L’ancien ministre de l’Environnement Michel Barnier nommé premier ministre : un plus pour la transition énergétique ?

Dans sa campagne de l’entre-deux tours des Présidentielles de 2022, Emmanuel Macron avait scandé haut et fort dans un meeting à Marseille « ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas ». Englué depuis les législatives, soit depuis plus de cinquante jours à la recherche d’un premier ministre susceptible de créer une dynamique de l’hypercentre avec un gouvernement consensuel, Emmanuel Macron a finalement opté pour Michel Barnier, savoyard de 73 ans, à la fibre « écolo » reconnue. Et cela tombe plutôt bien. Parmi les très nombreux dossiers qui attendent Michel Barnier, le vaste chantier de la transition énergétique dans un contexte d’arbitrages budgétaires tendus relève des priorités et de l’urgence.

Analepse. Chargé de mission au cabinet du ministre de l’Environnement Robert Poujade en 1973 puis ministre de l’Environnement de 1993 à 1995 sous le gouvernement Edouard Balladur, en cohabitation avec François Mitterrand, Michel Barnier a laissé une trace plutôt positive au cours de la période de ce maroquin. Dans une interview accordée en 1993, il se disait même convaincu que “plus d’environnement”, c’était “plus d’emplois” et défendait l’idée d’une “croissance qualitative”. Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l’environnement le confirme : « Michel Barnier a réussi à concevoir une loi très importante encore aujourd’hui : la Loi Barnier, du 2 février 1995″, confie-t-il. Cette loi a institué les principes généraux du droit de l’environnement et une série de nouvelles exigences comme la création de la commission nationale du débat public, l’instauration du principe du pollueur payeur ainsi que la mise en place du fonds d’aides aux collectivités pour faire face aux catastrophes naturelles. Brice Lalonde rappelle pour sa part que Michel Barnier a fait voter le principe de précaution inscrit dans la Constitution.

Pour Greenpeace France, le compte n’y est pas. L’ONG exprime son inquiétude face à la nomination de Michel Barnier comme nouveau Premier ministre. Malgré un intérêt sincère de Michel Barnier pour les problématiques environnementales et un bilan concret sur ces sujets, Greenpeace France doute de sa capacité à répondre concrètement et rapidement aux impératifs dictés par la crise écologique actuelle. « Avec Michel Barnier comme Premier ministre, les espoirs de mettre la justice sociale et environnementale en haut du calendrier politique sont bien minces. L’obstination du président Emmanuel Macron à ignorer les appels des Français et des Françaises à une transformation profonde de notre modèle de société est dangereuse et ne fera qu’aggraver la fracture sociale et écologique. Continuer dans ce modèle politique capitaliste et brutal, qui écrase les femmes et les hommes et s’assoit sur l’avenir des générations futures, c’est ouvrir un boulevard pour l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir en 2027 » déclare Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France.

Le premier ministre démissionnaire, Gabriel Attal, a déjà prévu dans le projet de budget 2025 des coupes budgétaires alarmantes de plusieurs milliards pour la transition écologique, amputant notamment MaPrimeRénov, dédiée à la rénovation énergétique des logements ainsi que les aides pour les véhicules électriques. Matignon prévoit également des baisses de crédits pour le Fonds vert, destiné à la transition écologique des collectivités locales. Greenpeace France demande au nouveau Premier ministre de revenir sur ces prévisions et de réallouer les budgets nécessaires à la transition, il s’agira du premier test pour ce gouvernement afin de jauger de son ambition concernant les enjeux environnementaux. L’urgence climatique ne peut pas attendre une nouvelle clarification politique en 2027. Dans le blog de Tecsol du 5 septembre, Corinne Lepage, elle aussi ancienne ministre de l’Environnement sonnait l’alarme : « Les annonces de réduction de 35 % du budget de l’ADEME et de coupes sombres dans le budget du ministère de l’écologie montrent très clairement que ce sujet est la variable d’ajustement des politiques publiques pour répondre à nos obligations incontournables de réduction de la dette ».

Pour Véronique Andrieux, Directrice générale du WWF France « Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale et les nouvelles élections, deux mois se sont écoulés, laissant place à de nombreuses spéculations sur les configurations de gouvernement possibles. Malgré l’urgence et le besoin d’accélérer et de passer à échelle, l’écologie a été la grande absente de ces débats. Nous devons refuser l’idée d’une impasse politique et rejeter la notion que nous serions condamnés à l’indécision, et que notre pays serait ingouvernable. Le Premier ministre a le pouvoir de changer les choses, notamment en plaçant l’écologie au cœur de l’action gouvernementale pour protéger les Français, créer des emplois et soutenir une activité économique et une agriculture résilientes. Nous restons pleinement mobilisés pour un projet de loi de finances apte à financer la transition écologique juste et désirable au service des Français, notamment les plus défavorisés.”. Et Arnaud Gossement de conclure : « “Ça va être compliqué, surtout avec une Assemblée aussi fragmentée où beaucoup de députés sont anti-écolo”. Un quinquennat écolo comme une dystopie ?

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