Jeudi 6 février 2024 a eu lieu, au sein du ministère de l’Économie et des Finances à Paris, la 6ème édition de la Conférence nationale EnR Entreprises organisée par l’Institut Orygeen. Cet événement, unique en France, s’adresse aux entreprises désireuses de décarboner leur activité et d’intégrer les énergies renouvelables au cœur de leur stratégie d’approvisionnement. À travers des tables rondes, des keynotes et des partages d’expériences, il a rassemblé des experts du secteur et des figures reconnues du monde de l’entreprise. Les participants ont ainsi pu mieux appréhender les enjeux et opportunités liés aux énergies de demain, découvrir des solutions innovantes et échanger avec des acteurs pionniers pour accélérer la baisse de leurs émissions de gaz à effet de serre.
La conférence a réuni cette année près de 300 participants, confirmant que la mobilisation reste forte dans les entreprises autour des enjeux de durabilité et d’autonomie énergétique. L’événement a été rythmé par 6 keynotes, 5 tables rondes, 2 regards croisés, un débat des présidents et plusieurs sessions de networking. Avec 28 intervenants issus du monde économique, académique et institutionnel, cette édition a permis à des entreprises déjà engagées et à des experts de partager leurs expériences pour accélérer la transition vers un modèle plus durable.
Des énergies renouvelables en forte croissance dans un contexte de crise énergétique
Face à la crise énergétique, les énergies renouvelables connaissent une expansion sans précédent. La baisse des coûts, notamment du solaire et de l’éolien, accélère leur déploiement, avec une croissance attendue de 5500 GW d’ici 2030. Pourtant, l’Europe reste en retard, confrontée à des prix plus élevés que la Chine ou les États-Unis. Pour renforcer sa compétitivité, elle doit intensifier la coopération entre États et investir dans des infrastructures adaptées, comme l’a rappelé Heymi Bahar (International Energy Agency) : « la transition énergétique, la sécurité énergétique et l’accessibilité des prix sont les trois piliers essentiels des politiques énergétiques. Depuis 2015, le coût de l’énergie éolienne a été divisé par deux et celui du solaire par dix. D’ici 2030, la capacité renouvelable devrait croître de 5500 GW, avec une dominance du solaire (80%) et de l’éolien (18%). La Chine domine largement la chaîne d’approvisionnement, contrôlant 65% de la capacité renouvelable mondiale, et 92% des matières premières utilisées. » Cela a été confirmé par Sophie Mourlon, Directrice générale de l’énergie et du climat : « un des 2 piliers de la neutralité carbone de la France est l’électrification massive des usages pour atteindre 60% en 2030 en s’appuyant sur le nucléaire et sur les ENR. »Â
Une accélération des projets au cœur des entreprises
Les entreprises intègrent de plus en plus les énergies renouvelables dans leur stratégie, portées par des objectifs de décarbonation et de compétitivité. « Nous ne changeons pas de cap, nous continuons à nous engager en faveur de notre responsabilité sociétale et du climat. » a ainsi introduit Jean-Paul Torris, Conseiller du Président de Savencia et Président de l’Institut Orygeen, lors de l’ouverture officielle de la conférence. Poussées par la nécessité de stabiliser leurs coûts énergétiques, les entreprises signent des contrats à long terme (PPA) et développent des solutions innovantes, comme la solarisation de leurs infrastructures ou le stockage hybride. Cette dynamique, soutenue par des aides publiques, ancre durablement les EnR au cÅ“ur des modèles économiques. Certains intervenants ont fait part de leur propre expérience de ces projets, comme le Président de RWE France, Joseph Fonio : « avec RWE, nous avons investi 10 milliards d’euros par an depuis 2 ans dans les ENR et nous allons continuer : 6% de nos projets éoliens et 20% de nos projets solaires sont commercialisés en PPA. Nous avons installé 1 TW dans le monde en 2 ans, soit autant que dans toute l’histoire de l’humanité. Le prix des panneaux a tellement baissé que nous installons désormais aussi des panneaux sur la face tournée vers le sol et pouvons ainsi augmenter de 5 à 7% la production, via le rayonnement solaire ayant rebondi sur le sol. »
Les enjeux de la compétitivité énergétique européenne face à la concurrence internationale
L’Europe fait face à une concurrence accrue, avec des coûts énergétiques deux à trois fois plus élevés qu’en Chine et aux États-Unis. Cette disparité freine la compétitivité des entreprises et souligne l’urgence d’une coopération renforcée pour réduire les prix. Le développement des contrats de long terme (PPA, CFD) et la transparence sur les charges sont essentiels pour offrir plus de visibilité et soutenir l’essor des EnR sans pénaliser l’industrie européenne. « L’objectif de 2030 est d’arriver à 42,5 % de la production énergétique en renouvelables. Nous allons sortir un plan de réduction des prix, via un raccourcissement des délais et une transparence sur les charges et impôts, et augmenter la coopération entre les États sur les réseaux et les EnR. » a ajouté Mechthild Wörsdörfer, au nom de la Commission européenne. Un constat que Sophie Casenave, Corporate Policy Affairs Advisor de STX, fait également : « Les garanties d’origine sont à un prix bas actuellement, mais elles étaient à 10€/MWh : d’où l’intérêt de signer des contrats long terme. » Quant à Dominique Jamme, Managing Director de la Commission de la Régulation de l’Énergie, il s’est interrogé sur l’avenir des PPA : « nous sortons de la crise de l’énergie. Il est possible qu’une partie de la production éolienne offshore ne soit pas soutenue via un appel d’offre CRE et ainsi plutôt fléchée vers les PPA. Nous avons un décalage entre les prix CRE du PV autour de 80 €/MWh et les prix du marché de gros, alors que les coûts des projets ont baissé. Cela pénalise les PPA et donc l’accès des entreprises à une énergie compétitive. ».
Les conditions d’une transition énergétique rapide et réussie
Les conditions d’une transition énergétique rapide et réussie reposent sur plusieurs facteurs clés, allant de la compétitivité des énergies renouvelables à l’adaptation des usages et au soutien des pouvoirs publics. L’un des leviers essentiels est l’attractivité économique des EnR pour les entreprises. Selon Sarah Lamy de la Chapelle, Senior Trader and Originator chez STATKRAFT, « les EnR permettent aux entreprises de se différencier en proposant des produits bas-carbone et s’inscrire dans un objectif stratégique de transformation à long terme pour l’Union Européenne. » Cette transition vers des sources d’énergie plus durables ne se fait pas sans prise en compte des contraintes économiques. Comme elle le souligne, « il n’y a pas de projet en dessous des 65-70 euros du MWh aujourd’hui, le nucléaire ne va pas venir changer cela, et les EnR resteront compétitives. » Ce positionnement stratégique permet aux entreprises de mieux anticiper l’évolution des prix de marché et de sécuriser leurs approvisionnements énergétiques. Au-delà des coûts, la transformation des usages est également un enjeu central. Aurélia Menacer, de la RATP, rappelle que « l’innovation EnR en France doit aussi passer par la transformation des usages pour s’adapter au profil de production de ces énergies non pilotables. » Cela implique une réorganisation des consommations énergétiques en fonction des disponibilités et une intégration accrue des EnR dans les infrastructures existantes. La RATP, par exemple, mise sur la solarisation de ses actifs immobiliers, illustrant ainsi une approche proactive pour exploiter le potentiel des énergies renouvelables tout en réduisant son empreinte carbone. Les intervenants ont collectivement souligné la nécessité d’une approche globale combinant compétitivité économique des EnR, adaptation des usages et accompagnement des pouvoirs publics. L’innovation et la flexibilité des acteurs économiques seront essentielles pour faire de cette transformation une opportunité durable.
Booster la visibilité des énergies renouvelables
Donner plus de visibilité des énergies renouvelables est un enjeu crucial pour accélérer la transition énergétique et mobiliser l’ensemble des acteurs économiques et citoyens. Caroline Darmon, Directrice RSE chez Publicis France, met en lumière les conséquences économiques de l’inaction climatique : « l’étude BCG montre que l’inaction climatique représente 22% de PIB et pourrait coûter 25% des profits des entreprises si elles se désengagent avant 2050. » Dans ce contexte, le secteur de la communication a compris le rôle qu’il pouvait et devait jouer : « 80% des directeurs communication pensent que l’engagement des marques sur le climat est nécessaire pour leur survie. », ajoute-t-elle.