La dernière version de la future feuille de route énergétique, mise en consultation jusqu’ début avril, revoit à la baisse les objectifs du photovoltaïque. L’Etat veut réduire le déséquilibre entre une production électrique en plein boom et une hausse, pour l’instant plus modérée, de la consommation. Décryptage !
Le gouvernement a lancé début mars la consultation du public autour du projet de feuille de route énergétique de la France, la fameuse PPE, qui prévoit notamment des ajustements sur l’énergie solaire, et sera ensuite adoptée par décret.
Premier réflexe du gouvernement : ralentir l’offre solaire
Et autant dire que les professionnels du solaire goûtent peu cette nouvelle mouture de la PPE3. « La filière du solaire souffre d’être la dernière arrivée dans un système électrique français dont l’offre dépasse en ce moment la demande. Alors qu’elle venait de trouver son rythme de croisière, le premier réflexe semble être à présent de ralentir son offre » confie avec amertume Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables. Une vision court-termiste car les scénarii du gouvernement tablent sur une hausse significative, à terme, de la consommation électrique. La trajectoire présentée dans la PPE 3 prévoit en effet de ramener la part des énergies fossiles dans la consommation finale énergétique en France de 58% en 2023 à 42% en 2030, puis 30% en 2035. Dans le même temps, l’électricité augmentera de 27% à 34% puis 39%.  Pour atteindre une baisse de 55 % des émissions de gaz à effet de serre en France en 2035, par rapport à  1990, Bercy mise sur une PPE3, à la fois axée sur le nucléaire et les énergies renouvelables.
Un rythme initial fixé à 4 GW par an
Reste, que dans le contexte actuel, c’est bien le rythme de déploiement des nouvelles centrales solaires qui est revu à la baisse, comme attendu. La cible pour 2035 passe de 75-100 gigawatts à 65-90 GW. L’objectif est ainsi de porter progressivement le rythme de développement du solaire au moins à 5,5 GW/an, contre 3 GW/an dans la précédente PPE, en visant 7 GW/an, afin d’atteindre les objectifs de capacités installées en 2030 et 2035 susmentionnés. Ce rythme est initialement fixé à 4 GW de capacités installées par an, soit environ 5 GW de capacités à attribuer ou contractualiser par an. Il sera ajusté à partir de l’horizon 2028-2029, pour être porté si besoin au maximum à 7 GW/an, en tenant compte notamment des prévisions d’évolution de la consommation d’électricité et de développement des flexibilités, afin d’assurer une contribution optimale à l’équilibre offre-demande. « Il est logique que l’Etat canalise le développement du solaire et gère l’offre et la demande, mais la filière apparaît comme la seule variable d’ajustement », regrette Daniel Bour, le président du syndicat professionnel Enerplan. Vincent Berger, Haut-Commissaire à l’énergie atomique, y est, quant à lui, allé de son petit avis au gouvernement dans le journal des Échos. « La stratégie volontariste de l’offre fait peser un risque de surproduction [d'électricité] si les possibilités d’exportation ne sont pas au rendez-vous. Une surcapacité serait très pénalisante pour le consommateur ou pour le contribuable », raison pour laquelle il prône une « revue à la baisse de la croissance du photovoltaïque » dans la PPE3. C’est un fait. Les tensions entre les deux filières ne sont pas prêtes à s’aplanir !
La part exacte de l’agrivoltaïsme dans cet objectif reste à affiner
En matière de répartition du photovoltaïque, la PPE dit prendre en compte notamment des coûts potentiellement plus élevés de certaines technologies et de la nécessité de minimiser les conflits d’usages et les impacts (mobilisation au maximum des terrains délaissés et anthropisés, utilisation de l’agrivoltaïsme). A titre indicatif, la répartition pressentie serait la suivante : – 41% sur petites et moyennes toitures – 5% sur petites installations au sol – 54% sur grandes installations, correspondant à 38% au sol et 16% sur toiture. Ce qui a d’ailleurs poussé Xavier Barbaro, PDG de Neoen d’assurer qu’: « aujourd’hui la source d’énergie qui a le plus d’avenir en France, ce sont les grandes centrales solaires », à savoir le solaire compétitif. La part exacte de l’agrivoltaïsme dans cet objectif reste à affiner, en fonction des possibilités de déploiement de ces installations, des autres installations photovoltaïques, et des besoins du monde agricole. En fonction de la maturité économique de la filière, ces projets seront soutenus par l’intermédiaire des AO PV sol et PV sur bâtiment, ou par un appel d’offre dédié, dont la puissance viendra en déduction de celle allouée aux appels d’offres précédents. Décret attendu début avril !
Encadré
Quid de l’implantation des usines en France ?
La France s’appuie sur l’implantation de plusieurs usines sur son territoire, qui devraient permettre de produire jusqu’à 10 GW de composants sur divers maillons stratégiques de la chaîne de valeur Projet de PPE n°3 soumis à la consultation d’ici 2035 (3 à 5 GW sur la chaîne de valeur du silicium, 3 à 5 GW de lingots & wafers, 5 à 10 GW de cellules et modules). Cette implantation devra se faire dans une logique de maitrise de la dépense publique.