Pôle mondial des semi-conducteurs, une technologie utérine du photovoltaïque, Taïwan inonde le monde de produits électroniques en tous genres depuis des décennies. Il est donc aujourd’hui naturel de retrouver Taïwan parmi les leaders mondiaux de la fabrication de cellules photovoltaïques. Avec plus de 14% de la production mondiale, Taïwan arrive même en deuxième position sur l’échiquier planétaire, juste devancée par le voisin chinois. Découverte de l’autre pays du solaire et des principaux acteurs industriels !
Surnommée Formosa, la belle île, par les navigateurs portugais qui ont croisé son chemin, Taïwan fait partie des quatre dragons asiatiques qui ont connu une croissance économique exponentielle depuis la deuxième moitié du XXème siècle. Passant d’une société rurale à une société tournée vers la hightech ! Taïwan est notamment reconnue pour le rôle décisif qu’elle joue dans les chaînes d’approvisionnement mondiales de l’électronique, principalement comme sous-traitant de marques étrangères de renom, entre tablettes numériques dernier cri et écrans plats tactiles très en vogue actuellement. Le cÅ“ur économique de Taïwan bât ainsi au rythme de l’industrie mondiale des semi-conducteurs, une industrie très cyclique qui évolue au gré des incessantes innovations du secteur de l’électronique.
Taïwan : Numéro deux mondial de la fabrication de cellules photovoltaïques
Depuis le milieu des années 2000, Taïwan a pourtant ajouté une corde à son arc. Surfant sur son savoir-faire unique en matière de semi-conducteurs, de nombreux acteurs du secteur ont lancé des divisions solaires de fabrication de cellules photovoltaïques qui repose sur la même technologie. Très vite des géants sont nés de ces initiatives. Les sociétés Motech et Gintech ont rapidement intégré le top ten mondial et sont devenues de véritables références planétaires. En 2010, Taïwan occupait ainsi la deuxième place mondiale de fabrication de cellules avec 14% de la production mondiale soit un peu plus de 3 GW, la Chine arrivant en tête avec plus de 45%. Après sa révolution électronique, Taïwan est sur les rails de sa révolution énergétique et photovoltaïque.
« Nous devons quitter le pétrole avant qu’il ne nous quitte. Et dans cette optique, Taïwan dispose d’opportunités et de challenges à relever » confie le professeur de l’Université Nationale de Taïwan C.W. Lan, PhD également fondateur de l’Association de l’Industrie Photovoltaïque de Taïwan. C’est un fait la belle île a pris la décision de relever le défi du photovoltaïque. Pour l’heure, ses efforts se sont essentiellement concentrés sur la fabrication des cellules. « Taïwan a très peu investi dans la fabrication du polysilicium, Elle affiche également des faiblesses dans l’intégration verticale de l’activité photovoltaïque » poursuit l’universitaire. Si l’on examine plus en détails la chaîne de valeurs, on note que Taïwan compte six entreprises qui oeuvrent dans la production de silicium, une dizaine pour les wafers une vingtaine pour les modules et plus de quarante pour les cellules, le véritable cÅ“ur de l’activité. Une répartition à rééquilibrer ! L’autre bémol concerne le marché domestique taïwanais qui à l’instar du marché chinois accuse une passivité désarmante. Deux pays qui raisonnent avant tout chose marché mondial et exportations avant de penser à leur marché intérieur respectif.
Accentuer la R&D et développer le marché domestique
Ainsi en 2010, Taïwan comptait à peine 20 MW installés sur un millier de sites et il y aura environ 70 MW installés à fin 2011. Une misère pour un pays si engagé dans la production ! Pour stimuler le marché, le gouvernement taïwanais vient de modifier la loi en termes de tarif d’achat. Mais celui-ci demeure dérisoirement bas. Il est dégressif en fonction des puissances installées et se situe dans une fourchette allant des dix centimes d’euros le kWh pour des installations de moins de 10kWc jusqu’à sept centimes d’euro le kWh jusqu’à 2 MW. Pas de quoi attirer les investisseurs ! Pourtant Taïwan affiche ses objectifs de 3 GW en 2050 soit environ 11% de la production d’électricité globale d’origine photovoltaïque. Le salut viendra de la très attendue parité réseau qui s’approche à grands pas même avec les cellules cristallines. ‘Il y a bien le CIGS au potentiel technologique intéressant, avec des cellules dont les rendements progressent forts (20,3% en laboratoire) avec un faible coût aux alentours de 0,5 dollars le Wc. Mais cela demanderait de gros efforts pour l’industrie taïwanaise pour migrer vers cette technologie. Nous avons bien deux compagnies à Taïwan sur ce secteur d’activité mais cela demeure marginal. Notre spécialité ici, qui est aussi un véritable axe de différenciation avec l’industrie chinoise, réside dans notre savoir-faire en matière de semi-conducteurs, de wafers et de cellules. Nous devons faire un focus sur notre potentiel high tech qui donnent naissance à des cellules de super qualité qui n’ont que peu d’équivalent dans le monde » assure un expert. Où quand les cellules grises des ingénieurs taïwanais transcendent les rendements des cellules bleues photovoltaïques !
Gintech : Pourquoi pas une intégration verticale ?
Pour évaluer ce potentiel technologique, rien de mieux que d’aller à la rencontre des industriels taïwanais du photovoltaïque sous les auspices de l’association SEMI. On commence avec la société Gintech classée au deuxième rang taïwanais et au huitième rang mondial juste derrière Motech, dans des classements qui, il faut le dire, évoluent à des vitesses stratosphériques tant les investissements dans le photovoltaïque demeurent dynamiques malgré les crises financières que le monde traverse. Créée en août 2005 et entrée en bourse en 2007, la société Gintech a gravi les échelons de manière très structurée et exponentielle. Elle s’est dotée des équipements les plus réputés en provenance d’Allemagne ou des Etats-Unis. Des lignes high tech ultra automatisées et dispatchées sur cinq sites de production dont une usine de 43 000 m² ! « Chaque année depuis 2006, nous avons doublé notre production dans des temps pourtant difficiles. Dans le même temps, nous avons fait beaucoup d’efforts en termes de recherche et développement pour augmenter nos rendements jusqu’à 18% mais également en termes de maîtrise des coûts via des économies d’échelle substantielles. Grâce à cette stratégie, je dois avouer que nous avons bien résisté à la crise mondiale » se félicite le président Wen Whe Pan. Gintech joue la carte de la croissance sans transiger sur la qualité des cellules. « La qualité hors normes « made in Taïwan » issue d’années de recherche dans les salles blanches des fabricants spécialistes de semi-conducteurs. Ce savoir-faire représente un véritable rempart face à la concurrence chinoise qui se situe un peu derrière nous sur le sujet » insiste même le président. En 2010, Gintech aura donc produit 930 MW de cellules. Pour 2011, le volume devrait passer à 1,5 GW et même atteindre plus de 2,3 GW en 2012. Gintech vient même de lancer une petite unité de fabrication de modules à hauteur de 50 MW, un début de diversification. « Nous n’excluons pas de nous développer verticalement. Nus sommes dans l’analyse » confie le président Wen Whe Pan. Peut-être lorsque le marché mondial sera plus stabilisé et la crise financière planétaire assagie. Reste que Gintech affiche pour l’heure une bonne santé. La bonne tenue commerciale de la société tient également à la diversification de ces marchés à l’export notamment au Japon, au Royaume-Unis, en Espagne ou aux Etats-Unis. Des cellules qui ont la cote !
Motech agit sur l’ensemble de la chaîne de valeurs pour maîtriser ses coûts
Tout comme celles d’ailleurs du numéro taïwanais et numéro 7 mondial en 2010 avec 945 MW de capacité à savoir Motech acronyme de Modern Technology. En 2011, Motech Industries fête ses trente ans, trente ans dédiés aux technologies de l’électronique de pointe. En 1997, Motech crée une Solar Division et en 2002 un département consacré aux systèmes photovoltaïques. En 2006, Motech commence à produire des onduleurs dont le rendement actuel dépasse les 96%. Depuis trois ans, Motech qui est ISO 9001 et ISO 14 001, a accéléré la cadence tous azimuts en matière de solaire. En 2008, le groupe lance une unité de production de cellules en Chine participant ainsi au boom chinois. Soucieux d’intégration verticale, les dirigeants du numéro un taïwanais signent en 2010 une joint-venture avec une société japonaise Itogumi Construction pour l’assemblage de modules et rachètent GE Energy là encore pour assembler des modules dans le Delaware aux Etats-Unis tout en créant Motech Americas LLC. Motech pèse aujourd’hui une centaine de MW en termes de modules. Côté amont, Motech a sécurisé ses approvisionnements en silicium via affiliation de longue date avec AE Polysilicon sise à Philadelphie. Cette usine utilise la technologie Fluidized Bed Reactor (FBR) réputée pour être facteur d’économies. « Ici à Taïwan, nous réalisons des produits assez compétitifs. Ce ne sont pas les moins chers mais le rapport qualité/prix est très bon. Aujourd’hui, nous devons faire face à de fortes pressions et ainsi tirer nos prix sans cesse à la baisse. Le fait pour Motech de développer une intégration verticale nous permet d’agir sur une plus large palette de la chaîne de valeurs et ainsi de maîtriser nos coûts. Et puis vous savez Motech est présent dans le monde entier et existe depuis trente ans ce qui nous confère une stabilité rassurante » indique James C.Chen, responsable de la direction marketing.
Taïwan, un rôle moteur dans l’innovation
Ce spécialiste du photovoltaïque n’hésite pas à relativiser en toute honnêteté la qualité supérieure des cellules taïwanaises par rapport à celle des majors de l’industrie chinoise. « Nous disposons certes d’un riche background technologique en matière de semi-conducteurs, mais nous sommes aujourd’hui très proches sur la qualité avec les sociétés chinoises de pointe » poursuit James C.Chen. Taïwan se démarquerait alors peut-être davantage en termes de R&D, d’innovation et d’audace industrielle face au conservatisme chinois plus ancré dans la simple duplication. Taïwan la créative ! Et Motech le prouve. Les laboratoires de Motech se sont essayé à mélanger mono et polysilicium au sein d’une même cellule. Cette hybridation a donné naissance à une cellule à l’esthétique très iconoclaste, à la fois zébrée de reflets bleus et à la fois d’un noir opaque« Elle combine le coût bas du polycristallin avec l’efficience du monocristallin. C’est un test. Elle atteint 18,5% en laboratoire. Nous allons la présenter à nos clients et nous verrons leurs réactions » ajoute le directeur marketing. Motech travaille également beaucoup sur l’empreinte carbone de ses cellules. On découvre ainsi que pour une cellule la matière première pèse 89,4% de l’empreinte, la fabrication en usine 10,2% et la distribution aux clients 0,4%. Et Motech de chercher à être sans cesse plus vertueux pour réduire l’impact de son activité !
La révolution des cellules PV viendra de Taïwan
Moins connue que les sociétés Motech ou Gintech, la société Neo Solar Power (NSP), créée en décembre 2005 et entrée également en bourse en 2007, n’en est pas moins un géant mondial de la cellule classée juste derrière Gintech dans le classement mondial 2010 avec une capacité de production de 830 MW – soit 3% de parts de marché mondiale – et près de 1500 employés. Et NSP ne compte pas s’arrêter là . En 2011, le potentiel de la société devrait atteindre 1,3 GW et même 1,8GW à la fin du premier semestre 2012. « En ce moment, c’est la course à l’armement qui conduit à des surcapacités et à une drastique baisse des prix avec des modules en dessous du dollar le W dès l’an prochain. C’est difficile pour beaucoup d’acteurs. Mais nous y croyons. Le moment est venu pour l’énergie solaire, une énergie propre, de se développer, telle est notre vision. Et le drame de Fukushima l’a particulièrement renforcée » assure Andy Shen, vice-président et manager des ventes au niveau mondial. Stimulé par l’Industrial Technology Research Institut (ITRI) de Taïwan et assisté par des sous-traitants très qualifiés, NSP fait progresser chaque année les performances de ses produits. Les rendements des cellules polycristallines NSP sont ainsi attendus à 17,2% en 2011 et 18% en 2013. Pour le mono, c’est 18,3% en 2011 et 19,3% en 2013. « Si la révolution des cellules photovoltaïques vient de quelque part, elle viendra de Taïwan » certifie même Andy Shen. Les industriels du photovoltaïque de Taïwan croient dur comme fer dans leur capacité à innover et à atteindre le fameux Graal d’une rupture technologique majeure.
« Taïwan doit exporte 99% de sa production photovoltaïque »
Détour par E-Ton Solar Tech Co fondée en 2001, un autre acteur de poids dans l’industrie de la cellule photovoltaïque taïwanaise avec une capacité de 560 MW en 2010 et 800 MW attendus fin 2011. Sur le parking de l’entreprise des ombrières abritent les voitures du soleil tout en produisant de l’électricité. Sur les toits, d’autres modules reposent sur des sheds. La puissance totale de l’installation atteint 287 kWc. Ce type d’installation est rare à Taïwan. Et pour cause : « Le gouvernement ne nous aide pas suffisamment, il n’existe pas de détermination à promouvoir le solaire qui est pourtant l’énergie du futur. Nous industriels taïwanais nous devons exporter 99% de notre production. Et comme les marchés fluctuent beaucoup, entre la crise japonaise et les baisses en Italie et en Allemagne, la balance entre offre et demande s’est déséquilibrée. Nous avons vu les prix s’effondrer de 40% en quelques semaines après la mi-mars » déplore Laihwang Lo, vice-président d’E-Ton Solar. Alors pourquoi Taïwan limite-t-elle ses efforts pour déployer des centrales photovoltaïques ? Laihwang Lo a sa petite idée sur la question. Pour ce fringant vice-président, il ne fait pas de doute que l’industrie électronique des semi-conducteurs qui génère une forte valeur ajoutée est plus largement soutenue par le gouvernement. A tel point qu’aujourd’hui, avec le boom des tablettes high tech, les acteurs du photovoltaïque auraient parfois du mal à trouver de la main d’Å“uvre qualifié. C’est le cas du fabricant de modules Winaico dont les lignes tournent un peu au ralenti alors même que la baisse des prix des cellules taïwanaises permet de sortir des modules ultra compétitifs dotés d’un rapport qualité prix haut de gamme. Mais telle est la loi des cycles ! « Pour l’heure, la concurrence et le marché ne jouent pas en notre faveur sur le territoire taïwanais. Mais je ne désespère pas. Ce sont deux produits différents. L’un consomme de l’énergie, l’électronique. L’autre, le photovoltaïque, en produit » tempère Laihwang Lo. La complémentarité entre les deux technologies relève en effet de l’évidence et la parité réseau n’est si loin dans ce pays de soleil ! Le solaire aura sa revanche !
Moon Technology
Chin Yao Tsai, CEO de la société Auria Solar, en est persuadé et pour lui l’avenir du photovoltaïque se conjugue avec le BIPV via des panneaux multicolores qui s’adaptent à tous types d’architectures, de l’industriel au tertiaire. Auria Solar qui a fait alliance avec Mitsubishi le 30 mars dernier, se présente en effet comme une société pionnière en matière de couches minces micromorphes.120 millions d’euros ont ainsi été investis dans une usine flambant neuve dotée de la ligne de production la plus longue du monde pour ce type de modules (150 mètres). Une unité de production ultra automatisée ! Pour l’heure, elle dispose d’une capacité de 60 MW. Fin 2011 et si la conjoncture le permet la capacité devrait monter à 185 MW. « Notre objectif est de nous rapprocher le plus vite possible de l’américain First Solar. Il est évident que nous avons besoin de grossir pour faire jouer les économies d’échelle alors qu’aujourd’hui nous flirtons quand même déjà avec un W à un dollar » confie Chin Yao Tsai qui doit par ailleurs lutter contre la baisse violente des produits cristallins. Une concurrence qu’il n’attendait pas aussi rapidement. Et le bouillant chef d’entreprise de se lancer dans un panégyrique appuyé des panneaux à couches minces qui affichent un meilleur rendement à haute température et continuent à produire même sous la lumière diffuse. Et même les soirs de pleine lune. C’est avec fierté qu’il fera la démonstration qu’un panneau Auria Solar produit de l’électricité juste à la lueur d’un téléphone portale dans une chambre noire. « C’est la moon technology. Cela peut être très intéressante pour les pays du Nord de l’Europe à faible ensoleillement » confirme-t-il. Et comme disait Oscar Wilde : « Dans la vie, il faut viser la lune car même en cas d’échec on finit toujours dans les étoiles ». ChinYao Tsai l’a bien compris lui qui voudrait bien faire accéder Auria Solar au firmament des stars de l’industrie photovoltaïques taïwanaises.
Salon PV Taïwan 2011 du 5 au 7 octobre 2011
Comme il se doit, l’industrie taïwanaise du photovoltaïque dispose d’une vitrine d’envergure internationale le PV Taïwan, un salon international qui a accueilli en 2010 près de 12 000 visiteurs. En 2011, ce salon aura lieu du 5 au 7 octobre et devrait compter plus de 250 exposants et près de 700 stands. Signe de la vitalité du secteur !
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