Centrale solaire d’Ucciani en Corse : Requiem des illusions cristallines de Schott Solar

Cela devait être une fête. A l’aube de la saison estivale, à 20 kilomètres d’Ajaccio sur un pan de montagne isolé, l’inauguration de la splendide centrale solaire aux courbes lascives d’Ucciani, a été rattrapée par la crise. Le groupe Schott Solar qui a participé très activement à ce merveilleux projet a annoncé ce jour là son retrait de la production photovoltaïque cristalline. Plus de détails sur ce crève-cÅ“ur !

A quelques kilomètres d’Ajaccio, la route s’élève en direction d’Ucciani. Derrière un virage, un peu en retrait de la route, le maquis scintille discrètement sous le soleil. A flanc de colline, des rangées de modules photovoltaïques ondulent le long du relief, épousant sa rotondité naturelle, comme autant de défis à la rigidité abrupte des cadres aluminium. A l’arrière plan, la montage corse griffe le ciel bleu azur de ses éperons rocheux. Un site exceptionnel ! Cette centrale solaire au sol est un concentré des bonnes pratiques écologiques. Elle s’est adaptée à son biotope et pas l’inverse. Elle a été soumise à une intégration douce dans le respect des caprices de la montagne. Les pieux d’attache ont été battus dans le sol sans aucune trace de béton. Le terrain conserve par ailleurs toutes ses aptitudes pour le pâturage dans un esprit de cohabitation entre production d’énergie et pastoralisme. « Le processus est ainsi totalement réversible. Ce site peut revenir sans aucun problème à son état originel à la fin du bail » se réjouit Florent Wolf, président et directeur commercial de Canopy, l’un des financeurs du projet.

Une charte dilatoire

La réalisation de cette petite perle photovoltaïque n’a pas été un long fleuve tranquille. Loin s’en faut ! En 2010, pour maîtriser le développement du solaire photovoltaïque, l’assemblée territoriale de Corse a tout simplement gelé le photovoltaïque en Corse pendant dix-huit mois. Cette méthode dilatoire a permis de mettre en place une charte de développement du solaire photovoltaïque en Corse et de disposer d’une trame et d’un cadre pour y voir plus clair. « Une telle charte ne s’improvise dans un claquement de doigt. Cependant, ne vous y trompez pas, elle traduit aussi une véritable volonté de développer les énergies renouvelables dans la concertation et l’apaisement » confie un conseiller territorial. La charte a imposé quelques contraintes. La puissance des centrales a ainsi été limitée à 4,5 MWc afin de tenir compte de l’état du réseau. Mais elle n’a pas fait que des heureux. « Ils ont voulu laver plus blanc que blanc. Quand de telles opportunités se présentent, les Corses doivent perdre cette habitude de dilapider le temps. Il faut savoir cueillir le jour. Ces dix-huit mois ont coûté cher pour le développement du solaire en Corse » déplore pour sa part Bernard Grimaldi d’Esdra, un Corse du continent, président de Kyrnesole initiateur du projet d’Ucciani. Ce moratoire imposé par l’assemblée territoriale n’a donc pas facilité le travail des porteurs de projets qui ont été contraints par des délais de réalisation très courts. Aujourd’hui, la Corse compte à peine une quinzaine de parcs solaires qui permet de répondre à 3% des besoins de l’île contre 50% pour l’électricité d’origine thermique à l’origine de fortes pollution de l’air comme l’attestent des études épidémiologiques, et 30% d’apport de Sardaigne. Le reste étant apporté par l’hydraulique. Paradoxal, quand on connaît le penchant des Corses pour l’autonomie et l’indépendance. Le solaire photovoltaïque représente justement un excellent vecteur de réduction de la dépendance énergétique.

Un second volet par appel d’offre

Mais revenons à la centrale d’Ucciani qui s’étend sur 7,5 hectares et accuse une puissance crête de 2,2 MW. Cette centrale solaire a donc été initiée par Bernard Grimaldi et confiée à une joint-venture entre l’industriel Schott Solar AGH et Canopy, société spécialisée dans le développement de projets photovoltaïques et biomasse, en juin 2011. Elle a été construite par SADE, filiale de Veolia. Les travaux de sous-traitance en génie civil ont été réalisés par une entreprise du village. La centrale permet d’alimenter mille foyers corses en énergie propre avec une consommation moyenne par foyer de 2860 kWh. Très satisfaite de cette première réalisation, la commune a d’ailleurs donné son accord pour la réalisation du second volet du projet toujours de 4,5 MWc qui devra passer par les fourches caudines des appels d’offres de la CRE. « Ce deuxième projet sera couplé à des technologies américaines de stockage d’avenir afin de compenser l’intermittence. Il devrait s’agir de batteries sèches recyclables développées à Hawaï. Quant aux prochains panneaux, ils ont de fortes chances d’être chinois » confirme l’un des développeurs. Il se fera en tous les cas sans Schott Solar.

Schott arrête le photovoltaïque cristallin

En effet, en marge de l’inauguration de cette très belle opération en Corse, les responsables de Schott Solar ont annoncé l’arrêt de la production photovoltaïque cristalline. Comme un sentiment de gâchis ! L’arrêt de l’usine américaine a été à effet immédiat dès fin juin 2012. La fermeture des usines en Chine et République Tchèque ont suivi. Les causes de la défaillance entrepreneuriale sont connues. « Le marché se caractérise aujourd’hui par d’importantes surcapacités et de sévères baisses de prix. Ce phénomène peut être largement attribué à la concurrence asiatique. En parallèle, l’instabilité des politiques de soutien au photovoltaïque ont mis la branche sous pression » assure les responsables du groupe allemand. Les efforts de Schott Solar pour réduire ses coûts de production de 50% et sa R&D porteuses d’avancées technologiques majeures n’auront donc pas suffi à maintenir l’activité photovoltaïque cristalline. Schott Solar a travaillé ardemment au reclassement de ses 870 employés concernés par cette cessation d’activité. « Une bonne partie de nos salariés a été reclassée dans l’activité verre, spécialité première de Schott, le solaire avec Schott Solar représentant un tiers du chiffre d’affaires de l’ensemble du groupe » indique un cadre de la société qui tient à rappeler que l’histoire de Schott et du solaire, même si elle ne sera plus de même envergure, n’est cependant pas complètement terminée. En effet, Schott Solar poursuit ses activités dans les couches minces en Allemagne dans son usine de Jena qui dispose d’une capacité de production de 35 MW. Le groupe poursuivra également son activité dans le solaire thermique à concentration (CSP) qui connaît un certain succès et offre de belles perspectives de croissance. La centrale d’Ucciani comme un requiem !

Encadré

Schott Solar France : C’est fini !

Cet arrêt dans la production photovoltaïque cristalline de Schott Solar soulève l’épineux problème des garanties pour les clients qui ont équipé leurs centrales de modules Schott. D’autant qu’en France et depuis le 18 septembre, l’équipe Schott Solar en a terminé avec sa mission. Sur ce point donc, le groupe allemand désire fermement faire face à ses engagements en toute responsabilité. Un service client spécifique continuera à fonctionner pour la partie photovoltaïque cristalline via une hotline accessible au : +49 6131 6614099. Pour la partie couches minces silicium amorphe, les modules ASI demeurent disponibles.
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