Jean-Louis Bal, président du Syndicat des Energies Renouvelables, a présenté ce matin, jeudi 19 Janvier, le Livre Blanc des énergies renouvelables, en posant d’emblée une ambition forte en cette période de crise : la création de 125 000 emplois dans la filière des énergies renouvelables d’ici 2020. Entretien.
Plein Soleil : Quelle est, en quelques mots, votre ligne directrice pour 2012 ?
Jean-Louis Bal : Ce que nous souhaitons plus que tout, et ce dans toutes les filières du renouvelable, c’est acquérir plus de stabilité, pour pouvoir construire ou reconstruire sur des bases saines et durables. Nous avons chiffré les objectifs à atteindre, à la fois en terme de production énergétique et de création d’emplois : 25% de production d’énergie par le renouvelable dans le bouquet énergétique en 2020, et 125000 emplois créés, s’ajoutant aux 100000 emplois déjà existant. Les énergies renouvelables peuvent réellement avoir un effet bénéfique sur la balance commerciale française, avec une réduction du déficit prévue de 3,4 milliards d’ici 2020. Sans compter que ce basculement vers les énergies renouvelables ferait réduire les gaz à effet de serre d’au moins 20 millions de tonnes de CO2.
Plein Soleil : Qu’attendez-vous concrètement aujourd’hui des pouvoirs publics ?
JLB : Nous demandons de confirmer les aides de l’état, moins élevées que celles prévues par le Grenelle. Il y aura bien sûr un surcoût dans la facture d’électricité, correspondant à environ 10% d’augmentation d’ici 2020. Mais cette augmentation correspond elle-même à un tiers seulement des augmentations prévues globalement, par exemple pour la rénovation des centrales nucléaires. Les énergies renouvelables ne sont pas responsables de la totalité de l’augmentation de la facture électrique des français !
PS : Côté photovoltaïque, nous savons tous que l’année 2011 a été très dure et destructrice. Vous dîtes vouloir la reconstruire. Comment, et quel espoir avez-vous d’être entendu par les pouvoirs publics ?
JLB : En effet cette année a été particulièrement destructrice, suite aux effets du moratoire de la fin 2010 et au nouveau cadre tarifaire qui a suivi. 7000 emplois ont été perdus. Parmi eux, il y a eu des profiteurs, mais aussi des jeunes entrepreneurs plein d’enthousiasme et de foi, qui ont souffert. Il y a eu un effet de nettoyage, même si l’effet a été très négatif. Ce que nous voulons aujourd’hui, c’est mettre un terme à l’instabilité du cadre juridique et tarifaire, arrêter les « stop&go » que la filière a connu ces dernières années, et enfin réduire les délais de raccordement à ERDF.
PS : Concernant justement les 7000 emplois perdus, la filière a-t-elle des chances de les récupérer selon vous ?
JLB : Pour l’instant, il ne faut pas se focaliser sur le nombre d’emplois perdus ou gagnés, il faut seulement penser à reconstruire doucement et sûrement la filière, qui a été beaucoup ébranlée ces dernières années. Mais l’état n’est pas sans ignorer cette perte d’emplois, vue la réaction du gouvernement suite à l’épisode Photowatt.
PS : Mais concrètement, aujourd’hui, si vous étiez un entrepreneur dans le photovoltaïque, est ce que vous continueriez dans cette voie ou quitteriez le navire ?
JLB : Si j’étais un entrepreneur, j’attendrais de voir l’évolution des choses, les nouvelles orientations prises après les élections. Nous sommes aujourd’hui dans une période un peu attentiste, il est difficile de prévoir comment les choses vont évoluer après les élections. Avant Mai 2012, il ne se passera rien, et on le sait depuis plusieurs mois. Mais profitons de cette période pour justement reposer les choses à plat, et c’est bien l’objet du Livre Blanc : repenser calmement la stratégie sur l’ensemble des énergies renouvelables, fixer des objectifs ambitieux sur la stratégie industrielle, les objectifs énergétiques
PS : Justement à propos des élections, quel est votre stratégie pour proposer aux différents candidats le plan établi par le Livre Blanc ?
JLB : C’est l’objectif du colloque du 7 Février : nous allons organiser une table ronde avec les différents candidats (présents ou mandatés), pour qu’ils puissent donner leur avis sur le Livre Blanc. Sans demander forcément de signature ou d’engagement de leur part, nous leur demanderons ce qu’ils pensent de nos propositions.
PS : Pour le système tarifaire du photovoltaïque, qu’avez-vous proposé dans le Livre Blanc ?
JLB : Nous souhaitons en effet modifier l’arrêté tarifaire tel qu’il a été décrété en mars 2011. Cette dégringolade des tarifs de 9,5% par trimestre n’est plus tenable. De plus, le tarif reste inconnu durant le premier mois du trimestre, ce qui constitue une inconnue énorme !
Nous allons demander qu’il ne soit plus plafonné à 100kw de puissance unitaire, et que le processus de dégressivité automatique soit complètement revu, négocié avec la profession. Cette décroissance des prix doit être basée sur la décroissance passée et analysée, puis extrapolée pour l’avenir, et adaptée aux objectifs que l’on se donne. Objectifs que nous souhaitons voir passer de 5400 MW à 20000 MW en 2020.
PS : Cela paraît dérisoire comparé à la véritable machine de guerre allemande, avec ses 3 GW rien que pour Décembre 2011
JLB : C’est relativement « dérisoire » ! L’objectif de l’Allemagne est de 50000 MW en 2020, donc si nous pouvons déjà obtenir 20000 MW en 2020, c’est suffisamment ambitieux pour reconstruire une filière photovoltaïque. Il faut tout de même se rappeler que les allemands ont commencé dans les années 90Nous avons le potentiel pour reconstruire tous les éléments de la chaîne, depuis la recherche et développement, jusqu’à la fabrication de modules et de cellules photovoltaïques.