amérique sur le territoire américain, donner la préférence et la priorité à des produits réalisés sur le territoire européen notamment pour les panneaux photovoltaïques. Cette préférence européenne dans les appels d’offres, dans le contenu des appels d’offres, elle est vitale pour aider au déploiement et au développement de ces industries, en particulier dans le domaine des énergies renouvelables » reconnaît le ministre.
Mis en Å“uvre du Net Zero Industry Act
Dès 2025, le gouvernement devrait mettre en œuvre les critères de résilience q’il a obtenus avec le président de la République dans la négociation de ce fameux NZIA, le Net Zero Industry Act, qui est à peu près l’équivalent de l’Inflation Reduction Act (IRA) américain pour que le déploiement des panneaux solaires ne repose pas sur un seul pays d’origine : la Chine. « Il faut que l’on utilise cet instrument européen, il est à disposition, c’est nous qui l’avons négocié. On s’est battu pour cela, on s’est retroussé les manches, le président de la République a eu gain de cause et bien maintenant, utilisons cet instrument qui donne la préférence à des panneaux solaires qui sont recyclables, qui donnent la préférence à des panneaux solaires qui sont réalisés dans des conditions environnementales exemplaires et qui dit noir sur blanc, que lorsque l’on déploie des panneaux photovoltaïques, ici, ou sur n’importe quel autre terrain, pas plus de 50% ne peut venir d’un autre continent que le continent européen. Appliquons cette règle. Donnons la préférence à l’industrie européenne. Donnons la préférence aux panneaux photovoltaïques réalisés en France. Assumons la protection de notre industrie, de nos technologies, de notre capacité de production dans des conditions environnementales satisfaisantes » ajoute Bruno Le maire. Avant de conclure : « Sur le solaire, nous partons de loin. Il y a eu une espèce de grand renoncement. Un grand renoncement sur la capacité à développer, à déployer et à produire en France. Nous avions besoin d’une vraie stratégie et d’un vrai plan de bataille pour le solaire. C’est ce que nous sommes venus annoncer ce matin avec Roland Lescure et je compte sur vous toutes et vous tous pour vous engager dans cette bataille.
Encadré
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Le Pacte Solaire et les 29 premiers signataires
Le Pacte solaire est l’aboutissement de neuf mois de travail. Il contient des engagements réciproques.
- L’Etat continue de soutenir massivement le développement du solaire en France, avec le renforcement des critères carbone et la mise en œuvre progressive de critères de résilience dans le soutien public. L’Etat sera exemplaire par la mobilisation de sa commande publique.
- Les développeurs s’engagent à recourir à davantage de panneaux français dans leurs achats, en passant des commandes de long terme aux usines. Les producteurs de panneaux solaires français se regroupent au sein d’un Groupement qui portera leurs intérêts.
L’objectif est double :
1) Bâtir une filière industrielle solidaire équipant les parcs de panneaux européens et français, pour produire 3 à 5 GW sur la chaîne de valeur du silicium, 5 à 10 GW de Lingots & Wafers, 5 à 10 GW de Cellules, 3 à 5 GW de Verre solaire et 3 GW d’Onduleurs.
2) Donner de la visibilité et dérisquer les projets de gigafactories en veillant à ce que les énergéticiens et autres grands acheteurs garantissent dès 2025 des débouchés aux usines de panneaux solaires français
Le concours du syndicat des énergies renouvelables, du CSF Nouveaux systèmes énergétiques (NSE) et des autres fédérations du secteur a été essentiel pour rédiger et signer ce pacte, que d’autres acteurs pourront rejoindre au fur et à mesure pour valoriser leurs engagements dans ce secteur.
Les 29 signataires à ce jour : Apex Energies, Enerplan, Sun’R, CSF NSE, PowR Group, TSE, Baywa r.e. France, SNCF ENR, CEA-liten, Tenergie, Orion Energies, Holosolis, DualSun, SER, InnoEnergy, Technique solaire, Boralex, Oscaro Power, Tenergie, Lidl France, Afilog, Carbon, TSE, IPVF, Neoen, MyLight 150, Dalkia, Smart Energy, Terre et Lac Solaire.