En décembre 2010, l’entreprise bretonne Facilasol comptait 210 salariés et disposait d’un stock de modules à hauteur du portefeuille de projets de plusieurs MW. Aujourd’hui, les effectifs de la société se situent en dessous des soixante-dix personnes. La faute au moratoire et à la nouvelle règlementation en vigueur dans le photovoltaïque ! Alors Requiem ou Symphonie du nouveau monde ? Facilasol rebondit avec le bois et croit encore au solaire !
« Nous venons de vivre deux ans bien compliqués. Le sentiment de gâchis est immense » lance dépité Jérôme Hernani, Directeur Général Délégué de la holding Facilasol Group et co-gérant avec son frère David de l’ensemble des sociétés d’exploitation (Facilasol pour la commercialisation et le bureau d’étude, Facilapose pour la réalisation des installations, Solarim pour la centrale d’achat et Facilasol Invest pour l’exploitation de centrales PV). Sa société a pris son envol à la mi-2007, un peu moins d’un an après l’instauration des tarifs d’achat. Très vite, elle est montée en régime. Son créneau : l’installation de centrales solaires photovoltaïques sur les toitures des hangars agricoles à près de 80%, les clients PME/PMI et particuliers se partageant les 20% restants.
Le marché à son point de rupture
En quelques années, Facilasol a donc réalisé plus de mille cent installations raccordées au réseau dont quatre cents supérieures à 36 kWc pour un total d’une quarantaine de MW. En décembre 2010, juste avant l’annonce du moratoire, Facilasol comptait deux cent dix salariés et une multitude de projets en attente. Et puis patatras, entre moratoire, tarifs revus à la baisse et nouvelles réglementations autour des appels d’offres ! La belle aventure a tourné au cauchemar pour la direction de l’entreprise qui n’a pu faire autrement que de diminuer les effectifs. Soixante-dix intérimaires qui devaient être titularisés ne l’ont pas été et une vingtaine de salariés a opté pour un départ volontaire de l’entreprise début 2011. « Si la baisse des tarifs avait été anticipée, l’arrêt brutal de trois mois ne l’a absolument pas été. Le moratoire a détruit le travail des six mois précédents. Ce temps de latence a eu un impact négatif considérable sur l’entreprise avec des coûts directs attribués au moratoire de l’ordre de 2,5 millions d’euros à supporter (salaires, dévaluation du stock), et une annulation de plus de 50 millions d’euros de bons de commandes » constate amèrement Jérôme Hernani. L’entreprise nantie de stocks conséquents était dimensionnée pour un marché en constante évolution. L’élan s’est brisé sur l’écueil de la décision gouvernementale. La logique du tarif d’achat a échappé à ses concepteurs. Et comme dans le même temps, le prix des modules s’est effondré, les charges supportées par l’entreprise étaient devenues insurmontables à assumer. Alors certes, en 2011, les effectifs réduits de Facilasol ont bouclé les affaires courantes et achevé les chantiers en cours. « Nous espérions un réveil de l’activité après quelques mois. Mais rien n’est venu. L’image du solaire a été particulièrement dégradée et le système est devenu très compliqué. Il contient trop d’éléments aptes à faire baisser le marché jusqu’à son point de rupture » poursuit le chef d’entreprise.
Divulgation trop tardive du tarif
En décembre 2011, la sentence est tombée. Un nouveau plan social a été mis en place. Facilasol a du se résigner à se séparer de quarante-sept salariés. « C’est extrêmement dur de voir partir des gens qui se sont tant investis et qui ont mis beaucoup de volonté et d’application à la réussite de l’entreprise. La démarche est comprise et acceptée » se fend le chef d’entreprise. Facilasol travaille donc aujourd’hui sur des projets dont la puissance est comprise entre 3 et 100 kWc. Et Jérôme Hernani de mettre en exergue la fréquence trop rapide du changement de tarif tous les trois mois mais aussi les délais administratifs pour l’obtention des documents nécessaires (permis de construire, financement) combinés à la divulgation tardive du nouveau tarif seulement connu plus de trois semaines après le début du trimestre en cours. D’un trimestre, l’autre, les installateurs travaillent à l’aveugle sur le tarif. « En fait, lorsque nous montons les dossiers, nous n’avons aucune certitude quant aux chiffres d’affaires générés par les projets. Difficile dans ces conditions de convaincre les banques qui nous font les pires difficultés pour l’accès au crédit. Nous simulons donc la baisse maxi sur le trimestre suivant. Et avec ces tarifs toujours plus bas, autant dire que l’objectif avoué du gouvernement français de favoriser les entreprises françaises et européennes est loin d’être atteint. La méthode conforte plutôt l’essor du panneau asiatique » confirme-t-il.
Dans l’attente de la parité réseau
Côté appels d’offres, les seuls auxquels Facilasol va participer sont ceux des municipalités ou des collectivités pour un gymnase ou un centre technique. Pour les gros appels d’offres de la CRE, Facilasol ne répondra pas estimant qu’ils ne sont faits que pour favoriser la montée des grands groupes. « Nous sommes à présent dans une position défensive vis-à -vis du photovoltaïque. Avec les baisses successives du tarif, il n’existe plus de rentabilité possible pour des sociétés comme la notre. Notre objectif est juste de conserver notre savoir-faire et nos compétences techniques sur les installations de 3 à 100 kWc. Nous développons le particulier même si aujourd’hui, ils représentent la clientèle la plus dure à convaincre car ils n’ont plus confiance dans le système » confie Jérôme Hernani. La chance de Facilasol réside finalement dans sa structuration financière saine. La société n’a jamais distribué de dividendes. Il lui reste quelques moyens financiers, des fonds propres qui permettent de faire face et de relancer la société sur de nouveaux rails. Et ce redressement passe nécessairement par une diversification des activités qui s’est d’ailleurs amorcée d’une part dans la rénovation énergétique des bâtiments (isolation, etc.), et d’autre part dans le secteur de l’énergie bois avec HDG via des contrats de fourniture de chaudières et de distribution de chaleur. « Nous installons des chaudières industrielles et nous fournissons le combustible. Nous facturons ensuite au kWh de chaleur produit à travers des contrats d’une durée minimale de cinq ans. La durée moyenne des contrats s’élève à neuf ans. Nos cibles : Les collectivités territoriales, les entreprises du monde agricole et de l’agroalimentaire ». En attendant un retour aux affaires dans le solaire photovoltaïque : « J’y crois encore, dans deux ou trois ans lorsque la parité réseau sera atteinte. Le métier retrouvera alors un avenir » conclut plein d’espoir et d’optimisme Jérôme Hernani. Pour Facilasol, point de Requiem mais plutôt la Symphonie du nouveau monde !