TRIBUNE : Hier, le kWh n’avait pas d’odeur. Aujourd’hui, certains sentent déjà plus vert que d’autres

par Harold Darras, Président-Fondateur de Feedgy

Compétitivité, nouvelles technologies, bouleversement des attentes des consommateurs… À la tête de l’entreprise Feedgy, leader sur le marché du repowering, Harold Darras dresse un constat du marché solaire et délivre sa vision du secteur pour les prochaines années. Un constat sans concession ! Face à la concurrence, la filière solaire doit adopter une vision long terme et saisir deux opportunités technologiques majeures.

Le marché solaire souffre aujourd’hui de deux problèmes majeurs : un taux de dégradation important des modules, et une concurrence particulièrement accrue depuis ces deux dernières années, liée au contexte géopolitique européen et au développement des EnR.

Dans ce contexte, notre expertise en repowering nous permet de dresser un constat simple : le parc solaire se dégrade d’année en année… et ce n’est pas près de changer. Le backsheet, première cause de perte de performance du panneau, concentre la plupart des défaillances : snail trails, brunissement, dégradation induite par le potentiel (PID), délamination… Dix ans après la mise en service, les problèmes sautent aux yeux.

En cause ? Des professionnels du solaire qui ont les yeux rivés sur le mauvais indicateur. Les développeurs cherchent à diminuer leurs CAPEX, à mesure que l’État diminue les tarifs d’achat de l’électricité. Afin de rester compétitifs, ils achètent donc des panneaux solaires moins chers, aux composants de qualité variable.

Pour rester compétitive, la filière doit changer d’approche en adoptant une vision plus long terme. Cela passe en priorité par un changement d’indicateur : dans un marché solaire qui est maintenant pleinement intégré au marché de l’énergie, plutôt que de faire baisser les dépenses d’investissement, il s’agit de chercher à minimiser le Coût actualisé de l’énergie (LCOE, ou Levelized Cost of Energy ). La clé de la rentabilité est là. Bien plus complet, le LCOE prend en compte le prix de l’énergie sur toute la durée de vie des équipements qui la produisent. Aux frais d’acquisition et d’installation, il faut donc ajouter les frais d’opération, de maintenance et de réparation, voire de rénovation. Or, il va de soi qu’un matériel de basse qualité fait exploser ces coûts !

Prendre en compte le LCOE plutôt que les dépenses d’investissement, c’est donc oser adopter une vision plus long terme, et investir dans des technologies plus fiables et robustes qui diminueront les coûts de maintenance et de réparation. Cela semble une évidence et pourtant, cet indicateur reste délaissé par de nombreux acteurs du solaire.

Face à la concurrence accrue des autres énergies, la filière solaire doit ainsi changer de vision et monter en compétence technologique afin de diminuer le prix de revient de l’électricité. La physique photonique s’annonce comme l’une des opportunités clés qui va bouleverser le secteur ces prochaines années. Cette branche de la physique trouve des applications variées et donne naissance à des innovations de rupture dans de nombreux domaines. C’est également le cas dans la production d’énergie solaire, où la physique photonique s’attache à maîtriser la lumière pour maximiser la production : cette technologie permet d’augmenter la performance des panneaux de 10 à 15%, faisant par là même baisser le prix de revient de l’électricité. Pourtant, son exploitation reste encore très marginale en France et même au niveau européen.

L’autre innovation technologique à intégrer rapidement, c’est bien sûr l’intelligence artificielle (IA). C’est elle qui permettra aux solaristes d’enrichir leur savoir-faire de photovoltaïciens avec des palettes de services plus larges. Car en réalité, nous sommes au début d’une révolution marketing du marché de l’énergie. Hier encore, le consommateur achetait un kWh sans se poser d’autre question que celle du prix. Aujourd’hui, plus que jamais, les consommateurs cherchent à exprimer leurs valeurs et leur identité à travers leurs choix de consommation.

Ce tournant nécessite une différenciation accrue de la part des fournisseurs d’énergie, qui doivent proposer de nouvelles offres de services : plus verts, plus innovants, à l’écoute de leurs consommateurs. La récolte de data et l’intelligence artificielle constituent une énorme valeur ajoutée pour tracer l’énergie et la monitorer, d’un bout à l’autre de la chaîne de valeur. À très court terme, l’IA va ainsi permettre de créer de nouveaux services et d’alimenter une communauté de consommateurs plus engagés, en quête de transparence et d’informations fiables.

Hier, le kWh n’avait pas d’odeur. Aujourd’hui déjà, certains sentent plus vert que d’autres. Le consommateur le sait, il s’en préoccupe. Afin de toujours mieux répondre à ses attentes tout en restant compétitif sur un marché énergétique fortement concurrentiel, deux innovations technologiques permettront aux solaristes de tirer leur épingle du jeu : la photonique, outil majeur pour faire baisser le LCOE ; et l’IA, qui permettra de développer une offre de services étoffée.

Une évolution majeure du marché de l’énergie est en marche. Ne ratons pas cette opportunité !

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