Barbara Pompili en mission solaire au Centre Spatial de Guyane

En visite pour cinq jours en Guyane, la ministre de la Transition Energétique Barbara Pompili s’est rendue à Kourou le mardi 1er février dans l’après-midi,  pour une découverte du pas de tir d’Ariane 6 et une présentation du programme de transition écologique du Centre Spatial Guyanais. Ce dernier prévoit la réalisation de champs solaire en autoproduction dont la réalisation a été confiée à Voltalia, le bureau d’études Tecsol Guyane intervenant en support à la maîtrise d’ouvrage CNES. C’est la technologie couche mince CdTe de First Solar qui a été retenue par le CNES (Centre National d’Etudes Spatiales) pour les projets PV2 à Kourou car assurant un meilleur rendement sous ensoleillement diffus et forte humidité! Un projet de 5 MW entièrement financé par le Plan France de Relance qui permet d’accélérer les transformations écologique, industrielle et sociale du pays.

Le site de Kourou et Sinnamary en Guyane est l’une des fiertés de l’industrie spatiale européenne et française. En déplacement en Guyane, Barbara Pompili s’est donc rendue mardi 1er février dernier sur l’impressionnant pas de tir de la fusée Ariane 6. Pour admirer les prouesses spatiales mais pas que ! Barbara Pompili a également pu prendre connaissance des projets d’énergies renouvelables qui entourent le CSG (Centre Spatial Guyanais). Et notamment de deux centrales solaires de 4,2 MW en cours de réalisation par le groupe Voltalia, attributaires du projet de construction après deux appels d’offre lancés par les équipes du CNES.

Une solution solaire à base de couches minces

Il y a quelques mois, le CNES, pour le CSG, a consulté, cahier des charges à l’appui, pour une assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) en vue de réaliser une centrale solaire au sol en autoproduction totale en raccordement sur la boucle haute tension 20 kV du Centre Spatial. De quoi décarboner en partie les activités générées autour des lanceurs spatiaux. Le bureau d’études Tecsol Guyane a ainsi été sélectionné pour apporter son expertise pour le développement de ce projet. Ses missions participer à la sélection des candidatures, calcul de l’ensoleillement et de la production associée, analyses techniques et études du raccordement, système de fondation, préconisation sur les traitements anti-corrosion à retenir dans un environnement équatorial particulièrement sollicitant, associant chaleur, humidité et proximité de la mer et de ses embruns… « Nous avons assisté à toutes les négociations techniques. Finalement, le choix s’est porté sur Voltalia. Le développeur proposait une solution à base de couches minces en tellure de cadmium (CdTe) qui est plus efficace en rayonnement diffus – la longueur d’onde visible -, l’une des particularités de l’atmosphère équatoriale chargée d’humidité de Kourou. Dans les zones équatoriales, le gain est de l’ordre de 4% par rapport aux modules ayant recours à du Silicium cristallin. First Solar a travaillé avec PVSyst sur le modèle mathématique des modélisations PV pour qu’il intègre la bonification spectrale de la technologie CdTe » souligne Frédéric Joffre, directeur général de Tecsol dans la zone Antilles-Guyane. Le choix des modules américains First Solar est aussi celui de la raison sur le plan des émissions de carbone. La technologie couche mince, brevetée par First Solar (CdTe), est environ deux fois moins émissive en termes de CO2 lors de sa fabrication par rapport à du silicium cristallin. « Une donnée prise en compte par les opérateurs à l’heure des politiques RSE mises en place par les entreprises » poursuit Frédéric Joffre.

Un autre projet solaire de 5 MW à venir sur le site

Le CdTe est un alliage de Cadmium et de Telluride stable et sans danger. « En cas d’explosion conjuguant très forte chaleur et pression, le couple Cadmium Telluride peut se casser. Cela peut alors entraîner une pollution à l’oxyde de Cadmium qui est classé comme produit dangereux par les fiches INRS. En exploitation normalisée, sans stockage de combustible à risque à proximité, il n’y a aucune inquiétude à avoir. Le sujet est largement documenté par des laboratoires indépendants, comme ceux de l’université Virginia Tech, qui ont mis en évidence que la technologie CdTe ne présentait pas plus de risque qu’une technologie Silicium cristallin. First Solar est d’ailleurs très vigilant sur l’environnement dans lequel ses produits sont installés. Une analyse de risque site par site est réalisée par leurs équipes » précise Frédéric Joffre qui s’est rendu dans l’Ohio chez First Solar pour évaluer de façon indépendante, cette technologie et les risques inhérents (reportage à venir sur le blog). Dans les prochains mois, des modules First Solar seront installés sur la base de Kourou, orientés vers l’astre solaire. Pour un début de décarbonation du site. La ministre Barbara Pompili a apprécié cette contribution au climat, qui faut-il le rappeler, a été financé à 100% par le Plan France Relance. Un autre projet solaire de 5 MW porté cette fois par le CNES devrait également bientôt voir le jour sur le site. L’industrie spatiale a depuis toujours collaboré avec les acteurs du solaire mondial pour alimenter les satellites, au-dessus des nuages, en orbite. Cette fois, la collaboration a lieu sur le plancher des vaches, au sol. Pour d’autres aventures scientifiques autour de l’urgence climatique…

Encadré

Trois questions à… Laurence Monnoyer‑Smith, directrice du développement durable et de la performance au CNES

«Veiller à ce que le CSG s’inscrive bien dans le passage aux énergies vertes»

Quel est votre rôle dans la transition énergétique qu’opère le CSG?

Laurence Monnoyer‑Smith : Parmi les missions phares de ma direction, l’une est de mettre en œuvre la stratégie RSE (Responsabilité sociale de l’entreprise) du CNES, qui comprend – entre autres – un pilier important en matière énergétique. Le zéro émission nette à l’horizon 2050 est un engagement de la France et récemment, la commission européenne a affiché une augmentation de ses ambitions, enjoignant les États à viser non plus 40% mais 55% de réduction des émissions à effet de serre en 2030. Ce qui suppose qu’on fasse des efforts en matière d’approvisionnement énergétique, d’efficacité énergétique, que l’on travaille sur nos déplacements, nos bâtiments… Nous avons un rôle de suivi de cette politique. Et nous veillons à ce que le CSG s’inscrive bien dans ce passage aux énergies renouvelables. Derrière ça, il y a tous les services techniques du CNES qui travaillent sur les nouvelles centrales qui vont permettre cette transition, en coordination avec l’ESA et les acteurs concernés.

 

Comment atteindra-t-on les 90% d’énergies renouvelables?

LMS : On a trois grands axes. D’abord, la mise en place de deux champs photovoltaïques en autoconsommation. Ils nous permettront de nous effacer du réseau EDF pour à peu près 15,6 GWh par an pendant vingt ans. C’est un grand pas. Et puis, on est en train de travailler à la spécification technique de deux centrales biomasse. Elles produiront aussi du froid, en substitution des centrales d’eau glacée qui sont onéreuses et plus polluantes. C’est un changement très important dans le fonctionnement de la base, d’où le grand soin que l’on met sur l’analyse technique: la sous-direction sol du CNES s’assure de la robustesse de ce nouveau système. Le troisième point, c’est la rénovation des centrales de traitement de l’air, qui peuvent réduire la facture énergétique d’environ 30%. Il s’agit d’un projet techniquement moins complexe mais conséquent en terme d’effet de levier.

 

Est-ce qu’activité spatiale et développement durable sont compatibles?

LMS : Comme tous les secteurs industriels, le secteur spatial s’inscrit lui aussi dans une démarche de développement durable. Un exemple: on agit sur l’ensemble du cycle de vie et de l’empreinte environnementale de nos activités, ça passe par un effort sur les lanceurs. Avec Air liquide, l’ESA et la Direction des lanceurs du CNES, on prépare une feuille de route pour favoriser la production d’hydrogène vert. Ceci dit, la consommation d’ergols ce n’est pas grand-chose comparativement à la consommation énergétique de la base, que nous résolvons maintenant. Par ailleurs, on peut rappeler qu’au CSG, on a des enjeux de biodiversité extrêmement forts. Notre stratégie inclut aussi un important volet biodiversité. On vient de se faire labelliser par le ministère de la Transition écologique «Entreprise engagée pour la nature». Cela implique un certain nombre d’engagements, dont le zéro artificialisation nette, qui suppose que nous n’augmentions pas notre emprise au sol: un gros enjeu à l’heure du projet de modernisation des installations du CSG.

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