Tout le monde connaît l’histoire du scorpion qui ne savait pas nager et qui désirait traverser une rivière. Il croise une grenouille capable de l’amener sur la berge, en face. La grenouille, certes méfiante à la vue de l’aiguillon venimeux, embarque l’arthropode sur son dos. La rainette tient la vie du scorpion à fleur de dos. Au milieu du cours d’eau, le scorpion agite son abdomen et exécute froidement la grenouille de son dard empoisonné. Les deux finissent par perdre la vie. Le naturel du scorpion a repris le dessus, quelles que puissent en être les conséquences.
Il en est ainsi des énergéticiens historiques et des technostructures centralisées de l’énergie. Ces grands monopoles sont le scorpion de la fable. La grenouille énergie verte solaire a pris confiance ces dernières années. Elle a coassé de plaisir et crû au rythme des volontés politiques des seigneurs du château. Elle attirait les sympathies, parangon écolo d’un monde nouveau sans carbone, ange gardien d’une planète enfin délivrée des pollutions fossiles. Le scorpion ne moufetait guère, participant même à la fête. C’était mieux avant. La belle époque !
Mais depuis peu, les choses ont changé. En Allemagne, la grenouille qui s’est faite plus grosse que le bÅ“uf commence à agacer le scorpion Eon qui se rebiffe. Partout dans le monde, les gaz de schiste ont fait du charbon un nouvel or noir bon marché. La grenouille commence à déranger le bel ordonnancement de ces monopoles qui voient leurs actions en bourse fondre comme neige au soleil et leurs centrales au gaz fermer leurs portes. La sacro-sainte rentabilité n’est plus au rendez-vous et l’autoconsommation de la grenouille pourrait lui faire plus mal encore. C’en est trop. Le naturel des énergéticiens revient au galop, lobbyistes invétérés au neurotoxique puissant.
Le scorpion pique la grenouille renouvelable pour la paralyser, l’annihiler. Tout cela en faisant fi des conséquences ! Celles du réchauffement climatique sur fond de désert qui galope et de terres immergées par la montée des eaux, celles de nappes phréatiques polluées par des huiles qui enflamment les éviers des ménages américains, celles d’une centrale nucléaire qui déverse des vagues d’eaux radioactives dans un océan qui n’a plus rien de pacifique. Le scorpion sera emporté aussi. Il le sait mais c’est plus fort que lui. A la grenouille de trouver l’antidote !