En Espagne, la parité réseau en matière de solaire photovoltaïque est quasiment atteinte. L’ensoleillement généreux et la baisse du prix des modules photovoltaïques combiné à un prix du kWh élevé (près de 20 centimes d’€ pour les ménages) permet de rendre l’énergie solaire compétitive. L’heure est donc à la mise en place de règles pour encadrer l’autoconsommation. Et autant dire que le gouvernement espagnol ne semble pas avoir l’intention de faciliter ce type d’approvisionnement en électricité. Le projet de décret qui a été divulgué ces derniers jours n’inclut pas la possibilité de net metering contrairement à ce qu’il avait été annoncé il y a plus d’un an. Le « net metering » est une forme de rémunération très utilisée aux États-Unis. Dans ce système, l’excédent d’électricité est injecté dans le réseau électrique public via le compteur de production. Le fournisseur d’énergie déduit ensuite l’électricité du réseau consommée par l’exploitant de l’installation de l’électricité verte générée par lui. Pour faire simple, c’est l’histoire du compteur qui tourne à l’envers.
Trop simple, trop dangereux aussi certainement. Le projet de décret pondu par le gouvernement espagnol est d’une toute autre facture. L’apport d’énergie excédentaire est reversé gratuitement sur le réseau. Le producteur ne reçoit rien en retour des kWh fournis. Sachant que sans système de stockage par ailleurs cher à l’investissement, il est très difficile de consommer ne serait-ce que 50% de ce qui est produit. Le manque à manquer est rédhibitoire. Mais il y a pire encore ? Le projet de décret prévoit que le producteur doit payer un péage pour chaque kWh produit et autoconsommé ! Par exemple, pour un consommateur domestique, le péage proposé est de 6,7 centimes d’ € par kWh autoconsommée. Pour les autres types d’utilisation, le prix annoncé est compris entre 2,5 et 4,0 centimes d’€ par kWh autoconsommée. Là où l’Allemagne a primé l’autoconsommation, l’Espagne la grève par une redevance dirimante. Désolant !
Mais ce n’est pas tout. Il y a quelques semaines à peine, un autre projet de décret visait à modifier les tarifs d’électricité en Espagne. L’idée qui prévaut : Une augmentation de l’abonnement, quote-part fixe de la facture liée à la puissance souscrite et dans le même temps une diminution des tarifs du kWh, la composante variable liée à la consommation d’énergie. Une double mesure qui ne fait pas l’affaire de l’autoconsommation et qui décourage toute opération d’économie d’énergie. Si l’on ajoute à tout cela l’empressement du gouvernement espagnol à voter favorablement pour l’instauration des droits de douanes contre les modules chinois et faire, par la même, augmenter les prix des modules en Europe, il semble que le solaire photovoltaïque ne soit guère en odeur de sainteté du côté de Madrid.
Mais cette multiplication des chausse-trapes pose question. Le solaire photovoltaïque désormais compétitif en Espagne ne serait-il pas devenu un concurrent terriblement gênant pour les lobbies industriels centralisés de l’énergie qui voient dans l’autoconsommation photovoltaïque les prémices de pertes de parts de marché inéluctables ? Les projets de décrets mortifères pour les perspectives du secteur photovoltaïque en Espagne résisteront-ils à la pression populaire avide d’énergie bon marché, d’autonomie et de liberté. Le solaire photovoltaïque en étendard d’un vrai choix de société, un choix de la base contre le pouvoir central !