Solaire thermique/Histoire d’une solution lowtech de chauffe-eau solaire en manque de visibilité

Jean-Marie Mancaux-Agnello, ingénieur en techniques expérimentales, enseignement et recherche à l’Université de Perpignan Via Domitia – laboratoire PROMES CNRS, a développé il y a plus d’une quinzaine d’années une solution lowtech de chauffe-eau solaire qui fait la chasse aux dysfonctionnements récurrents de cette technologie, notamment les surchauffes. Une solution qui pourrait revenir d’actualité même si l’autoconsommation photovoltaïque dispose d’un fort pouvoir de cannibalisation sur la filière thermique !  

En 2006, lorsque Jean-Marie Mancaux est revenu dans le département des Pyrénées-Orientales, il a eu en charge la mise en place de CESI dans l’habitat individuel et collectif. Dans le cadre de la rénovation, la première étape consistait à retirer le chauffe-eau électrique existant afin de le remplacer par un préparateur d’ECS solaire intégrant un échangeur serpentin. Cette modification impliquait souvent de redéfinir un espace au sol dans la mesure où les chauffes eau électriques étaient majoritairement fixés au mur. L’impact sur l’agencement de la pièce étant important dans certains cas (lave-linge sous chauffe-eau, rangements…) ainsi que la reprise des raccordements (évacuation du groupe de sécurité à modifier…). De surcroit, ces chauffes eau, encore fonctionnels dans la majorité des cas, étaient voués à être évacués pour finir en déchèterie.

 

« Le circuit primaire souvent responsable du « discrédit » porté aux CESI »

 

En 2007, Jean-Marie Mancaux-Agnello trouve pertinent de pouvoir assurer la production d’ECS par voie solaire en utilisant les chauffes eau en place limitant ainsi l’impact environnemental, la durée et la complexité des travaux. « J’ai donc travaillé sur l’invention d’un dispositif simple pouvant être mis en place sans modification avec une caractéristique précise : pouvoir assurer une aspiration de l’eau froide en bas du réservoir pour aller vers l’échangeur ou le capteur et être réinjectée, après transfert de chaleur, en partie médiane du chauffe-eau. De 2007 à 2009, j’ai eu des fonctions d’ingénieur en bureau d’étude et R&D dans l’industrie pour des technologies EnR thermiques (Alliantz). Un brevet (brevetFR2948447A1) a été déposé en 2007 pour limiter le risque de blocage par un industriel puis est tombé dans le domaine public en 2014 par lettre d’injonction et manque de moyens financiers » explique l’ingénieur inventeur. De nombreuses personnes se sont portées volontaires pour la mise en place de ce dispositif innovant et économique. Les premières versions ont été réalisées avec un groupe de transfert avec échangeur à plaque intégré. « J’insiste sur le fait que la présence d’un circuit primaire implique une maintenance pour la pression et les caractéristiques du glycol. C’est d’ailleurs ce circuit primaire qui est responsable du « discrédit » porté aux CESI par arrêt de la production de l’ECS par fonctionnement diphasique, à savoir ciel gazeux dans le capteur et arrêt de la circulation du fluide primaire. Cela occasionne par la suite des surchauffes dans le capteur et le changement d’état (caramélisation) du glycol qui nécessite une opération lourde et complexe pour décaper le circuit » poursuit Jean-Marie Mancaux-Agnello.

 

Un système simplifié à l’extrême

 

En 2010, Jean-Marie Mancaux-Agnello a continué de travailler sur la simplification du système. En effet, la présence du circuit primaire à un coût et une maintenance est nécessaire. Il en a résulté un système simplifié à l’extrême. Exit le circuit primaire avec pour conséquence un meilleur ratio de performance, une absence de maintenance et une baisse significative du coût. Charité bien ordonnée commence par soi-même. Jean-Marie Mancaux-Agnello l’a donc installé chez lui puis dans de nombreuses habitations avec des performances inespérées ! Le taux de couverture des besoins est passé à une performance autour de 90% à Perpignan ! Les personnes concernées sont principalement des enseignants chercheurs et usagers de tous milieux pragmatiques qui ont vite perçu l’intérêt de ce dispositif. Il en va de même pour quelques acteurs industriels, du tourisme notamment du monde du camping et du secteur tertiaire. La dernière version sans circuit primaire fait aujourd’hui l’unanimité après dix années de test dans l’habitat. Cette version est la plus aboutie et élimine radicalement tous les problèmes liés à la surchauffe et les dégâts que cela occasionne. « Tout a été financé sur fonds propres, et un partenaire industriel (PAW/RESOL) propose le groupe de transfert, le boitier de régulation à Haut Rendement qui, et c’est là un point important, pilote le risque de gel et la gestion de l’appoint électrique dans le réservoir sans limiter la production solaire par un excédent de chaleur. Typiquement, le dispositif de conception simple a été conçu, après de nombreux calculs, pour favoriser la stratification et ne pas être limitant en termes de pertes de charges. Les valeurs ajoutées sont, entre autres, la limitation de la prolifération des légionnelles par la mise en mouvement de l’eau dans le réservoir et le contact direct avec le cuivre du capteur. Il a été clairement démontré par de nombreuses études scientifiques menées depuis des décennies que le cuivre (Cu) est capable d’éradiquer plus de 80% des bactéries les plus résistantes. Sa mise en place est très simple, son coût est réduit et serait sujet à quelques emplois pour sa mise en production » précise Jean-Marie Mancaux-Agnello.

 

« La communauté scientifique est unanime sur le bien-fondé de cette innovation »

 

Ce dispositif est sujet à publications /communications scientifiques en laboratoire et in situ. « Je précise également que la communauté scientifique est unanime sur le bien-fondé de cette innovation qui rend accessible à moindre coût le chauffe-eau solaire pour la plus grande majorité de la population tout en limitant l’impact carbone lors de la production d’ECS, la valorisation des chauffes eau existants et la réduction des GES liés à la mise en production » conclut l’ingénieur. L’innovation a été présentée en 2015 à « Cahier cop 21/-67, cahier des solutions de la Conférence des Présidents d’Université en vue de la C O P 21 ». Ce dispositif a été exemplaire dans le cadre de la labellisation DD&RS puis publié sur la plateforme Enseignement Supérieur Responsable comme partage de bonne pratique. De sacrées références donc ! Pas suffisant pour faire face à l’essor du photovoltaïque, simple et tout puissant à la fois…

Cet article est publié dans Actualités. Ajouter aux favoris.

Les commentaires sont fermés