Le cabinet de conseil en management Colombus Consulting publie les résultats de la cinquième édition de son étude consacrée à la santé financière des producteurs d’électricité européens, alors que pour la première fois depuis 2015, l’Europe connaît une baisse de capacité de production (-1,4% entre 2018 et 2019).
Un premier semestre 2020 difficile pour les producteurs d’électricité
La situation économique des producteurs d’électricité affichait une nette reprise en 2019 mais la crise sanitaire impacte de nombreux secteurs d’activité, notamment celui de l’énergie. Seules EON et Fortum obtiennent de très bons résultats au 1er semestre 2020 (générés par des acquisitions : Uniper pour Fortum et Innogy pour EON). En excluant ces deux entreprises du panel, le chiffre d’affaire total du semestre 2020 chute de 9% (17 Milliards d’euros). Pour la première fois depuis 2015 (année de publication de la 1ère étude) l’Europe connaît une baisse de capacité de production (-1,4% entre 2018 et 2019). La croissance du parc d’énergie renouvelable (+5,7%) n’a pas compensé en totalité la baisse du parc thermique fossile (-5%) et du nucléaire (-2,2%). Cette baisse est notamment due aux fermetures de centrales thermiques et de réacteurs nucléaires (tel que celui de la centrale de Philippsburg en Allemagne).  La demande d’énergie électrique est équivalente à l’année 2015. Cette baisse s’explique principalement par une meilleure maîtrise de la consommation et un ralentissement de la croissance économique et démographique.
L’Italie, la France et l’Espagne connaissent les chutes les plus importantes de la consommation électrique
« L’analyse de la consommation électrique montre que l’ensemble de la chaîne de valeur de l’électricité a été impactée par les mesures gouvernementales liées à la crise sanitaire. Par conséquent, la consommation d’électricité a chuté dans de nombreux pays. Les exploitants devraient mettre plus d’un an pour absorber 50% les impacts de la crise », explique Pierre Bouland Consultant Energie pour Colombus Consulting. Au niveau de l’UE, en avril 2020 la consommation électrique était 11,8% inférieure au niveau observé les années précédentes. Plus précisément, l’Italie arrive en première position (-16,1%), suivie de la France (-15%) et de l’Espagne (14,8%), pays européens ayant appliqué les plus longues périodes de confinement.
Les producteurs d’électricité continuent de bénéficier d’un accès relativement favorable à l’endettement
Depuis 2017, le marché en tension oblige les industriels de l’électricité à augmenter leur endettement financier net total et à dégrader leurs capacités de remboursement. Les dettes financières nettes des entreprises étudiées atteignaient 267 milliards d’euros fin 2019. Ce constat se traduit par une nette augmentation du ratio Dette Financière Nette / EBITDA, s’élevant à 3,1. Après une embellie, entre 2017 et 2019 (+48% en moyenne), le panel étudié connait une rupture début 2020. La capitalisation boursière baisse sur le premier semestre 2020 (-3,7% en moyenne), même si le secteur est moins impacté que d’autres industries. La pandémie a entrainé une chute de la demande d’électricité en Europe et certains effets se font déjà sentir. Des investisseurs se sont rétractés, mettant à mal certains énergéticiens fragiles. Cette conséquence de la crise pourrait donner lieu à des faillites ou à des fusions au niveau européen. En France, les opérateurs, en majorité publics, ne devraient pas connaitre de tels scénarios. Enfin, les lourds investissements, notamment dans les EnR, pourraient être reportés. « Pour réduire les impacts de la crise, certaines entreprises comme EDF, mettent en œuvre des plans d’économies et réalisent des cessions d’actifs. Par ailleurs, la crise sanitaire a conforté les croyances. La décarbonisation conduite par le renouvelable est une opportunité de croissance pour les acteurs énergétiques. De nouvelles perspectives sont donc envisageables dans ce secteur » précise Romain Bonnin, Consultant Énergie pour Colombus Consulting.
L’Union européenne marquée par la hausse de la part des énergies renouvelables
Comme les années précédentes, les principales nouvelles sources de production proviennent d’énergies renouvelables. En un an, l’Europe a augmenté la puissance de son parc éolien de 15 GW et de 16 GW pour le solaire. En 2019, l’Europe disposait d’une capacité solaire de 132 GW et espérait une croissance de 21 GW avant la fin de l’année 2020.
Ce constat s’explique par plusieurs facteurs :
*       la baisse des coûts technologiques des énergies renouvelables et les grands projets de développement portés par des décisions politiques,
*       la remise en cause de la compétitivité économique de l’énergie nucléaire : retards importants et dépassements budgétaires des nouveaux projets de réacteurs nucléaires (exemple de Olkiluoto en Finlande et Flamanville en France), l’absence d’effet d’échelle,
*       la baisse de rentabilité des moyens fossiles en raison de la crise sanitaire.
Au premier trimestre, les énergies renouvelables ont représenté 52% du mix de production allemand. La France a connu un pic à 46%, contre 23% en 2019. Au niveau européen, la part du renouvelable dans le mix a augmenté de 7 points pendant le 1er semestre. Cette augmentation n’est pas liée à la crise sanitaire mais à la priorisation sur le réseau et aux conditions météorologiques favorables.
Toutefois, depuis mi-juillet, en raison d’une production éolienne hebdomadaire globalement plus faible, la production de combustibles fossiles a été 20% supérieure à la production renouvelable. En août, avec la reprise soutenue de la croissance, la demande d’électricité des pays de l’UE se rapproche des niveaux de 2019.
Les producteurs d’électricité à l’ère des énergies renouvelables
En 2019, la capacité de production d’énergie renouvelable des entreprises du panel a augmenté de 24% par rapport à 2018. Cela s’explique principalement par le renforcement de leurs capacités photovoltaïques et éoliennes. Les énergies renouvelables représentent 20 % de la capacité de production d’électricité (15% en 2018) sur le panel. En 2019, le parc des EnR a atteint une capacité de production de 112 GW. Tandis que la part de la capacité de production thermique a baissé de 4% (42% en 2018), soit une diminution de 20 GW. En Europe, pour compenser la perte énergétique due au décommissionnement des usines à charbon, près de la moitié de la capacité perdue a été remplacée par des parcs éoliens et solaires. L’autre portion a été substituée par le gaz, en raison de sa compétitivité économique par rapport au charbon. « La capacité de production nucléaire va fortement baisser dans les prochaines années. L’Allemagne (8,1 GW encore en service) prévoit notamment d’arrêter trois tranches nucléaires en 2021 et de sortir définitivement du nucléaire en 2022. En France, la centrale de Fessenheim a fermé en juin 2020. La baisse de capacité énergétique du charbon va se poursuivre. Le projet de loi allemand sur la sortie du charbon au plus tard en 2038 a été adopté en début d’année. Les premières fermetures auront lieu en 2020. Renforcée par la baisse de rentabilité des centrales fossiles, la croissance des énergies renouvelables ne s’arrêtera pas », ajoute Imad Boukrit Consultant Energie pour Colombus Consulting.