EDITO/ La stupidité consciencieuse des magnats des énergies fossiles

« L’effondrement climatique a commencé ». Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a tiré une énième fois la sonnette d’alarme mercredi 6 septembre dernier, histoire de sortir l’humanité de son insoutenable indolence. Il réagissait au constat sans nuance de l’observatoire européen du climat Copernicus. Diagnostic : juin, juillet et août ont été « les trois mois les plus chauds depuis environ cent vingt mille ans, c’est-à-dire depuis le début de l’histoire de l’humanité », s’est désespéré Samantha Burgess, cheffe adjointe de l’organisme. « Les scientifiques ont depuis longtemps mis en garde contre les conséquences de notre dépendance aux combustibles fossiles », a ajouté dépité António Guterres. Les faits scientifiques sont têtus et aujourd’hui sans contestation possible. Notre addiction suicidaire aux énergies fossiles est responsable de plus de 80% des émissions de GES. Une anthropocène aux relents de carbone !

Les déclarations préoccupantes citées ci-dessus font un écho cruel au débat surréaliste qui a eu lieu le mardi 29 août dernier lors des universités d’été du Medef entre le climatologue Jean Jouzel, ancien vice-président du GIEC et Patrick Pouyanné, président du groupe TotalEnergies. Inlassablement, Jean Jouzel poursuit sa croisade, prosélyte d’une sobriété carbone qui tarde désespérément à venir. Aux patrons qui lui ont réservé un accueil « glacial » dira-t-il plus tard sur France Info, il assène : « Pour limiter le réchauffement à 1,5 °C nous n’avons plus que cinq ans d’émissions au rythme actuel, et un peu moins de quinze ans si on veut le limiter à deux degrés. En réalité, nous partons de façon quasi délibérée vers un réchauffement qui pourra atteindre 3 °C, voir 4 °C en France ». Jean Jouzel a ensuite expliqué pourquoi « il était important d’arrêter d’investir dès maintenant dans les énergies fossiles, et de privilégier les énergies renouvelables ». L’enjeu est de taille : il s’agit juste de préserver l’humanité de la fournaise climatique et de sa disparition programmée.

La réponse de Patrick Pouyanné, acculé dans les cordes de ses contradictions, ne rend pas compte du cataclysme en cours. « Je respecte l’avis des scientifiques mais il y a la vie réelle.  Je dois assurer la sécurité d’approvisionnement au coût le plus efficace ».  Dans la hiérarchie des priorités, Patrick Pouyanné met en avant sa logique de compétitivité des prix, là où Jean Jouzel évoque la survie de l’humanité. Si la COP28, la conférence onusienne sur le climat qui doit avoir lieu en fin d’année à Dubaï, « n’aboutit pas à des réductions drastiques de l’usage des énergies fossiles, nous pourrons officiellement nommer les années 2020 « l’âge de la stupidité », a de son côté fustigé David Reay, directeur de l’institut du changement climatique d’Edinburgh. « Rien n’est plus dangereux au monde que la véritable ignorance et la stupidité consciencieuse » ne manquait jamais de rappeler Martin Luther King.

 

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