Saint-Charles Solaire ou l’exemplarité d’un chantier sans lendemain

Une idée née il y a quatre ans, un chantier exemplaire long de plus de deux ans et enfin, le jeudi 13 octobre 2011, une inauguration en présence de la ministre de l’écologie Nathalie Kosciusko-Morizet. La centrale solaire qui recouvre les toits de Saint-Charles International estampillée la plus grande du monde en intégration toiture représente le véritable parangon de ce qu’aurait dû être le développement du photovoltaïque intégré en France, entre technologie d’inspiration française, fabrication européenne et entreprises locales à la manÅ“uvre. Une installation d’envergure internationale performante et esthétique qui a, hélas, toutes les chances de demeurer orpheline en France.

Viendra, viendra pas ? La ministre de l’écologie Nathalie Kosciusko-Morizet aime à se faire désirer. Ce n’est en effet que 24 heures avant la date officielle de l’inauguration de la centrale solaire de Saint-Charles International de Perpignan – la plus grande du monde en intégration toiture tout de même avec ces 8,8 MW de puissance – qu’elle a confirmé sa présence. Une valse hésitation difficile à comprendre tant cette centrale solaire représente un modèle exemplaire en termes de développement durable et de créations d’emplois induites sur le plan local. Ce projet prouve résolument la faisabilité de courant électrique d’origine solaire intégrée au bâtiment bâti à grande échelle. Pensez que les 97 000 tuiles SunStyle de la société Solaire France qui ont remplacé les 68 000 m² de tôles ondulées en amiante-ciment produiront la bagatelle de 9700 MWh par an soit 10% de la consommation électrique annuelle de Perpignan (120 000 habitants). Record du monde !

Des panneaux pour faire de l’emploi

Autant d’arguments qui ont fini par convaincre madame la ministre de finalement venir dévoiler la plaque d’inauguration désormais gravée de son nom. « J’ai accepté de venir car il s’agissait d’une technologie française avec des cellules qui viennent d’Allemagne et un assemblage réalisé au Luxembourg. Il y a quelques jours, j’ai refusé d’aller inaugurer une centrale réalisée avec des panneaux chinois » lance-t-elle dans un élan de protectionnisme assumé, à l’heure où le concept de démondialisation porté par Arnaud Montebourg semble faire florès dans l’opinion. « Ces panneaux qui viennent substituer le ciment-amiante, c’est formidable mais plus que tout, pour moi, ces panneaux sont là pour faire de l’emploi. C’est une nouvelle société qui se créé, une nouvelle espérance qui doit profiter à tous. Parce que la crise européenne budgétaire est là, et vous en êtes les premiers témoins avec la proximité de la frontière espagnole, il nous faut entrer dans la mutation écologique et créer de nouveaux emplois » explicite Nathalie Kosciusko-Morizet. Pour la ministre de l’écologie, pas question de se battre sur les bas salaires, avec un différentiel rédhibitoire de un à huit entre la Chine et la France, ou sur les matières premières, la France en est dépourvue. Elle porte un message clair. La France doit innover dans les nouvelles technologies et doit inventer de nouvelles façons de fonctionner. Le Grenelle se devait être avant toute chose de l’emploi.

NKM-Saint-Charles


Légende photo: de gauche à droite: Jean-Paul Alduy (Président de l’agglo de Perpignan), André Joffre (Tecsol et pôle Derbi), Nathalie Kosciusko-Morizet (Ministre de l’écologie), Christian Bourquin (Président de la Région Languedoc-Roussillon) et Daniel Mach (Député des Pyrénées-Orientales).
A l’arrière plan de gauche à droite: Mme Jacqueline Irles (Députée des Pyrénées-Orientales), Mme Hermeline Malherbe (Présidente du Conseil Général)

NKM reconnaît des erreurs

« Et le pragmatisme c’est aussi la reconnaissance de ses erreurs. Ce que l’on a lancé en matière de photovoltaïque est incroyable, et vous en êtes ici la parfaite illustration avec la rénovation d’un site qui a gagné de la valeur, de la pérennité et de la visibilité. Un lieu de fierté locale, régionale et même au-delà. Le rythme d’implantation d’installations photovoltaïques a été extraordinaire avec l’objectif de 2020 (5,4 GW) qui sera atteint en 2015. Nous avons explosé toutes les prédictions et les objectifs de puissance mais en même temps, sans remplir les objectifs en matière d’emplois et d’émergence de filière industrielle. Et le consommateur de payer la facture sans la contrepartie de l’emploi en France. Ce que vous n’avez pas vu, vous, ici car ce sont des entreprises locales qui ont été associées à ce projet. Croyez-moi, cela n’a pas été partout le cas » stigmatise Nathalie Kosciusko-Morizet. La centrale a en effet été réalisée par la société Saint-Charles Solaire comme maître d’ouvrage en collaboration avec un groupement momentané d’entreprises locales.

Soixante-dix personnes pendant deux ans

« La centrale de Narbonne d’EDF EN s’est faite sans un seul emploi local. Le chantier sur Saint-Charles International a représenté soixante-dix emplois locaux pendant deux ans. Et rien ne vaut un tel chantier pour former les gens. Le traitement du chômage, il est là. Il n’est pas forcément dans l’usine ultra automatisée qui emploierait dix personnes. Le problème, c’est qu’au printemps 2012, quand les gros projets qui restent en liste d’attente auront été finalisés, des centaines d’emplois n’existerons plus » assène Jean-Pierre Navarro, président de la Chambre de Commerce et d’Industrie des Pyrénées-Orientales. Une inquiétude relayée par le président de la Région Christian Bourquin qui pointe du doigt le moratoire assassin du début d’année 2011 qui a plombé le projet voisin de Saint-Charles II (cinq hectares supplémentaires). « Nous félicitons les entreprises locales mais ces dernières sont légitimement inquiètes de l’avenir. Avec les systèmes d’appels d’offres, les grands groupes prennent les marchés et sous-traitent à des entreprises d’ailleurs, de l’étranger » regrette amèrement le président de Région.

Comment développer de la high tech pour si peu de MW ?

Sans langue de bois, la ministre de l’écologie reconnaît volontiers que la période de transition va être très dure mais il en est de sa responsabilité vis-à-vis des Français. « Leur argent doit créer de l’emploi. Nous sommes en train de recaler le système pour mettre la puissance installée en adéquation avec les emplois créés. Avec les appels d’offres, nous avons valorisé la technologie. Si vous sélectionnez la technologie, alors vous valorisez les brevets, les ingénieurs et en suivant les emplois de production chez nous. Et cela traverse toute notre politique environnementale comme l’éolien off shore pour l’heure cantonné à l’Atlantique et dont j’aimerais voir des projets se développer en Méditerranée pour stimuler l’emploi local pour vendre au monde entier. Sans chauvinisme mais avec beaucoup de bon sens » justifie-t-elle. Jean-Paul Alduy, président de la Communauté d’Agglomération Perpignan Méditerranée adhère lui aussi à cette notion de filière française mais émet des réserves sur la méthode des appels d’offre qu’il critique et sur les volumes concernés. « Les appels d’offres sont des mats de cocagne avec un tout petit morceau de lard au bout. Comment voulez-vous que des entrepreneurs développent des technologies innovantes et hyper intelligentes pour seulement quelques MW, une quarantaine pour l’intégré en toiture ? Comment voulez-vous que cela marche ? Cela ne donnera rien car on ne s’en donne pas les moyens. Ce sont les technologies existantes qui seront plébiscitées. Il y a eu Fukushima tout de même. Quelle politique énergétique voulons-nous ? » s’emporte-t-il en conférence de presse.

De vraies pondérations socio-économico-environnementales

Trop indigents, trop complexes, déjà affectés aux grands groupes et dévastateurs pour les PME abandonnées au bord de la route, les appels d’offres sont loin de faire l’unanimité justement parmi les responsables de PME. Eric Scotto, président de la PME Akuo Energy, partenaire financier du projet Saint-Charles Solaire, refuse la fatalité des appels d’offres et fait des propositions concrètes aux parlementaires présents. « Puisqu’appels d’offres il y a, pourquoi ne pas en réserver une partie aux entreprises de petites tailles via le « Small Business Act ». Comme il ne fait pas de doute que ce sont les grands groupes qui sont à l’origine du moratoire. Cela serait une bonne manière de se répartir le marché » explique Eric Scotto qui n’a pas abandonné l’idée du projet Saint-Charles II : « Nous allons passer par l’appel d’offres en espérant de vraies pondérations sur les critères socio-économico-environnementaux afin d’avoir une chance de continuer ce projet. Si au final, la décision se fait sur le prix, s’en est fini » soupire-t-il. Avec le secret espoir que l’exemplarité d’un chantier comme celui de Saint-Charles Solaire ne reste pas sans lendemain !

Small Business Act

Le Small Business Act est une loi du Congrès des Etats-Unis votée le 30 juillet 1953 modifiée à de nombreuses reprises, et visant à favoriser les petites et moyennes entreprises dans le tissu économique du pays. Adopté en juin 2008, le « Small Business Act » pour l’Europe reflète la volonté de la Commission de reconnaître le rôle essentiel joué par les PME dans l’économie européenne. Il établit, pour la première fois, un cadre politique global pour l’Union européenne et les États membres.
Son objectif est d’améliorer l’approche générale en matière d’entrepreneuriat, d’ancrer de façon irréversible le principe « Penser aux PME d’abord » tant dans le processus législatif que dans le comportement des administrations, et de promouvoir la croissance des PME en les aidant à surmonter les problèmes qui continuent à entraver leur développement. Le « Small Business Act » pour l’Europe s’applique à toutes les entreprises qui sont indépendantes, qui emploient moins de 250 salariés et qui ne dépassent pas un certain seuil pour leur chiffre d’affaires et/ou leur bilan, soit 99% de toutes les entreprises européennes.

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