Après plusieurs années de crises, 2025 s’ouvre dans l’agitation. Les annonces se multiplient à Bruxelles comme à Paris ; révision du Green Deal, Clean Industrial Deal, bouclage de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), arbitrages du gouvernement sur le budget et différents dossiers… : des choix structurants vont être faits dans les prochains mois. Dans ce désordre, les autorités françaises et européennes ne doivent pas céder aux sirènes de la dérégulation écologique. Décrytage de l’association négaWatt !
Entre flottement inédit de l’exécutif français et virage conservateur de l’Union européenne, la tentation de suivre Donald Trump dans la voie d’une dérégulation brutale, au motif de sauvegarder notre compétitivité, monte à l’agenda politique.
À Bruxelles, les remises en cause du Green Deal se multiplient, et la Commission prépare un train de textes “omnibus” de simplification par l’allègement des exigences environnementales. La France soutient activement cet agenda, appelant à une “pause réglementaire massive”. À Paris, le gouvernement semble prêt à des coupes budgétaires sur la transition écologique, comme à restreindre le champ de la démocratie environnementale. Au Parlement, dans les médias et dans l’espace public, les attaques contre les agences et les leviers de la transition se multiplient.
Une dangereuse perte de repères
Cette évolution est profondément inquiétante. Le recul écologique serait un contresens stratégique. Il s’ancre dans un logiciel économique dépassé, qui refuse d’intégrer les externalités sociales et environnementales et nous condamne en fait à les payer au prix fort, au lieu de s’engager dans un nouveau modèle. Dans ce contexte difficile, la planification écologique semble à la peine. Depuis un an, la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la SNBC – pourtant tronquées à 2030 – restent en suspens. Le bouclage d’une trajectoire conforme aux engagements de la France à moyen et long terme s’avère difficilement compatible avec les priorités à court terme de l’exécutif. Les projets que le gouvernement a soumis à consultation fin 2024 témoignent d’une forme de renoncement à maîtriser la demande en se concentrant sur l’augmentation de la production d’énergie décarbonée.
Une politique d’électrification à tout prix
Ce déséquilibre, contraire au retour d’expérience récent sur le potentiel concret de la sobriété et aux tendances statistiques des dernières années, trouve son paroxysme sur l’électricité. Depuis le discours de Belfort de février 2022, le gouvernement mise avant tout sur la hausse de la consommation d’électricité, vecteur de décarbonation par les transferts d’usages et de réindustrialisation, et sur la relance du programme nucléaire. Mais faute d’envisager des efforts de maîtrise de la demande sur les usages électriques existants pour favoriser ces nouveaux usages, il projette une augmentation massive de la consommation (+15 TWh par an). Cette impasse conduit à des orientations porteuses d’importants problèmes structurels vis-à-vis des coûts, de la sécurité du système électrique et des objectifs climatiques. Les réacteurs EPR2, dont la conception détaillée, le coût et les délais restent inconnus, voient leur première paire à Penly décrétée d’intérêt général ; dans le même temps, EDF appelle à revoir à la baisse les objectifs renouvelables de la PPE si la hausse de la demande n’est pas suffisante. Et pour soutenir à tout prix cette hausse, le gouvernement étudie des moyens, comme la distorsion des règles de performance thermique du bâtiment, via une modification du Diagnostic de performance énergétique (DPE), aux dépens des objectifs de rénovation du parc et de la lutte contre la précarité énergétique.
Contre la régression, l’optimisme de l’action
La transition énergétique constitue pourtant, plus que jamais, un projet vital. La maîtrise de la demande d’énergie reste le premier levier dont disposent la France et l’Europe pour réduire le poids des factures énergétiques sur les ménages et les entreprises, et renforcer leur souveraineté. Le déploiement des renouvelables, qui sont leur seule ressource domestique en matière d’énergie, est le seul moyen d’augmenter rapidement la production décarbonée. Et la sobriété est clé, parallèlement à l’électrification des usages, pour maîtriser les volumes d’investissement et d’approvisionnement nécessaires à la transition tout en maximisant leur impact. Ainsi, les reconfigurations géopolitiques appellent la France et l’Europe à s’engager encore plus activement dans la transformation écologique. Face aux vents politiques mauvais, l’Association négaWatt s’en tient à cette boussole, et s’en remet à l’optimisme de l’action. Nous porterons encore en 2025 ce message positif d’ambition et de cohérence.
Qu’il s’agisse d’explorer les enjeux concrets de mise en œuvre de la sobriété (projet PractiSE), de poursuivre nos travaux sur les besoins en matériaux (projet Minimal) et la réindustrialisation, ou de développer de nouvelles réflexions prospectives à l’échelle française et européenne, nous travaillerons aux côtés des acteurs engagés dans la transition pour résister à la régression annoncée.