A 1 100 m d’altitude, surplombant la vallée de la Têt, deux hangars agricoles de 900 m² sont sortis de terre grâce à deux installations solaires qui ont permis d’ouvrir la porte à une contribution citoyenne. Quand le solaire citoyen vient en aide à un jeune éleveur de vaches gasconnes !
Des étreintes, des larmes, du soulagement, une émotion non feinte et profonde Guillaume Husson, jeune paysan-éleveur porteur de ce beau projet, et Jean Quilleret, la cheville ouvrière de cette exceptionnelle aventure humaine, ont fondu en larmes, dans les bras l’un de l’autre lors de l’inauguration des premiers kWh solaires injectés dans le réseau. Il faut dire qu’ils vivaient là la consécration de quatre années de travail acharné, DonQuichotte de la chose solaire qui ont vu enfin leur utopie se réaliser. « Sans vous, on n’en serait pas » lance-t-il ému à l’ensemble des coopérateurs qui ont permis à ce projet de voir le jour !
Deux projets lauréats d’un AO CRE
Un peu d’histoire. En janvier 2009, après avoir passé sa capacité agricole, Guillaume Husson, jeune paysan-éleveur reprend la ferme menée alors par Myriam et Sam Nègre, qui deviendront d’ailleurs coopérateurs des 2 SCIC. Dès le démarrage, le jeune homme a dû faire face à des difficultés. Notamment, le bâtiment de ferme existant s’est révélé potentiellement dangereux. Depuis 2009, Guillaume Husson et le troupeau ont fait quasiment sans bâtiment. Le troupeau est dehors tout le temps et toute l’année, la mécanique se fait dehors, le foin est stocké sous des bâches. L’éleveur fatigue. Début 2010, il commence à chercher des solutions. Un premier projet de bâtiments avec photovoltaïque en toiture voit le jour en 2013/2014. En octobre 2013, Guillaume Husson et Jean Quilleret ont répondu à l’appel d’offres CRE du ministère de l’écologie portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations photovoltaïques sur bâtiment de puissance crête comprise entre 100 et 250 KW. Leurs deux dossiers ont été retenus, avec un prix de vente de 178 € par MWh soit 17,8 cents d’€ par KWh pour les projets GH Solaire et Jean Solaire. Hélas, ces projets pourtant lauréats ne trouveront pas de financement. Frilosité des banques oblige. Un financement de 1,3 millions d’euros sur la tête d’un jeune éleveur fait craindre le pire à tous les établissements financiers contactés.
La démarche citoyenne comme un dernier recours
En juin 2014, le paysan décide alors de s’orienter vers une approche citoyenne et coopérative. La première SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) est née le 25 janvier 2015, la deuxième le 15 mars 2015. « Nous sommes alors passés d’un projet individuel à une démarche collective et coopérative. Un vrai outil de développement local, écologique et solidaire, est né. Il revenait aux citoyens de l’investir … et d’investir ». Avec l’aide de Jean Quilleret, Guillaume Husson va partir en quête de fonds. Entre les réunions publiques organisées dans les villages alentours et un bouche à oreille particulièrement performant, 165 coopérateurs ont été réunis en quelques mois autour de ces projets solaires pour un montant collecté de 635 000 euros sur la base d’un placement à 3% d’intérêt. L’autre partie du financement a été accordé par la banque néerlandaise Triodos, une sorte de NEF hollandaise. Parmi ces contributeurs, il y a Benoit, patron avec son compagnon brésilien Robson d’une maison d’hôte gay friendly, la maison Prades, dans la sous-préfecture voisine. Ce Belge installé depuis cinq ans au pied du Canigou a investi quelques milliers d’euros pour lui, son compagnon et ses petits-enfants. « Je connaissais bien ce fermier. Nous achetons la viande chez lui pour faire des blanquettes. Je suis favorable à la tendance des circuits courts mais aussi aux énergies renouvelables. J’ai vu que ce projet était très sérieux, qui plus est avec rendement de 3%. La banque ne donne plus ça. Autant aider les gens et un projet citoyen comme celui-ci qui s’inscrit dans la nouvelle modernité » confie-t-il avec un peu de fierté.
Retard à l’allumage mais intérêts des coopérateurs préservés
Ainsi sont nés les deux projets photovoltaïques sur bâtiment, l’un Jean Solaire, 191,4 KWc installés sur le bâtiment de stabulation et d’élevage, propriété de la SCIC Ferme d’Escoums, l’autre GH solaire, 196,35 KWc installés sur le bâtiment de stockage, propriété de la SCIC Escoums Solaire. « Par l’intermédiaire de Jean-Yves Quinette, le bureau d’études Tecsol nous a concocté un productible aux petits oignons autour des 1 371 KWh / KWc / an pour les deux projets » précise Jean Quilleret. Les 1175 panneaux SunPower de 327 W fabriqués à Toulouse recouvrent désormais la toiture des hangars agricoles couplés à des onduleurs Delta, le Suisse Solarmax ayant fait défaut en cours de projet. La société Sol R de Perpignan a réalisé, sous la houlette de son gérant Thomas Spagnolo, l’installation en quelques jours à peine. Le temps pressait. Car côté ERDF, le transformateur destiné à injecter le futur courant produit en 400 V dans le réseau ERDF 20 000 V avait déjà été posé et raccordé depuis le 16 février 2015. Pire ! Suite aux avatars du financement et du chantier, le contrat de 20 ans, était soumis à un système de pénalité en cas de début d’injection dans le réseau au delà du 13 septembre 2015. Ce qui est le cas avec la mise en service au 13 juillet 2016. « Quoiqu’il en soit, les intérêts de nos coopérateurs comme de nos banquiers seront préservés puisque le plan de financement est prévu sur 17 ans. La durée du contrat sera donc supérieure à la durée du plan de financement » rassure Jean Quilleret qui a tenu encore a félicité les coopérateurs pour leur soutien à l’activité d’élevage en circuits courts, leur participation au mouvement de la transition énergétique avec la production de 500 000 kWh solaires annuels et bien sûr de leur implication citoyenne vers une économie choisie en fonction d’une philosophie de vie digne et respectueuse de l’humain. Autant de valeurs qui collent à celle de l’énergie solaire !
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