par Jérôme Chaffard, Directeur Général d’Eaton France
Le cours des matières premières enregistre des progressions spectaculaires et suscite un vif débat entre analystes, experts et investisseurs : cette flambée des prix annonce-t-elle un nouveau « supercycle » ? L’industrie électrique est directement concernée car elle est au cÅ“ur des transitions environnementale et numérique.Â
Rappelons les faits : au premier trimestre 2021, les prix de l’aluminium, du cuivre et de l’acier plat ont respectivement augmenté de 21%, 38% et 50% par rapport à la moyenne de 2020. Les délais de livraison des matières premières ont quant à eux doublé – voire parfois triplé – par rapport à l’année dernière, pour atteindre une moyenne de 20 à 24 semaines. Et désormais, pour certains composants électroniques critiques, il faut parfois attendre près d’un an avant d’être livré.
Asymétrie de la demande et de l’offre
Ces tensions sont liées à  la pandémie, qui a d’abord causé des baisses de production. Au Chili et au Pérou, qui représentent à eux seuls, selon les données de la Banque mondiale, deux cinquièmes de la production mondiale de cuivre, des mines ont par exemple dû être fermées pendant plusieurs semaines au plus fort de la crise sanitaire et ont continué à souffrir d’une activité perturbée.
Mais après l’effondrement des marchés, la Chine, les États-Unis et d’autres régions du monde connaissent à présent une forte reprise, stimulée par des mesures volontaristes en faveur des énergies renouvelables, des véhicules électriques et des infrastructures. Elles se conjuguent à l’essor des nouvelles technologies et à l’accélération de la numérisation pour générer des besoins accrus en équipements électriques et électroniques, eux-mêmes grands consommateurs de métaux et autres matières premières. Résultat : des ruptures d’approvisionnement et des pressions inflationnistes sur les prix, amplifiées par les pénuries de containers et de disponibilités sur les navires de transport ou dans les avions.
Sous tension, l’industrie électrique doit innover
Dans cet environnement beaucoup plus incertain et volatil, les acteurs de l’industrie électrique doivent dès à présent faire preuve de courage et d’anticipation. Il s’agit de limiter les risques de rupture d’approvisionnements en matériaux essentiels à la fabrication de nombreux composants, et, par ricochet, à tous les secteurs qui les utilisent. Les entreprises doivent transformer leurs modes d’approvisionnement en faisant des choix responsables, alignés avec leur mission et leurs valeurs. Refuser de faire des compromis sur la qualité des produits fait partie de ces choix courageux, tout comme réaffirmer son attachement à des objectifs ambitieux de développement durable et de responsabilité sociale et environnementale. Bien gérer l’augmentation du cours des matières premières et les nouveaux défis de la chaîne d’approvisionnement requiert de l’innovation et de l’agilité. Il faut investir massivement dans l’analyse de valeur et l’ingénierie pour simplifier ou de modifier certains composants. A titre d’exemple, sans rien amputer de la qualité des produits finis et sous réserve que leurs spécifications le permettent, il est parfois possible de remplacer certains composants à base de cuivre par des composants à base d’aluminium, ce qui permet de mieux absorber les variations de coûts des différents métaux.
Nouvelles options, nouvelles approches
Comme l’a montré l’incident du Canal de Suez, disposer d’alternatives en matière de transport est primordial. Si l’utilisation du fret aérien est actuellement limitée, le transport ferroviaire est à  considérer chaque fois que cela est possible. De nouvelles approches commerciales sont également nécessaires. Sans renoncer au partage de principes communs d’approvisionnements responsables, de nouveaux fournisseurs doivent être recherchés et sélectionnés pour multiplier les sources d’approvisionnement. Leur rôle est plus que jamais essentiel. Enfin, face à la volatilité du marché, la transparence est de rigueur. Il incombe aux acteurs de l’industrie électrique d’initier une réflexion dédiée et partagée avec leurs fournisseurs et leurs clients sur les meilleurs moyens d’atténuer l’ensemble des risques liés à la chaîne d’approvisionnement.
L’adaptabilité collective va rester de mise
L’industrie électrique doit redoubler d’efforts pour innover et assurer la livraison de ses clients avec agilité, sans faire de compromis ni sur la qualité de ses produits, ni sur ses engagements environnementaux et sociétaux.
Cependant, dans ce contexte tendu, des évolutions tarifaires seront inévitablement plus fréquentes que par le passé. L’une des clés du succès collectif réside aussi dans la capacité des clients à optimiser leurs prévisions de commandes sur le long terme pour limiter les recours au spot market. C’est en œuvrant ensemble que fournisseurs, producteurs et clients sécuriseront les opportunités que nous ouvrent la transition écologique et digitale.