À la suite du Conseil Européen du 21 octobre dernier réunissant les Vingt-sept dirigeants de l’Union européenne, Emmanuel Macron a annoncé que la France allait se retirer du Traité sur la charte de l’énergie (TCE). La poursuite de la France au titre du TCE par un investisseur allemand du photovoltaïque n’y est pas pour rien.  Explications !
Le président de la République a expliqué que l’objectif de l’Union européenne était clair : devenir « un continent tout électrique ». Pour ce faire, le retrait de la France du traité sur la charte de l’énergie en est une première étape. Mais qu’est ce qui a donc motivé Emmanuel Macron à prendre une telle décision déjà prises par quelques voisins européens comme l’Espagne, les Pays-Bas et la Pologne ?
Quid du TCEÂ ?
Signé en 1994 et entré en vigueur en 1998, le TCE visait à encourager et à protéger les investissements directs étrangers (IDE) dans le secteur de l’énergie, en particulier dans les pays de l’ex-Union soviétique. Trente ans plus tard, cela n’a plus aucun sens : alors que l’urgence climatique impose une fermeture accélérée d’un certain nombre d’infrastructures fossiles existantes et une régulation fine du secteur de l’énergie, le TCE fragilise considérablement la capacité des pouvoirs publics à assurer à la fois la sécurité énergétique et climatique des populations. Les principes qui fondent le TCE (protection des investisseurs, non-prise en compte des enjeux climatiques, etc.) ne tiennent aucun compte des immenses défis climatiques et énergétiques auxquels les gouvernements sont confrontés. Depuis quelques années déjà de nombreuses organisations de défense du climat alertent les gouvernements et les citoyens sur les dérives de ce traité. « À l’heure où la catastrophe climatique s’aggrave, les tensions géopolitiques s’accentuent et les prix de l’énergie s’envolent, comment la France pourrait-elle rester membre d’un traité qui retarde, renchérit ou bloque la transition énergétique d’ampleur dont le besoin et l’urgence se font sentir de toute part ? Comment accepter de rester membre d’un traité qui permet à des industriels de poursuivre des États pour leurs politiques d’adaptation des mesures de soutien aux énergies renouvelables comme l’Espagne et dernièrement la France ? » soulignent en cœur les représentants des organisations.
La France poursuivie depuis le 2 septembre dernier
Si la France avait déjà été menacée dans le cadre du TCE, elle n’avait jamais été poursuivie au titre du Traité. Depuis le 2 septembre dernier, la France l’est officiellement. L’investisseur allemand Encavis AG, producteur d’énergie renouvelable (EnR), et trois de ses filiales (Capital Stage Solar IPP, Société centrale photovoltaïque d’Avon-les-Roches, Le Communal Est Ouest) ont engagé une procédure d’arbitrage contre la France, suite à la révision à la baisse des tarifs d’achat de l’électricité photovoltaïque, décidée par le gouvernement français en 2020. La procédure a été enregistrée le 2 septembre par le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). Institués en 2000, ces tarifs préférentiels – allant jusqu’au très attractif prix de 550 € le mégawattheure – ont été jugés trop favorables. Le gouvernement et le législateur ont décidé de « mettre un terme à la rémunération excessive » de certains producteurs, en revenant à des prix de rachat assurant une « rémunération raisonnable du capital ». Selon la Commission de régulation de l’énergie, un peu plus de 1000 parcs photovoltaïques étaient concernés. Dès la mesure prise, de nombreux cabinets d’avocats d’affaires ont démarché des investisseurs étrangers pour les inviter à poursuivre la France au titre du Traité sur la charte de l’énergie. Loin de favoriser les investissements dans les énergies renouvelables et ainsi lutter contre le réchauffement climatique, le TCE rend incertain et bien plus difficile la capacité des gouvernements à adapter avec précision les politiques énergétiques, faisant primer l’intérêt des investisseurs sur les enjeux climatiques ou de bonne gestion de l’argent public. Par son annonce, Emmanuel Macron a répondu positivement à la lettre lancée par les organisations de la société civile de sortir enfin de ce Traité. Un détail ! L’investisseur d’outre-Rhin réclame 1,4 milliard d’euros à La Haye pour compenser ses pertes.