Quel bilan énergétique pour Energy Observer, entre énergie solaire et potentiel hydrogène ?

La première traversée de l’Atlantique d’Energy Observer, du Finistère à la Martinique, a permis de valider dans des conditions très variées les principales innovations apportées cette année au laboratoire flottant des énergies renouvelables. Son nouveau système de pile à combustible, développé avec Toyota, ses ailes automatiques, ses nouveaux panneaux solaires et ses hélices innovantes ont, grâce à leur synergie optimisée, permis d’effectuer cette longue route en totale autonomie et avec des performances inédites.
La première partie du parcours, de la Bretagne aux Canaries, a été réalisée face à des vents contraires, les glissades dans les alizés étant malheureusement remplacées par des heures de près serré dans une mer difficile. Sur ce type de navigation, les hélices à pas variable font merveille, permettant de stabiliser le flux d’air sur les ailes tout en consommant peu d’électricité. 4 kW injectés dans les moteurs permettent de gagner en moyenne 30 % de vitesse mais surtout de remonter à 25° du vent réel au lieu de 40° ! Le gain est donc considérable, prouvant que la mixité H2-Ailes-Hélices est très complémentaire. Energy Observer n’est plus un voilier depuis longtemps, et les 35 m² de chaque aile OceanWings® ne pourraient seules propulser correctement les 35 tonnes du catamaran (il en faudrait au moins 350 m², surface utilisée par Sir Peter Blake pour ramener le Trophée Jules Verne… avec 20 tonnes en moins !). Mais le profil épais de ces ailes, leur automatisme intégral et l’appui de la propulsion électrique forment un combo particulièrement efficace, économe et fiable. Plus de la moitié de la traversée a été parcourue en utilisant ce mode hybride multi-ENR.

L’hydrogène et la nouvelle pile à combustible, maillons essentiels de la chaîne énergétique 

Des Canaries au Cap Vert, la vitesse a été favorisée grâce au vent portant et à la mixité Hydrogène-Ailes. Durant la journée, toute l’énergie solaire est directement injectée dans la propulsion pour optimiser la vitesse. Dès que la nuit tombe, et que les batteries atteignent environ 20 % de leur capacité, la pile à combustible démarre automatiquement pour remonter instantanément leur niveau. Ainsi, la vitesse peut être maintenue et les pics de consommation nocturnes (repas, vie à bord, envois de données, eau chaude produite avec la chaleur de la pile) étalés. Aucun bug, aucune alarme (le bateau en compte pourtant plusieurs centaines…), aucune anomalie, la pile à combustible développée par Toyota et Energy Observer Developments a fait un sans-faute dans les vagues de l’Atlantique, démarrant automatiquement et silencieusement toutes les nuits. En quelques secondes, elle apporte ses précieuses calories et ses kilowatts au micro-grid flottant, avec la régularité d’un métronome.

Ralentir à la vitesse du soleil 

La dernière partie jusqu’à Fort-de-France a été un peu atypique, avec certes des alizés réguliers, mais des contraintes inédites dues au coronavirus. Risquant d’être confinés à l’arrivée si la traversée avait duré moins de 14 jours depuis le Cap Vert, bien que l’équipage n’ait pu y débarquer, le capitaine a réduit la vitesse en fin de parcours en l’équilibrant sur la production solaire seule. Cette dernière atteignait souvent les 20 kW en instantané, notamment grâce aux dernières générations de panneaux solaires verticaux développés avec Solbian. Au-delà d’environ 18 nœuds de vent portant, la poussée complémentaire des hélices devient moins rentable. De nouvelles lois de pilotage ont été codées pendant cette traversée. Par exemple, lorsque les capteurs ne détectent plus de couple suffisant sur l’arbre de transmission, celui-ci est bloqué et les pales d’hélices se mettent alors automatiquement en drapeau pour limiter la traînée. Il est aussi possible à ce stade d’inverser le sens des pales pour produire de l’électricité par hydrogénération, ce qui a été testé durant ces périodes de vitesse, mais au prix d’un ralentissement évident qu’il convient d’équilibrer.

Une traversée en totale autonomie, sans compromis sur le confort ni la sécurité

Ces performances énergétiques ont permis à l’équipage de vivre sereinement cette traversée pourtant atypique. Parti avant le confinement, l’équipage n’a aperçu que de très rares navires, à part un cargo et le rameur Stéphane Brogniart, aucune voile à l’horizon jusqu’au quai antillais. Tous les ports étant fermés, impossible de se ravitailler en carburant, en eau ou en vivres. Or la plupart des voiliers ou yachts modernes qui traversent l’Atlantique, malgré l’usage fréquent de petites éoliennes ou panneaux solaires, ont besoin de gasoil pour équilibrer leur besoin énergétique. Avec ses multiples écrans tactiles, ses automates et ordinateurs, les milliers de capteurs qui envoient les données du système par satellite toutes les 10 minutes, ses trois gros réfrigérateurs et chambres négatives, sa machine à pain et ses multiples robots (SMEG fait tester toutes ses gammes à bord…), sa cuisine 100 % électrique, et tous les équipements d’un grand navire, Energy Observer a toujours été en surplus d’énergie, dans un confort inhabituel.

Cette traversée a donc validé les inédites capacités de performance et de fiabilité de ce mini-réseau énergétique autonome. De quoi envisager sereinement des semaines d’exploration dans les plus reculés sites de biodiversité, de la forêt amazonienne aux Galapagos, alors même que toute escale est souvent prohibée et la plupart des bateaux cloués à quai. Confinés en mer, en toute autonomie grâce au vent, au soleil… et aux caractéristiques de la molécule la plus répandue dans l’univers : l’hydrogène.

 

 

 

 

 

 

 

 

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