Fin 2010, Thierry Miremont, 52 ans, a été est nommé directeur général de Photowatt spécialiste français de la fabrication intégrée de solutions photovoltaïques. Après avoir débuté comme consultant financier au sein du cabinet d’avocat Borloo, il a Å“uvré dans le conseil en entreprise, chez Arthur Andersen puis McKinsey ainsi qu’à des postes opérationnels. Il arrive chez Photowatt pour relever le défi de la rentabilité d’une société en proie à de grosses difficultés de compétitivité ! Costs killer, mode d’emploi !
Plein Soleil : Vous avez annoncé en début d’année un plan social drastique de 95 emplois sur les 534 postes actuels et 195 salariés qui verraient leur emploi affecté, notamment par le transfert de l’activité modules ou la suppression de postes indirects dans l’ensemble de l’entreprise. Dans quelle mesure ce plan social est-il lié avec la situation confuse du photovoltaïque français actuellement sous le coup d’un moratoire ?
Thierry Miremont : Ce projet n’est pas lié au décret gouvernemental concernant la filière photovoltaïque. Nous aurions dû le proposer même sans ce moratoire. Il est avant toute chose le résultat d’un constat structurel implacable : Photowatt n’est plus compétitive sur son marché depuis de nombreuses années. A cela s’ajoute une concurrence exacerbée, notamment venue d’Asie, et à une pression très forte sur les prix qui a conduit à une chute de 45% des prix de vente depuis 2008. Malgré diverses mesures d’amélioration continue entreprises, nous ne pouvons plus suivre en l’état cet effondrement tarifaire vertigineux qui a mis des pressions insoutenables sur les coûts de production et a déjà contribué à générer de lourdes pertes au premier semestre 2010.
Voilà pourquoi, afin de retrouver au plus vite notre compétitivité et d’assurer la pérennité de l’entreprise, nous avons informé les représentants du personnel d’un projet autour des deux axes suivants, qui sont indissociables l’un de l’autre :
- Un programme d’amélioration de la performance, qui comprendrait une optimisation des capacités de production, une sous-traitance de l’assemblage des panneaux solaires Photowatt conservant en interne la fabrication des wafers et des cellules et un plan d’économies sur les achats et les dépenses de fonctionnement.
- Un programme de relance de l’activité autour de la poursuite, au sein de PV Alliance, du développement de produits hautement performants visant l’amélioration du rendement photovoltaïque, et de la redynamisation de l’action commerciale tant en France qu’à l’export.
PS : Vous évoquez une baisse des prix du marché de 45% depuis 2008 sous la pression des acteurs asiatiques du photovoltaïque. De votre côté, quelle baisse avez-vous été en capacité d’imputer à vos produits ?
TM : Grâce à diverses mesures d’amélioration continue entreprises, nous sommes parvenus à abaisser ce prix d’environ 12% en un an.
La puissance de feu des fabricants chinois
PS : Quel aujourd’hui est le prix d’un Wc sortant de l’usine Photowatt ?
TM : Pour des raisons évidentes de confidentialité vis-à -vis de nos concurrents, je ne peux pas vous donner de chiffre exact. Néanmoins, nous sommes en moyenne 10 à 15% plus cher que nos concurrents.
PS : Votre structure de coût est de 25 à 40 % supérieure à celle vos concurrents, dites-vous. Comment expliquez-vous un tel écart alors même que le coût de la main d’Å“uvre n’est pas vraiment significatif dans cette industrie très capitalistique du photovoltaïque et que vous disposez d’une expérience et d’un savoir-faire précieux de plus de 30 ans ?
TM : Notre écart est de 25% par rapport à la moyenne mondiale de nos concurrents et de 45% par rapport aux meilleurs d’entre eux. Cet écart est principalement dû à la différence de capacité de production entre Photowatt et ses principaux concurrents. Comme vous le dîtes très justement, l’industrie photovoltaïque est une industrie capitalistique : plus les entreprises produisent et plus les coûts de production diminuent. Il y a encore cinq ans, Photowatt faisait partie des premiers producteurs de panneaux photovoltaïques en termes de capacités. Depuis, nos principaux concurrents, qui sont de puissantes entreprises avec des moyens financiers très importants, ont rapidement augmenté de manière significative leur capacité de production grâce à des investissements colossaux. Nous n’avons pas pu suivre cette course à l’investissement, car nous n’avons pas les mêmes moyens financiers, malgré les investissements constants de notre actionnaire ATS. Ainsi, l’entreprise chinoise Suntech, qui produisait à peu près autant que Photowatt en 2004, est aujourd’hui le leader du marché avec une production annuelle estimée à 1,25GW en 2010, alors que nous ne sommes en mesure de produire 70 MW sur la même année, soit près de 20 fois moins.
Vous imaginez bien la puissance de feu qu’ils ont dans leurs négociations d’achats de matières premières stratégiques ou dans les effets d’économies d’échelles dont ils peuvent bénéficier et pas nous.
Notre compétitivité passe par l’amélioration du rendement des cellules
PS : Sur l’ensemble de la chaîne, où se situe selon vous le principal avantage de l’industrie chinoise ?
TM : Le principal avantage de l’industrie chinoise réside sans hésiter dans l’importance des capacités de production de ses entreprises comparées aux entreprises européennes, et notamment Photowatt. En effet, ces capacités de production sans commune mesure avec les nôtres (rapport de 1 à 20) qui leur ont permis de considérablement diminuer leurs coûts de production, et par conséquent d’abaisser significativement leurs prix de vente.
PS : Quelle est votre stratégie pour retrouver de la compétitivité et rivaliser avec les industriels asiatiques ?
TM : Si nous ne pouvons pas rivaliser avec eux en matière de capacité d’investissement et de production, nous possédons néanmoins un avantage compétitif en matière de développement technologique et de rendement photovoltaïque. En effet, le rendement de nos cellules est parmi l’un des meilleurs du marché, et nous croyons que c’est par la poursuite de l’amélioration continue de ce rendement que nous parviendrons à retrouver notre compétitivité.
C’est pourquoi nous avons présenté aux représentants du personnel un programme de relance de l’activité autour de :
- La poursuite, au sein de PV Alliance, du développement de produits hautement performants visant l’amélioration du rendement photovoltaïque, via notamment les techniques dîtes d’homojonction et d’hétérojonction.
- La redynamisation de l’action commerciale tant en France qu’à l’export, afin de mieux cibler les attentes de nos clients. Ceci passera notamment autour d’une offre de services et d’assistance distinctive à nos installateurs et distributeurs, qui nous permettront de faire la différence par rapport à nos concurrents, et éviter que le prix soit le seul critère de choix. Avec Photowatt, le client et ses financeurs sont assurés de bénéficier d’une qualité tout à fait compétitive sur le produit comme sur l’installation, fruit de 30 ans de savoir-faire technologique et d’une qualification et d’un suivi rigoureux de nos installateurs.
Grâce à ce programme de relance indispensable à notre survie, nous serions à nouveau rentables dès 2012.
PS : Seuls l’innovation ou un gap technologique sont donc susceptibles de vous faire retrouver de la compétitivité ?
TM : Comme je l’ai évoqué, Photowatt possède un avantage compétitif en matière de développement technologique et de rendement photovoltaïque. Le rendement de nos cellules est parmi l’un des meilleurs du marché, et je crois que c’est par la poursuite de l’amélioration continue de ce rendement que nous parviendrons à retrouver notre compétitivité.
C’est pourquoi un des axes du programme de relance de l’activité que nous avons présenté aux représentants du personnel vise la poursuite, au sein de PV Alliance, du développement de produits hautement performants visant l’amélioration du rendement photovoltaïque, à la fois sur notre technologie actuelle d’homojonction, puis, plus tard, grâce à l’hétérojonction qui devrait nous permettre d’avoir des rendements électriques très supérieurs à 20%. Grâce à notre présence dans PVA, nous serons parmi les rares dans le monde à produire et à commercialiser cette technologie qui nous donnera un avantage compétitif majeur.
« Sans la maîtrise du process complet de production, vous êtres à la merci des fournisseurs de wafers et de cellules »
PS : Photowatt est intégré verticalement et pourtant Photowatt souffre. Quel est selon vous l’avenir des usines d’encapsulation de modules qui ont fleuri sur le territoire français ces deux dernières années ?
TM : Je n’ai pas à porter de jugement sur la stratégie de mes confrères et néanmoins concurrents en France. Je questionne en revanche la capacité d’un producteur uniquement de modules, qui achète ses cellules à l’étranger, d’être durablement rentable sur le marché français, quand on connait les coûts de main d’Å“uvre en France sans avoir d’effet d’économie d’échelle (Achat). Pour résister à la concurrence asiatique, sans maîtriser, contrairement à Photowatt, toute la chaine de production, cela suppose de lourds investissements en automatisation qu’il faudra bien rentabiliser un jour ou l’autre et qui ne peut se justifier que si ledit producteur de modules est adossé à un actionnaire aux poches profondes. Mais ceci n’a qu’un temps. La rentabilité doit être au rendez-vous de façon durable. On en reparlera dans quelques années.
Au contraire, l’un des atouts majeurs de Photowatt est d’être le seul acteur français intégré depuis le silicium jusqu’aux systèmes. Etre capable de maitriser les 200 paramètres qui rentrent dans la composition des wafers, avoir en permanence le retour d’expérience pour améliorer de façon constante le rendement électrique des cellules, sont des facteurs qui composent pour moi l’essentiel de ce que j’appelle ‘le cÅ“ur du réacteur’ d’un panneau. La production de modules se résume à faire de l’assemblage, dont on sait que la valeur ajoutée est plus faible. Sans cette maîtrise du process complet de production, vous êtes à la totale merci de vos fournisseurs de wafers et de cellules.
PS : Vous participez aux discussions sur la filière photovoltaïque française durant cette période du moratoire. Quel message allez-vous porter pour aider Photowatt à surmonter l’épreuve actuelle ?
TM : Comme je l’ai déjà dit, le projet que nous avons présenté n’est pas lié au décret gouvernemental concernant la filière photovoltaïque. Concernant le décret gouvernemental, je comprends et je partage l’inquiétude de nombreux acteurs de la filière, même si je pense sincèrement que cette décision était nécessaire afin de remettre à plat les règles du jeu.
En tant que Directeur général de Photowatt, je supporterai tout dispositif de soutien public à l’énergie solaire photovoltaïque qui devrait permettre de favoriser davantage les producteurs français, dont Photowatt. Je suis convaincu que l’avenir du photovoltaïque passe par l’établissement d’une véritable filière en France, dont Photowatt doit être la cheville ouvrière, grâce à sa position de leader français historique et intégré du solaire en France, bâtie depuis 30 ans de réalisations tant en France qu’à l’export. Notre expérience est unique en France et elle peut utilement profiter à l’ensemble de la filière. Le gouvernement le sait bien.
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