Publié le jour même de l’ouverture de la Conférence environnementale, le rapport remis par le CGIET et le CGEDD à la Ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie et au ministre du Redressement productif sonne comme une véritable provocation en proposant rien de moins que la confiscation définitive de l’éolien et du photovoltaïque par les grands groupes énergétiques, ceux-là mêmes qui n’ont eu de cesse depuis des décennies d’empêcher leur développement par les citoyens, les PME et les collectivités locales.
Oubliant totalement la nécessaire priorité à la maîtrise de l’énergie, systématiquement à charge contre l’éolien et le photovoltaïque, bâti sur de très nombreuses approximations quand ce ne sont pas des contre-vérités assénées sans vergogne ce rapport fait peser de sérieux doutes sur l’honnêteté intellectuelle et sur le niveau de connaissance de ses auteurs. Bien que nombreux, ces derniers sont tous issus des deux grands corps d’Etat (les « Mines » et les « Ponts ») qui ont construit et qui dirigent encore le système énergétique actuel, celui que précisément le Chef de l’État nous enjoint de faire évoluer : aucune expertise indépendante, on ne s’étonne pas du résultat
Malgré quelques mesures positives en matière de simplification administrative, le rapport s’en prend violemment au principe même des tarifs d’achat, le seul mécanisme de soutien qui, en apportant la sécurité aux investisseurs, a vraiment fait ses preuves de par le monde : efficacité économique et industrielle entraînant de spectaculaires baisses des coûts et la création d’une industrie en pleine croissance. En proposant de remplacer les tarifs d’achat par des appels d’offres, une procédure dont la mise en Å“uvre a toujours conduit à des échecs cuisants (dans l’éolien, le photovoltaïque et parfois la biomasse et le biogaz) ou déstabilisé les filières locales d’approvisionnement (dans la biomasse), nos grands technocrates dévoilent leurs réelles intentions : confisquer le soleil, le vent et la biomasse au seul profit des oligopoles de l’énergie gérés par les camarades d’école.
En effet, les tarifs d’achat permettent à tout un chacun de devenir acteur de son approvisionnement énergétique et se rendre ainsi maître son propre destin, et ceci quel que soit sa nature et son « métier » : un particulier, une copropriété, un artisan, un agriculteur, une PME, une mairie, un établissement scolaire, une association locale, une coopérative… peuvent devenir producteurs. Cela fait des tarifs d’achat bien plus qu’un simple outil de financement : un moyen privilégié de démocratie participative et citoyenne à l’effort collectif.
Il est vrai qu’ils exigent pour bien fonctionner d’être correctement « calibrés ». L’histoire mouvementée des tarifs photovoltaïques en France ont montré les dégâts que pouvait provoquer un mauvais pilotage : trop faibles entre 2002 et 2006, ils n’ont pas permis l’émergence à une époque d’une filière industrielle française capable de se positionner à l’international ; trop élevés entre 2006 et 2011, ils ont attiré les spéculateurs les moins scrupuleux ; brusquement suspendus puis totalement corsetés depuis, ils ont conduit, dans le plus grand silence médiatique, à plusieurs milliers de licenciements dans les PME du secteur
La responsabilité de ces errements n’est pas imputable à la technologie ni aux industriels, mais à une absence de pilotage politique et à un mauvais calibrage des tarifs par l’administration, où les mêmes grands corps d’Etat sont aux manettes. Des tarifs d’achat bien conçus et correctement mis en Å“uvre sont par nature l’instrument d’une transition énergétique démocratique, décentralisée et citoyenne à laquelle François Hollande a clairement appelé : on n’imagine pas que sa ministre en charge de l’énergie puisse maintenant suivre les préconisations d’un rapport nostalgique d’un passé que l’on espère révolu.