En ce début novembre 2012, le ministère de l’écologie a rendu public le projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 4 mars 2011 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations photovoltaïques. Ce projet évoque une baisse de 20% du tarif T5. Une mesure qui suscite l’étonnement et déclenche un malaise ainsi qu’un profond sentiment de déréliction des professionnels de la filière. Déroulé des événements entre hiatus et ressentiments !
Mardi 6 novembre 2012 au matin, le projet d’arrêté qui fixe les nouvelles conditions d’achat des tarifs photovoltaïques tombe dans les boîtes e-mail des professionnels de la filière. A la lecture, les premiers articles se révèlent plutôt positifs et fidèles aux propositions du gouvernement avec notamment le doublement des volumes cible sur les petites puissances et l’augmentation de 5% du tarif T4. De bon augure.
Le symbole du solaire compétitif vole en éclat
Mais la poursuite de la lecture réserve une surprise de taille totalement inattendue. Amaury Korniloff, directeur général délégué de Solaire Direct se frotte les yeux, relie cet article 5 avec le sentiment de ne pas y croire vraiment. « On découvre que le tarif T5 est affecté d’une baisse de 20%. C’est l’étonnement. Avant même le démarrage de la grande concertation sur la transition énergétique au sein de laquelle le photovoltaïque a toute sa place, le gouvernement viole ce débat de société pourtant crucial. Le symbole du solaire compétitif qui prouve que l’on est capable d’installer des centrales dans le Grand Sud de la France vole en éclat. Son fer de lance le tarif de 100 euros au MWh qui est la base internationale de son développement en Inde, en Afrique du Sud prend une claque de 20%. Le meilleur moyen de tuer le solaire compétitif. C’est inacceptable ». Le coup est rude. Y-a-t-il une urgence à prendre une telle mesure ? En quoi ce type de décision soutient-il la filière ? Le ministère a-t-il peur d’une bulle pourtant sans réelle incidence à ce niveau de tarif ? Les interrogations se multiplient sans trouver de réponses objectives. Les professionnels encaissent mal l’avanie. D’autant qu’une réaction va mettre le feu au poudre. Un communiqué de l’AFP daté du 8 novembre annonce que le Syndicat des Energies Renouvelables (SER) s’est montré globalement satisfait des nouveaux tarifs. Les membres du bureau du syndicat, les nerfs à vif, s’embrasent autour de cette position qui semble pourtant n’être un simple hiatus. En effet, dans le même temps, un courrier est parti du SER ce jeudi 8 novembre en stipulant le désaccord du syndicat sur cette baisse du tarif T5. Quel sens donner alors à cet artefact ? Globalement satisfait ne veut pas dire totalement satisfait. Entre litote et euphémisme !
« Faire confiance aux territoires et aux élus locaux »
Dès les premières heures, les syndicats, le SER et Enerplan, les associations LE CLER et Hespul, sont unanimes et parlent d’une même voix autour de cette baisse qualifiée d’injustifiée et d’inacceptable. Vendredi 9 novembre, le bureau du SER adopte une position sans ambiguïté sur le sujet. Quid de la double justification donnée par la ministre Delphine Batho dans ce même communiqué de l’AFP ? Avec la baisse du T5, il s’agirait de préserver les terres agricoles. « Que je sache, le conflit d’usage entre le solaire et les terres agricoles n’a pas à être réglé par le tarif. Il relève de la réglementation d’urbanisme via les permis de construire ou les études d’impact qui soumettent les projets aux associations. La ministre commet une erreur de jugement. Elle doit faire confiance aux territoires et aux élus locaux de ce pays » s’emporte Amaury Korlinoff. Le deuxième grief qui émane du ministère porte sur la prégnance des modules chinois low cost sur les projets de centrales couplés au tarif T5. Là encore Amaury Korlinoff s’offusque et évoque l’imposture : « Dans un investissement de centrale solaire aujourd’hui, le coût du module ne pèse que 40% du CAPEX alors qu’il était encore de 75% il y a cinq ans. Les 60% restants, pour l’essentiel le Balance Of System (BOS) composé des onduleurs, des câbles, de la mécanique ou du génie-civil, ont le plus souvent une coloration locale ou européenne. Le ministère se focalise sur ces 40%. Mieux ! Si l’on raisonne sur le coût du kWh durant toute la durée de vie de l’installation, entre le suivi et la maintenance, les assurances et le financement là encore pour l’essentiel français ou européen, on monte à plus de 80% de valeur ajoutée hors modules. A-t-on les moyens aujourd’hui de se priver de 80% de PIB français ou européen ? C’est l’économie du photovoltaïque par le petit bout de la lorgnette ».
« Le moment est grave »
Les professionnels du solaire se plaignent du traitement de la question photovoltaïque par des conseillers qui ne regardent pas les choses de manière systémique, qui s’appuient sur des rapports qui regardent vers le passé et la préhistoire du monde énergétique. Lorsque le président dit vouloir encourager la transition énergétique, les lobbys antagonistes se mettent en branle en faisant des victimes collatérales dont le photovoltaïque qui se retrouve au beau milieu de ce combat. « Des gens se sentent peut-être menacés par le photovoltaïque qui, il est vrai, ébranle les certitudes centralisatrices de nos puissants corps d’Etat, et recrée de nouveaux équilibres. Avec à la clé la mise en place en place de réseaux intelligents ainsi que la création d’emplois et de richesses dans une industrie d’avenir. Nous devons nous battre pour le tarif T5, pour le solaire compétitif, pour la liberté. Le moment est grave. Il faut se mobiliser avant le passage au CSE du mardi 13 novembre. Nous avons le support de nombreux élus, les territoires se mobilisent. Nous avons confiance en nos institutions » déclare solennel Amaury Korniloff. Cette baisse du tarif T5 n’est encore qu’un projet dans les faits. « Nous ne désespérons pas de les convaincre de revoir leur position. Nous allons les rassurer » dit-on du côté du SER. Pourquoi se presser ? Ces propositions doivent être mises sur la table lors du débat sur la transition écologique, véritable moment citoyen au cours duquel les Français et tous les acteurs de l’énergie s’exprimeront et choisiront, souhaitons-le, librement et en conscience leur monde énergétique de demain. Sans dés pipés et l’esprit libre!