Tribune de Benoit Praderie de Planète éolienne
Jeudi 28 mars sur France 2, le Président de la République « omet » de parler d’une des rares opportunités que nous avons de changer de paradigme en redressant le pays : la transition énergétique. C’est pourtant en fanfare qu’il a lancé le débat lors de la conférence environnementale du 14 septembre dernier. A l’époque, il disait « La France doit devenir la nation de l’excellence environnementale ! » mais aussi « l’exigence environnementale est un atout pour l’emploi ».
Depuis que voit-on ? Du tragique et du funeste. Le débat national sur la transition énergétique, sans qu’il faille vouer aux gémonies les travaux en cours, est inaudible (4 français sur 5 n’en ont jamais entendu parler et pourtant 4 français sur 5 le jugent important)(2). Le ministère de l’écologie persévère mais en est-il seulement conscient ? dans son travail de sape des filières énergies renouvelables, potentiellement créatrices de centaines de milliers d’emplois. Malgré le cynisme affiché alors que le pays s’enfonce dans la crise, ce qui se passe est une honte qui éclabousse aussi le ministre du redressement productif.
Ainsi, les « mesures d’urgence » annoncées en septembre 2012 ne sont qu’incantatoires et pire, se révèlent être des « machines » à casser les PME. Sourds aux nombreuses recommandations de tous les acteurs (ONG, syndicats professionnels, experts) qui n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme depuis l’été 2012, force est de froidement constater que ce gouvernement n’a aucune conscience de ce qu’est une PME. Elles sont pourtant, par essence, l’arme absolue contre le chômage, et les seules à pouvoir concrétiser la transition énergétique sur ses trois piliers, maintenant fameux(3) : l’efficacité énergétique, la sobriété et les énergies renouvelables.
Ces deux dernières années, les filières éolienne et photovoltaïque ont perdu dans l’indifférence générale de 15 à 20.000 emplois. Elles auraient pu en créer 2-3 fois plus vue l’urgence absolue de développer massivement les énergies renouvelables. Au lieu de cela, on procrastine, on élude et faute de « cap », on laisse la technostructure jacobine et pro-nucléaire donner le « la » d’un ersatz de politique : d’ores et déjà , tout le monde convient que les engagements européens sont hors de portée.
Illustrations de l’impéritie gouvernementale :
- Maintien des procédures d’appels d’offres pour le solaire photovoltaïque alors que le monde entier(4) a déjà compris qu’elles sont totalement inefficaces par rapport aux tarifs réglementés parce qu’elles massacrent les PME. Bye-bye !, les « mesures d’urgence ».
- Fixation d’un objectif minimaliste de 920 MW/an dans cette même filière alors que nos deux voisins, l’Italie et l’Allemagne, ont installé en 2012 plus de 15.200 MW à eux deux(5). Il paraît burlesque d’annoncer vouloir créer une filière exportatrice avec de tels écarts. Du balais !, la politique industrielle.
- Alourdissement ahurissant des conditions réglementaires : désormais, il est nécessaire d’avoir signé un accord de partenariat avec un organisme de recherche agréé (objectif & budget) pour prétendre développer un projet photovoltaïque, même un tout petit projet de 250 kW, suffisant pour couvrir (théoriquement) la consommation d’un village de 200 habitants. Ouste !, les PME et les territoires.
- Pression outrancière pour astreindre une filière à une compétitivité en devenir à un coût du kWh produit presque deux fois moins élevé que celui de l’énergie nucléaire, soi-disant mature(6). Exit !, la défense du faible contre le puissant.
Comment alors appeler cette politique qui, au milieu d’une crise aggravée, continue de torpiller le marché, néglige avec ostentation les engagements européens, asphyxie la création d’entreprise et les emplois ? « Le chômage est la priorité des priorités » disait sans rire, notre président sur France 2. Il faut croire que ce gouvernement est prêt à se payer ce luxe, préférant regarder le doigt que de viser la Lune. Nous y voilà , entre la honte et l’indignation de ceux que fâchent l’irresponsabilité et la sottise
2 Sondage IPSOS, déc. 2012. Il confirme aussi que 9 français sur 10 sont favorables au développement des énergies renouvelables et que 4 français sur 5 considèrent qu’elles ne se développent pas assez rapidement.
3 Merci négawatt ! (www.negawatt.org)
4 Voir rapport de l’ONU « Feed-in Tariffs », Programme des Nations Unis pour l’Environnement, déc. 2012.
5 Soit à peine 3 semaines pour arriver à l’objectif annuel français !!
6 La note maximale de l’appel d’offre solaire pour des centrales au sol est obtenue avec un prix de 14 centimes !
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