La transition énergétique allemande fait l’objet de nombreuses critiques, cette dernière étant accusée de faire porter un risque de hausse des tarifs de l’électricité, de désindustrialisation du pays. Pour éclairer le débat et tordre le cou aux idées reçues, le WWF France publie la version française du rapport du WWF Allemagne « Mythes et réalités sur le rôle des énergies renouvelables dans la transition énergétique en Allemagne ». Cette étude déconstruit notamment les mythes véhiculés sur les relations entre augmentation des prix de l’électricité et développement des énergies renouvelables et permet de mieux appréhender la mutation du modèle énergétique allemand.
Mythe 1 : Le développement des énergies renouvelables est le principal responsable de la hausse des prix de l’électricité en Allemagne
Au regard de la structure du prix de l’électricité, c’est affirmation est erronée pour deux raisons principales.
1/ L’étude de Felix Christian Matthes du ko-Institut rappelle utilement que le coût de l’électricité inclus certes les coûts variables dont les combustibles mais aussi les coûts fixes et charges d’intérêt, les taxes sur l’énergie et le carbone, le coût de commercialisation et d’entretien du réseau. En 2008, l’agence fédérale des réseaux électriques (BNA) pointait du doigt l’âge moyen très avancés (32 ans) des pylônes à très haute tension pour les lignes à 380 KV et celui de 50 ans pur les lignes à 220 KV.
Ainsi, l’augmentation des prix de l’électricité est une tendance liée principalement à la nécessité d’investir dans le système énergétique entre 2005 et 2030 et cela quel que soit la composition du bouquet électrique, nucléaire inclus. En effet, la plupart des investissements réalisés dans le système énergétique ne peuvent être évités, en raison de l’obsolescence de nombreuses centrales électriques existantes. De plus, l’augmentation du coût du charbon et du gaz, déjà élevé à l’origine, mais aussi celui des matières premières et de la construction de nouvelles centrales conventionnelles, suffirait à faire monter les prix de l’électricité même en l’absence d’expansion des énergies renouvelables. Contrairement à ce qui se passe avec les centrales conventionnelles et les combustibles qui les alimentent, les coûts spécifiques de l’électricité produite à partir du soleil et du vent décroissent nettement et régulièrement, et il n’y a pas de fin d’exploitation à prévoir comme c’est le cas du nucléaire dont le coût du démantèlement représente une charge importante à provisionner.
2/ Depuis 2000, seul un tiers de l’augmentation du prix de l’électricité peut être attribué au soutien aux énergies renouvelables. En effet, comment expliquer que les opérateurs n’aient pas répercuté sur le prix de l’électricité la baisse enregistrée entre 2009 et 2010 du prix de gros, baisse en partie liée à l’augmentation de la commercialisation de l’électricité issue des énergies renouvelables ? La raison est à trouver dans la structure du prix de l’électricité qui enregistre une hausse significative de la part des frais de commercialisation et de la marge des opérateurs.
Mythe 2 : Le coût de la transition énergétique et en particulier le développement des renouvelables nuit à la compétitivité des entreprises et pèse très lourdement sur les ménages
1/ En Allemagne, c’est la répartition du coût de la transition énergétique qui pose problème et non la nature de cette transition. Le gouvernement fédéral a fait le choix d’exonérer massivement de toute contribution au financement de la transition énergétique, les grosses entreprises industrielles dites « intensives en énergie ». Si l’on ajoute à cela l’allègement des charges d’utilisation du réseau et de la taxe sur l’électricité ainsi que les subventions octroyées par le gouvernement fédéral dans le cadre du fonds Energie et Climat, le montant des avantages cumulées est estimé à 9 milliards d’euros. Ainsi, les 17 000 grands clients industriels, dont la consommation annuelle dépasse la barre des 2 millions de KWh, et représentant 48% de la demande du marché de l’électricité bénéficient d’un avantage de 9 milliards d’euros. Le reste de la demande se répartit entre ménages (27%) et les autres clients industriels non intensifs en énergie (25%). C’est sur eux que l’essentiel de la charge du coût du financement porte. Il est évident que la répartition d’un coût qui va continuer à croître (cf. Mythe 1) sur la répartition d’un nombre d’acteurs de plus en réduit (52% de la consommation) va faire peser une charge disproportionnée sur ces derniers. La solution est donc dans une évolution de la répartition.
2/ Les renouvelables en Allemagne sont un facteur de compétitivité et de création d’emplois.
Le secteur emploie 381 600 (2011) personnes et a permis un allègement de la facture énergétique du pays de 54,8 milliards d’euros. Quand on sait que l’Allemagne doit dépenser 68 milliards en importations de combustibles fossiles, cette économie n’est pas négligeable.
3/ La précarité énergétique recule en Allemagne.
Grâce à des programmes comme « Stromsparcheck » faisant la promotion de la sobriété énergétique, il est possible de faire reculer de 10% le montant de la facture d’électricité. Ces nouvelles marges de manÅ“uvre autour des habitudes de consommation ont eu des impacts positifs. En 2006, on déplorait 800 000 cas de coupures d’électricité pour impayés, alors que ce chiffre n’était plus que de 600 000 en 2011 selon l’association de consommateurs du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. C’est certes encore trop mais cela semble indiquer une amélioration de la situation.
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