négaWatt 2011 : Sobriété, Efficacité Energétique et Energies Renouvelables

L’association négaWatt a présenté jeudi 29 Septembre son nouveau scénario à Paris. Un événement très attendu par les médias, les politiques et les entreprises touchant au domaine énergétique ! De nombreux journalistes et personnalités politiques étaient présents, preuve de l’écho certain dont bénéficie l’association chaque année lors de l’exposition de son scénario où les énergies renouvelables tiennent le premier rôle. Bilan d’une journée à haut retentissement énergétique !

« La sortie du nucléaire est possible dans 22 ans, à condition de commencer dès aujourd’hui », déclare jeudi 29 septembre 2011 Thierry Salomon, directeur du bureau d’études sur l’optimisation énergétique Izuba et président de l’association Négawatt. A l’aide de la participation « d’une vingtaine de personnes au total » mêlant « ingénieurs, universitaires, architectes et sociologues », Négawatt qui s’appuie sur un réseau de cinq cents adhérents a « revisité un exercice prospectif établi en 2003 puis réactualisé en 2006, afin de réaliser un scénario de plus en plus crédible », poursuit Thierry Salomon. Ce scénario concerne les mesures que la France pourrait prendre en 2050 afin de « passer à l’ère de l’après-pétrole ».

Une philosophie basée sur la sobriété et l’efficacité énergétique

L’association négaWatt a fondé, depuis sa création en septembre 2001, toute son action sur une philosophie simple, remettant la question énergétique dans « le bon sens » en partant des usages et non des ressources. Ce ne sont plus le bois, l’uranium ou le pétrole qui sont vus comme des besoins essentiels mais bien les actions de se chauffer, de s’éclairer et de se déplacer. Un renversement des priorités !
Afin de trouver les moyens de satisfaire nos besoins énergétiques, négaWatt applique une démarche en trois temps, avec un préalable, la sobriété. Elle consiste à interroger nos besoins puis agir à travers les comportements individuels et collectifs afin de privilégier les plus utiles, restreindre les plus extravagants et supprimer les plus nuisibles.
Vient ensuite l’efficacité énergétique ! Elle consiste à agir sur la quantité d’énergie nécessaire pour satisfaire un service énergétique donné. Enfin, le recours aux énergies renouvelables permet d’augmenter la part de services énergétiques satisfaite par les énergies les moins polluantes et les plus soutenables.

Le recours aux énergies renouvelables dans le scénario : un décollage attendu

Le scénario négaWatt s’appuie sur la principale richesse des énergies renouvelables : leur diversité et leur complémentarité. Cependant, comme le souligne l’équipe négaWatt, « il ne faut pas se focaliser sur les ENR électriques, car l’électricité ne représente aujourd’hui que 20% de nos besoins énergétiques ».
L’essentiel est donc ailleurs : ce serait donc d’après négaWatt sur la mise en place d’un système moderne de mobilisation d’exploitation de la biomasse que repose avant tout la transition énergétique.
« Le potentiel du secteur photovoltaïque double par rapport à notre scénario de 2006, tandis que celui de l’éolien augmente aussi », note Thierry Salomon. « La clé de ce nouveau scénario est toutefois la biomasse, explique-t-il, non pas dans son volume, mais dans son usage ».
Entre le bois énergie, la ressource agricole (méthanisation de déjections d’élevage, de l’herbe de prairie) et les biocarburants, la biomasse devrait atteindre en 2050 un triplement de son utilisation sous toutes ses formes, permettant de couvrir plus de 45 % des besoins en énergie primaire.
Mais les grandes filières d’électricité renouvelables ne sont pas non plus en reste. Alors que négaWatt répète que « la France possède l’un des meilleurs potentiels en Europe pour les énergies renouvelables », seule l’hydro-électricité a atteint, avec 77 TWh, un niveau important de production que le scénario maintient à peu près stable dans l’avenir.

Quid de l’énergie solaire ?

Dans le scénario prévu, le décollage du photovoltaïque est dans un premier temps rapide afin d’atteindre en quelques années un volume significatif d’installations annuelles. Il augmente ensuite progressivement dans une logique de vitesse de croisière, pour atteindre à terme une production annuelle d’environ 90 TWh. Cette capacité est répartie entre une grosse majorité sur bâtiments, le reste par des parcs au sol sur des terrains adéquats, ne rentrant pas en concurrence avec d’autres usages. En retenant une répartition deux tiers/un tiers, cela revient à équiper de systèmes photovoltaïques mois de 5% de la surface totale des toitures françaises et à occuper pour les parcs au sol un terrain de 30 km par 30 km dont seulement 30 % de la surface est recouverte par les panneaux.
Mais selon Marc Jedliczka, fondateur de l’association de professionnels du photovoltaïque Hespul, « concernant le photovoltaïque, il s’agit plus d’un problème de politique industrielle que d’un problème de place ».
La production d’électricité d’origine renouvelable atteindrait au total 347 TWh en 2050, représentant ainsi plus de 30 % des besoins en énergie primaire.
Le solaire thermique serait également fortement mobilisé, bien que quasi-inexistant aujourd’hui. Avec plus de 120 millions de m² de capteurs sur les bâtiments résidentiels, tertiaires et industriels, il fournirait à terme 43 TWh de chaleur primaire.

La part belle aux réseaux de gaz

Personne n’ignore plus en effet que l’Allemagne s’apprête à tourner la page du nucléaire grâce à la création de centrales à gaz, gaz fourni par ailleurs par la Russie, dirigée par le fantasque Vladimir Poutine. Tout en imitant l’idée intéressante de ce « cycle du méthane », le groupe d’experts de négaWatt propose donc d’autres manières de produire le gaz nécessaire plutôt que de l’acheter à la Russie.
En 2050, les réseaux de gaz seraient d’origine renouvelable via trois vecteurs : d’abord, à travers « la filière biogaz », dès aujourd’hui « soutenue par le gouvernement ». Puis via la « transformation de biomasse solide en gaz naturel par méthanisation », et enfin par la production de méthane en utilisant l’association d’hydrogène et de gaz carbonique dégagé par l’industrie.
Cette analyse repose sur les infrastructures de transport de gaz déjà existantes en France, ainsi que sur la filière de l’automobile fonctionnant au gaz naturel en plein développement.
Le recours au gaz resterait donc dans le scénario une solution sûre si les énergies renouvelables peinent à décoller en France.
Au final, d’après ce scénario, un développement réaliste des énergies renouvelables conduirait en 2050 à une ressource disponible sur le territoire de plus de 990 TWh, sur un total de 1100 TWh de besoins en énergie primaire ! Soit avec 90% d’énergies renouvelables, la France aurait, en suivant ce scénario, réussi sa transition énergétiqueUn rêve devenu réalité ?

Transition énergétique réussie en 2050 : pour quel coût ?

Alors quel coût pour un tel dispositif ? La question s’avère cruciale et douloureuse. D’autant qu’il est quasiment impossible d’y répondre !
En effet, le scénario établi ne chiffre pas les dépenses représentées par ses projections. « Ne pas avoir calculé ce coût relève d’un choix et nous l’assumons », répond Marc Jedliczka qui admet que cela peut être considéré comme « une faiblesse ». Il souligne et valorise également le « gisement d’emplois et de recettes pour les collectivités locales » générées par ce scénario, ainsi que la « ré-industrialisation intelligente des territoires ».
« D’un strict point de vue économique, la transition énergétique peut être considérée comme un investissement qui sera nécessairement rentable à plus ou moins brève échéance », conclut-il.
A défaut de pouvoir chiffrer un tel budget, le collectif d’experts renvoie aux 60 milliards d’euros engloutis par la mise à niveau de sûreté « post-Fukushima » des 58 réacteurs français, sans qu’un seul kilowattheure soit produit
« Mise dans le photovoltaïque aux prix actuels, cette somme aurait permis de financer une production d’électricité solaire supérieure à un an de production de tout le parc nucléaire français », ajoute avec véhémence le collectif.

Comment mettre en scène un tel scénario ?

Un projet d’une telle envergure nécessite en effet une mise en place particulière, sur la question de la gouvernance, visant ainsi à « donner un poids juridique suffisant aux décisions prises, afin que les nombreux intérêts particuliers ne puissent pas ralentir le processus ».
Trois instruments complémentaires de gouvernance ont été posés par les experts du scénario :
- Un principe constitutionnel : celui du droit de tout citoyen à avoir accès à une source d’énergie sûre, respectueuse de l’environnement et à un prix acceptable.
- Une Loi d’Orientation et d’Engagements pour la Transition Energétique : visant à traduire dans les faits le principe précédent, elle devra être promulguée à l’issue d’un processus de consultation.
- La création d’une Haute Autorité Indépendante de l’Energie, du Climat et de l’Environnement : ayant pour mission de préparer les décisions, de contrôler leur mise en Å“uvre et possédant même un « pouvoir de sanction » sur les manquements pour l’ensemble des mesures prises dans le cadre de la Loi de transition énergétique. Dotée de larges pouvoirs d’investigation et de décision ainsi que de moyens financiers propres, elle doit être indépendante du pouvoir exécutif et législatif.

Cette Haute Autorité permettrait selon les experts de réguler le système énergétique « décentralisé » en France, et de « sortir d’une vision focalisée sur le carbone ».
Une revendication d’un scénario lancé aux politiques, mais hors-politique
Le groupe d’experts a réaffirmé encore se tenir à l’écart de toute appartenance à un quelconque parti politique : « Nous tenons ce scénario à disposition des candidats, sans exclusivité », répète Thierry Salomon. « NégaWatt ne sera pas un parti politique, nous sommes ce que les anglais appellent un « think-tank », un groupe de citoyens qui réfléchissons ensemble à des solutions pour l’environnement. »
Et cela n’empêche pas en effet d’attirer l’intérêt des politiques : Cécile Duflot, secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts, a déclaré vendredi 30 Septembre 2011, à l’occasion d’un séminaire de travail commun au parti français et au parti allemand Bündnis 90-die Grünen :
« Nous savons désormais qu’il est techniquement possible de sortir du nucléaire, comme l’a montré le scénario de Négawatt. Ce qui nous manque maintenant en France, c’est la volonté politique. »
En effet, seule manque à présent la volonté d’agir et de faire le premier pas, pour « rendre possible ce qui est souhaitable », dixit négaWatt.
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