Au cÅ“ur de l’été et lors d’une journée très ensoleillée, le site de Savoie Technolac a fêté ses vingt-cinq ans. Un quart de siècle dédié au développement des énergies renouvelables et notamment de l’énergie solaire avec la présence de l’INES sur la technopole ! Cette journée qui était placée sous la présidence d’honneur d’Henri Proglio, PDG d’EDF a donné lieu à une table ronde animée au cours de laquelle Jean Therme, directeur de la recherche technologique du CEA n’a pas mâché ses mots sur le développement de la filière photovoltaïque française tout en manifestant de la mansuétude sur le rôle joué par EDF, reprise de Photowatt oblige. Herméneutique argumentée des propos divulgués lors de cet anniversaire !
Vingt-cinq ans, cela se fête. Cet été, le site de Savoie Technolac au Bourget du Lac a donc célébré son quart de siècle comme il se doit, avec en « guest star », et pour marquer le coup, le PDG d’EDF Henri Proglio. Il faut dire, comme l’a souligné dans son discours de bienvenue, Jean-Pierre Vial, le sénateur président de Savoie Technolac que la société EDF est un peu chez elle sur Savoie Technolac via notamment son Centre d’Ingénierie Hydraulique (CIH) présent sur la technopole depuis plusieurs années. A quelques encablures à peine des grands barrages érigés dans les vallées alpines ! Ancienne base aérienne militaire, Savoie Technolac a ainsi été fondée pour devenir le partenaire référent du développement des entreprises en Savoie dans le domaine des Energies Renouvelables. Outre l’hydraulique avec EDF, l’énergie solaire a trouvé sur Savoie Technolac un cadre idéal à son épanouissement « sous l’impulsion de pionniers tel André Jean de la société Clipsol » rappellera Jean-Pierre Vial. En 2005, le lancement de l’Institut National de l’Institut Solaire avec la complicité du CEA donnera une résonance internationale à la technopole. « Nous avons créé ici le Cadarache du solaire avec près de quatre cent cinquante chercheurs spécialisés » s’enthousiasme le sénateur président. En fait, l’énergie représente la composante majeure du parc. 50% des entreprises y travaillent sur des projets de développement liés aux énergies. Le solaire en figure de proue !
Seule l’innovation permettra la pérennité de la filière solaire
Pour ce vingt-cinquième anniversaire, les organisateurs avaient donc mis les petits plats dans les grands avec au programme une table ronde suivant la thématique « Eau, Soleil », l’inauguration et la visite du toit solaire du bâtiment de l’école des Arts et Métiers Paristech (voir reportage ci-après) ainsi qu’un cocktail convivial pour conclure cette après-midi du 12 juillet. Près de trois cents personnes, élus de Savoie et industriels du secteur, ont voulu, par-dessus tout, honorer ce rendez-vous incontournable. Alors que le grand chapiteau de toile blanche climatisée finissait de se remplir et juste avant le commencement officiel de la fête, Jean Therme directeur de la recherche technologique du CEA et Henri Proglio, après une poignée de main franche et chaleureuse, ont discuté en aparté pendant quelques minutes. Jean Therme tenait ainsi à remercier de vive voix le patron d’EDF de son implication dans la reprise de Photowatt International, une reprise qui assurait par ailleurs la survie de PV Alliance, une filiale commune à EDF EnR, Photowatt et le CEA dont la mission est le développement puis la production de prototypes de cellules photovoltaïques à haut-rendement par hétérojonction. Cette intervention très politique d’EDF – Henri Proglio s’était un peu fait forcer la main par Nicolas Sarkozy alors en pleine campagne électorale – a été un véritable soulagement pour le patron des énergies renouvelables du CEA. Il tenait à le faire savoir à cet hôte de prestige au cours de cette journée anniversaire. Grâce à la reprise de Photowatt International, Henri Proglio serait donc l’homme providentiel qui porterait les espoirs de l’ensemble de la filière industrielle française photovoltaïque. Son discours d’ouverture le confirme. « EDF participe à l’avenir de l’énergie solaire française en soutenant la recherche pour lancer une nouvelle génération de panneaux. Dans ce domaine du solaire photovoltaïque, seule l’innovation pourra nous permettre de bâtir une filière pérenne et compétitive. Et cela ne sera pas facile. Il faudra porter le projet collectivement pour le long terme » a déclaré le PDG d’EDF qui a confirmé sa volonté « de produire des capteurs solaires en France mais aussi des centrales nucléaires en Chine dans une conjugaison du mondial et du local et dans le respect du climat ». Henri Proglio n’a pas manqué non plus de renouveler les objectifs 2020 de la compagnie nationale en termes d’éventail de production : 50% nucléaire, 25% renouvelable et 25% thermique. Il a aussi rappelé que son groupe avait investi, via son rachat de 100% d’EDF EN, davantage dans le solaire et l’éolien que dans le nucléaire ces dernières années. Sans oublier de conclure sur le plus important à ses yeux le capital humain d’EDF qui se verra doter de six mille embauches supplémentaires en 2012 !
Soleil gratuit et prix du convertisseur à la baisse : Le solaire dispose d’une fenêtre de tir
Suite à ce discours « volontariste » sur le devenir du solaire dans le giron d’EDF, Jean Therme s’est employé lors de la table ronde qui avait pour thématique « Développer la production d’énergie renouvelable » à remettre le solaire en perspective. Sans concession ! Il a d’abord évoqué la situation actuelle du solaire qui ne représente qu’un millième dans la part de consommation primaire mondiale mais avec cependant une augmentation de 38% en 2011. « Le solaire ne sera à maturité qu’en 2030. Le solaire aujourd’hui, c’est un peu comme le nucléaire en 1960. La maturation d’un type d’énergie demande une trentaine année. C’est une constante de temps » a-t-il analysé. Dans ce contexte mondial, quid de l’énergie solaire en France ? « Elle est loin d’être un acteur majeur dans l’Hexagone avec pour l’heure une production de 20 kWh par an et par habitant là où les besoins s’élèvent entre 3000 et 5000 kWh par an. Elle a un degré de compétitivité à atteindre et souffre du nucléaire français qui permet de fixer le kWh à 5 ou 6 centimes d’euros. Cependant, deux choses positives peuvent aider à l’épanouissement du solaire : Les coûts à la hausse des énergies fossiles et l’impact environnemental du nucléaire. Le soleil est quant à lui gratuit, il coûte zéro à la source et les prix du convertisseur s’affichent régulièrement à la baisse. Le solaire dispose d’une fenêtre de tir, il peut gagner. Cependant, il lui faut encore une vingtaine d’années de maturation » expose Jean Therme. Autant dire, selon les propos de Jean Therme, qu’il faudra laisser du temps au temps pour voir émerger le solaire ! Vingt ans, voilà qui semble une éternité pour une technologie pourtant de plus en plus mature qui évolue au rythme de la loi de Moore qui veut que les capacités des composants doublent tous les ans à coût constant. En tous les cas, l’Asie et la Chine en particulier visent vraisemblablement une maturation plus précoce de ce marché du solaire photovoltaïque. Via le principe bien connu selon lequel la fin justifie les moyens !
Des taxes douanières comme outil de réciprocité
Et Jean Therme de vilipender avec des mots durs cette industrialisation massive sur des technologies existantes et donc peu innovantes des acteurs chinois. « Il a été mis à disposition des industriels chinois du solaire une manne financière de 29 milliards de dollars qui leur permet de faire du dumping sur la moitié du prix de leur composant. Ce dumping est fait pour faire couler tout le monde industriel du solaire avec des prix qui sont passés de 6 euros le Wc à 1,5 euro en deux ans. Et aujourd’hui même moins de 1 euro. Ce dumping chinois crée une asymétrie effroyable du marché. La seule solution qui s’impose est l’outil de réciprocité avec des taxes douanières à l’égal du dumping imposé, à l’instar de ce que font les Etats-Unis. Et n’allez pas me parler là d’antilibéralisme ! » s’agace le ponte du CEA. Vitupérés par Jean Therme, ces produits chinois ont toutefois fait le bonheur de nombreux développeurs de centrales photovoltaïques qui ont vu leur TRI flambés en 2011 et 2012. « Le différentiel de 20 à 30 centimes au Wc entre les modules chinois au bilan carbone déplorable et ceux de Photowatt que tout le monde regardait couler sans rien faire, sans aucune solidarité nationale, a été rédhibitoire. Des financiers gougnafiers s’en sont mis pleins les poches sans une seule action du gouvernement. Sans compter que 45% des installations ne sont pas en conformité électrique. Des gens ont voulu couler l’énergie solaire photovoltaïque française. Nous sommes sortis du raisonnable et du raisonné. Les coups violents portés à la filière qui n’ont pas éliminés que les plus mauvais devraient être salvateurs à long terme » s’emporte Jean Therme. Lorsqu’on lui rétorque que l’entreprise EDF n’a pas été la dernière à faire fi de la solidarité nationale notamment via ses accords avec l’Américain First Solar, Jean Therme manifeste alors une certaine mansuétude au vu du soutien apporté par EDF à Photowatt et par extension au CEA. Une sorte de raison d’état qui pardonnerait à EDF, acteur prépondérant de la bulle financière et de ses dérives, tous ses égarements !
Pour un tarif qui favorise l’emploi en France
Reste le fond du problème : La nécessité absolue de recréer au plus vite une nouvelle dynamique de la filière au sein d’un cadre éthique empli de sagesse et de visibilité. « Il doit être mis en place un tarif d’achat adapté à la France régulé au juste niveau, un tarif qui favorise l’emploi en France, la production des produits en France, un tarif qui donne envie de faire du solaire sans enrichir des intermédiaires. Et puis une question se pose. Peut-on développer le solaire en France en achetant ailleurs ? Nous devons avoir une industrie qui produit des matériels sinon cela ne marchera pas. Si nous ne développons des emplois industriels de base, les installateurs chinois finiront par venir chez nous. Nous allons écrouler notre balance commerciale et entrer avec le solaire dans une dépendance à l’égal du pétrole » stigmatise Jean Therme. Mais où en est la France dans cette guerre économique et industrielle ? Est-elle déjà hors-jeu comme certains le pensent ? « Nous espérons rester dans la course avec EDF et Photowatt via l’obtention de technologies très performantes – hétérojonction – et une industrialisation poussée qui induit de faibles coûts de main-d’Å“uvre. Rien n’empêche de disposer demain d’une filière compétitive avec Photowatt et EDF qui apporte une solution sur l’ensemble de la chaîne de valeurs. C’est en cela que je remercie encore publiquement EDF pour son engagement. Il n’existait pas de solutions plus crédibles qu’EDF sur ce dossier » confirme Jean Therme qui en a profité pour annoncer le démarrage de la ligne pilote de 25 MW, fruit de PV Alliance, qui produit d’ores et déjà des cellules photovoltaïques d’un rendement de 20%. Des rendements de 22% ont été atteints au sein du département de recherches avec qui plus est une baisse des coûts substantielles. On attend maintenant une montée en régime de cette production française pour qu’enfin EDF installe des modules made in France !