Actualités/28 heures chrono : l'autoconsommation à la croisée des mondes

Du mardi 12 septembre à 14h00 au mercredi 13 à 18h00, le destin de l’autoconsommation photovoltaïque en France a été débattu lors des colloques de la CRE et celui du syndicat Enerplan. Deux événements coup sur coup qui ont fait salle comble montrant bien l’intérêt que suscite cette nouvelle façon de valoriser l’énergie solaire. Déroulé synoptique de ces deux rendez-vous.

14h16/ Jean-François Carenco, président de la CRE, tient sa conférence de presse d’avant colloque devant un aréopage de journaliste en compagnie de son homologue italien. Pour l’ancien directeur de cabinet de Jean-Louis Borloo, le développement autoconsommation est inéluctable et très largement souhaitable. Il en évoque le meilleur comme la diminution des besoins de production par optimisation, l’évitement des coûts de renforcement réseau, la participation citoyenne, la capacité à l’export. Mais il évoque aussi l’occurrence du pire avec ce mot fort de communautarisme via des parallèles osés allant des supporters de foot au fanatisme religieux. « L’autoconsommation ne doit pas être une victoire de l’entre soi, de la peur de l’autre et du refus de l’avenir » énonce Jean-François Carenco soucieux du financement du réseau et de la péréquation sur fond de solidarité nationale. On a connu entrée en matière plus consensuelle avant le lancement d’une grande consultation de la CRE sur le sujet.

Féodalisme énergétique

14h33/ Jean-François Carenco s’exprime à présent devant la salle. Son discours est plus nuancé. Il a tout de même mis en garde contre les effets d’aubaine que pourrait créer l’autoconsommation autour d’un féodalisme énergétique. « Le TURPE doit refléter le coût des autoconsommateurs. Plus cher ou moins cher. Les avis sont partagés. Prenons le temps d’examiner ensemble les signaux. Il faut éviter les transferts de charge des uns devant les autres. Nous devons trouver des solutions équitables pour assurer le développement de l’autoconsommation sans remettre en cause la solidarité nationale et la sécurité. Il s’agit de questions politiques Le maillage de nos réseaux, c’est l’existence même de la nation ».

14h48/ Guido Bortoni, président de l’autorité pour l’énergie et le gaz italienne, le pendant de la CRE, précise que l’Italie compte 750 000 autoconsommateurs. Ils sont environ 18 000 en France soit 0,04% des consommateurs. Comparaison n’est pas raison.
Un transfert de charge de 600 millions d’euros par an en 2030

15h01/ Ouverture de la table ronde sur les réalités de l’autoconsommation. Richard Loyen, délégué général d’Enerplan, revient sur le côté anecdotique, pour l’heure, de l’autoconsommation. « Aujourd’hui, c’est zéro impact sur l’économie du système électrique. Regardons à partir de quand, nous aurons des effets systémiques. Aujourd’hui, laissons faire, engageons la transition énergétique libérons ce flux. Etudions tous les aspects positifs avant ». Et de citer Charles Péguy : « Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise pensée. C’est d’avoir une pensée toute faite. Le ton était donné.

15h47/ Xavier Piechaczyk, membre du directoire de RTE se lance dans la prospective. Il annonce 4 millions de foyers autoconsommateurs en France en 2030 et un minimum de 9 TWh de production. Pour chaque ménage, l’économie annuelle réalisée serait de 100 euros. « Si l’on calcule les pertes en TVA, CSPE, TCFE, le calcul de transfert de charge sur ce volume d’énergie serait de 600 millions d’euros par an vers ceux qui n’autoconsomment pas. Voilà qui n’est pas neutre et impacterait de 20 euros par les 30 millions de foyers qui ne pourraient pas le faire. Il faut traiter ce sujet suffisamment tôt pour éviter l’impasse financière ». Dont acte.

Ne pas brider ce qui émerge

16h03/ En grand témoin, Eric Piolle, maire de Grenoble a insisté pour « ne pas brider ce qui émerge. Laissons expérimenter l’autoconsommation individuelle et collective ».

16h16/ Une vidéo du philosophe Raphaël Enthoven a ponctué le colloque. L’intellectuel y invite à l’autonomie et à balancer le réseau comme nos vieux DVD. Il conclut par une citation de Cocteau : « Puisque ces événements nous dépassent, feignons d’en être l’organisateur ». Brillant, mais pas au goût de tout le monde.

16h58/ Au cours de la deuxième table ronde, Fabien Choné, DG délégué Direct Energie invite la salle à revenir aux fondamentaux sur la réalité des coûts du TRURPE à 15 ans et se dit peu en accord avec l’approche de la CRE sur le sujet. Un discours un peu dissonant rafraîchissant. « Attendre l’optimum et établir une fiscalité qui est un choix politique en cohérence avec les signaux ». C’est dit.

17h02/ Vincent Schachter d’Engie évoque la possibilité de réduction du TURPE grâce un choix plus fin dans la préemption de la valeur locale et celle redistribuée. Comment mettre sur un pied d’égalité les 50 mètres d’une colonne montante et les 500 kilomètres d’un réseau.
18h06/ En conclusion Michèle Pappalardo, directrice de cabinet de Nicolas Hulot est venue faire part des réflexions menées pour une augmentation des volumes sur les AO autoconsommation de 2018 et de leur maintien jusqu’en 2022. Pour Michèle Peppalardo, l’autoconsommation est à un tournant « qu’on ne peut pas manquer ». Marquée par l’épisode du moratoire de 2010, elle avance cependant prudemment évoquant une adaptation à court terme et des changements à long termes pour éviter tout effet de bulle en cas de rythme trop rapide du développement de l’autoconsommation. Stabilité et adaptation. Vous avez dit oxymore ?

Mercredi 13 septembre. Jardin d’acclimatation de Paris.

9h51/ Daniel Bour, président d’Enerplan ouvre le deuxième colloque dédié à l’autoconsommation de son syndicat. Avec une annonce forte. Equiper en panneaux solaires 1,5 million de foyers qui ont du mal à payer leur électricité, y voyant un moyen de réduire la facture des plus modestes mais aussi de soutenir leur propre activité.

12h12/ André Joffre présente un projet d’autoconsommation collective Digisol dans les Pyrénées-Orientales, l’un des premiers en France avec une blockchain. A la fin de son discours, André Joffre interpelle régulateurs et opérateurs sur leur posture bien trop défensive sur ce sujet de l’autoconsommation que vont très vite s’approprier les GAFA, les spécialistes de la data. Le sujet est éminemment digital. « Réveillez-vous ! Aujourd’hui, la CRE est à l’autoconsommation ce que la préfecture de Paris est aux taxis » glisse-t-il. Sous les applaudissements. A la croisée du monde ancien et du monde de demain.

14h11/ Pascal Richard, directeur de SMA France enfonce le clou. Pour lui, l’autoconsommation c’est déjà du passé. SMA est d’ores et déjà entrée dans l’Internet de l’Energie, celui des data, des virtual power plants et des services associés.

17h15 David Marchal, directeur adjoint de la direction productions et énergies durables de l’Ademe sur le scénario prospectif de RTE sur les 600 millions de transfert de charges en 2015 en rapport à un TURPE qui pèse 15 milliards. « Le montant des taxes non payées par les autoconsommateurs ne peut être un argument pour bloquer le développement des projets. A horizon 15 ans, beaucoup de choses seront susceptibles de faire bouger ce TURPE, comme l’électromobilité par exemple ».

18h00/ Fin du colloque d’Enerplan. Maintenant. Place aux ateliers de travail de la CRE et à la consultation publique dans les semaines à venir. Dans l’espoir d’une maïeutique d’un compromis acceptable par tous.

Encadré
Le calendrier de la CRE

Juillet Publication des éléments de réflexion de la CRE
12 septembre Conférence-débat sur l’autoconsommation
Septembre-octobre Ateliers de travail
Novembre Consultation publique
Janvier Délibération

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