Par Jules Nyssen, Président du Syndicat des énergies renouvelables
Si la France avait respecté ses objectifs de développement des énergies renouvelables pour 2020, nous disposerions aujourd’hui d’un volume d’énergie supplémentaire permettant de couvrir 20% de la consommation de l’industrie française. À l’approche de l’hiver, les coupures d’électricité ne menaceraient sans doute ni les entreprises ni les particuliers.
Le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables, débattu à partir d’aujourd’hui à l’Assemblée nationale, doit donc répondre à deux enjeux de court terme : rattraper au plus vite notre retard, qui conduit la France à devoir payer 500 millions d’euros de pénalités pour non-respect de ses engagements, et surtout, disposer d’un appareil énergétique plus diversifié et résilient pour faire face aux pénuries qui s’annoncent cet hiver et les suivants. Aujourd’hui, 14,5 GW (soit 14 tranches de centrales nucléaires) de projets autorisés attendent d’être mis en service, sans compter ceux qui sont en cours d’instruction par les services de l’État. Voilà ce qu’il faut débloquer !
Les énergies renouvelables ne sont pas seulement la seule réponse de court terme à l’urgence énergétique, mais quel que soit le scénario qui sera retenu dans la prochaine Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), elles sont un pilier central de notre réponse à l’urgence climatique et à l’impératif de neutralité carbone en 2050. 2050, c’est dans moins de 10 000 jours. À l’échelle industrielle, c’est demain, et les investisseurs ont besoin d’un signal clair sur notre volonté politique. Ce projet de loi peut donc aussi constituer ce signal.
C’est le chemin qu’a ouvert le Sénat en faisant émerger un large consensus politique (320 voix pour, 5 contre). Il a fait évoluer le texte en renforçant le rôle des élus locaux et a introduit une série de mesures pour accélérer l’instruction des projets, éviter les blocages juridiques et piloter les trajectoires de développement des renouvelables grâce à des indicateurs de suivi.
Il est essentiel que cette dynamique se poursuive dans l’hémicycle du palais Bourbon. Les enjeux de protection de la biodiversité constitueront un point important des débats. Il ne faudra pas oublier que le changement climatique constitue aujourd’hui la première menace contre la biodiversité alors que le développement des énergies renouvelables apporte une réponse structurelle à cet enjeu. Et il ne faudra pas non plus oublier que 60% de la consommation énergétique de la France provient encore d’énergies fossiles importées. Si nous n’accélérons pas, c’est finalement la destruction des écosystèmes engendrée par l’extraction des énergies fossiles en dehors de notre pays et les émissions de CO2 qui y sont liées que nous encourageons et que nous assumons.
Dans ce contexte et à l’heure où les énergies renouvelables contribuent à hauteur de 31 milliards d’euros au budget de l’État, restreindre les zones accessibles à leur développement, complexifier leur processus d’instruction ou ériger de nouvelles interdictions de fait serait incompréhensible. Pire, cela enverrait un signal négatif susceptible de détourner les investisseurs vers d’autres pays plus engagés, mettrait en péril la construction d’une filière industrielle prometteuse, et finalement placerait notre futur énergétique sur un chemin dangereusement hasardeux que les générations futures seraient en droit de nous reprocher !
Il est rare qu’une filière industrielle bénéficie d’une loi spécifiquement destinée à corriger des lenteurs constatées par tous, au point que le législateur choisisse de la titrer : « loi d’accélération » ! Le Syndicat des énergies renouvelables ne pourra que s’en réjouir si ce texte, dans sa version finale, ne comporte en effet aucune mesure amenant au freinage. Or, ce risque est réel !
Nous avons une chance devant nous : celle de pouvoir produire rapidement une énergie propre, sur notre territoire, capable de répondre aux enjeux de court terme – accroître notre souveraineté énergétique et fournir une énergie à un prix stable aux ménages et aux entreprises – tout en plaçant notre pays sur la trajectoire nécessaire pour atteindre la neutralité carbone à plus long terme. Faisons preuve de responsabilité et saisissons cette chance, en pensant à l’héritage que nous laisserons à nos enfants.