Le cabinet de conseil en management Colombus Consulting publie les résultats de la quatrième édition de son étude consacrée à la santé financière des producteurs d’électricité européens, alors que les États européens se sont engagés à porter, d’ici 2030, la part du renouvelable à au moins 32 % de la consommation finale d’énergie de l’UE.
La production et la consommation d’électricité européenne se stabilisent
« La capacité de production stagne, sous l’influence d’une neutralisation entre l’énergie thermique et renouvelable, observe Imad Boukrit, consultant chez Colombus Consulting. La consommation se stabilise grâce à l’efficacité énergétique, la tertiarisation de l’économie et la réduction des écarts économiques entre les pays européens ». La consommation d’électricité se stabilise (3042 TWh en 2018 contre 3051 TWh en 2017). Cette tendance s’explique par la progression de l’efficacité énergétique et la baisse de la demande d’électricité de l’industrie européenne (-2 %). Cependant, de fortes disparités sont observables entre les pays. A l’Ouest, la consommation se stabilise ou diminue (-1 % entre 2016 et 2018) tandis qu’à l’Est, elle continue de progresser (+4 % sur la même période). En effet la croissance, portée par l’industrie, est plus importante à  l’Est, forte consommatrice d’électricité. De plus, de nombreuses usines sont délocalisées de l’Ouest vers l’Est, ce qui amplifie le phénomène.
Coup de frein sur la croissance des énergies vertes
Après deux décennies de constante progression, la capacité installée d’EnR est en léger recul, entre 2017 et 2018, sur le panel d’entreprises européennes étudiées : -2 % (hors hydraulique). L’acceptabilité locale est le principal frein du développement de l’éolien terrestre. 70 % des projets en France font l’objet de recours, sur la base des nuisances présumées d’un parc
(nuisances sonores, impact visuel, crainte d’une dépréciation de l’immobilier) ou des dégradations engendrées lors de la construction. Parmi les énergies renouvelables, le tassement de la croissance est également fortement lié au ralentissement de celle de l’hydroélectricité. Les barrages hydrauliques dominent encore le secteur avec près de la moitié des capacités renouvelables à travers le monde. En Europe, le potentiel hydraulique est presque intégralement exploité (hors petite hydraulique) et le financement de gros projets est de plus en plus complexe.
Cette croissance devrait être portée  par l’énergie solaire avec une augmentation estimée à 17 %. Le solaire « décentralisé » (les panneaux photovoltaïques positionnés sur les maisons, les usines ou les supermarchés, par opposition aux grosses centrales solaires) comptera pour moitié de la croissance attendue dans le solaire. Selon les prévisions de l’agence internationale de l’énergie (AIE), la  croissance du parc renouvelable mondial en 2020 pourrait retrouver son rythme de croisière dès 2020. Les prévisions indiquent une hausse potentielle de 12 % du parc mondial.
Face à une concurrence plus forte, les investissements reprennent
L’endettement financier net total des entreprises étudiées et leurs capacités de remboursement se dégradent sous l’impulsion d’une stratégie de réinvestissement visant à  développer les EnR et leurs infrastructures réseau.
Les dettes financières nettes de ces  sociétés atteignaient ainsi 229 milliards d’euros fin 2018, confirmant la tendance à  la hausse. Ce constat se traduit par une nette augmentation du ratio Dette Financière Nette/EBITDA, atteignant un niveau record de 2,7 (comparatif sur 5 ans).
La politique d’endettement réenclenchée en 2017 par les entreprises cibles n’impacte pas la confiance des investisseurs. Au contraire, le panel étudié connait une embellie se traduisant par un intérêt des investisseurs. La capitalisation boursière augmente fortement entre 2014 et 2019 (+17 % en moyenne). Pour faire face aux lourds investissements, notamment dans les EnR, les producteurs d’électricité se tournent vers les marchés financiers.
Les producteurs d’électricité investissent pour répondre aux enjeux du secteur de l’énergie
Le secteur énergétique connaît de profondes mutations et le niveau de dépenses d’investissement des principaux acteurs européens apparait assez hétérogène. Cependant, pour 70 % des entreprises du panel étudié, le ratio dépenses d’investissement/chiffre d’affaires est supérieur à 10 %. Le ratio moyen s’élève à 12,9 %. Globalement, les producteurs d’énergie vivent une période de transition dans leur mix énergétique et dans l’intégration du digital, permettant de proposer des offres ciblées, mais aussi de repenser  les process pour améliorer l’efficacité opérationnelle. L’évolution concerne aussi leur modèle, avec l’accélération de l’ouverture à l’étranger.
Les EnR sont désormais intégrées dans la stratégie des producteurs sans exception : leur part dans le mix électrique européen a augmenté de plus de 150 % en 15 ans. Parmi les EnR, la baisse des prix des panneaux solaires de 90 % sur les 10 dernières années rend de nombreux projets attractifs. Néanmoins, la transition est progressive et les énergies traditionnelles perdurent.
Toujours plus de renouvelable et une volonté de se différencier
Plusieurs offres, couplées à l’intégration des EnR, suscitent de larges investissements dans le réseau (smart grids, compteurs intelligents…) :
• Mobilité : création de plateformes digitales facilitant l’utilisation du réseau de bornes, installation de stations de charge chez les concessionnaires…
• Développement d’offres sur mesure et approche partenariale vis-à -vis des grands industriels ou des municipalités.
• Nouveautés à destination du grand public : offres vertes, offres 100 % en ligne, plateformes de services.
Le montant des dépenses d’investissement externe des entreprises du panel étudié est un des plus élevé depuis les 5 dernières années. Les investissements externes de trois acteurs se démarquent :
• Fortum avec le rachat de 47 % des parts d’Uniper pour 3,7 milliards d’euros et la volonté de continuer à monter au capital de l’ancienne filiale d’E.ON.
• Enel et Engie avec chacun environ 1,5 milliard d’euros d’investissements réalisés.
L’énergéticien français cible en particulier ses investissements sur l’Amérique du Nord et les activités renouvelables. « Les nouvelles offres et services des producteurs d’électricité, plus innovantes grâce aux nouvelles technologies, révèlent davantage de valeur ajoutée pour les clients », constate Pierre Bouland, consultant chez Colombus Consulting. Les stratégies d’investissements externes des producteurs d’électricité leur permettent de tirer leur épingle du jeu ».
Encadré
Le résumé en quelques chiffres
• La faible augmentation des capacités de production d’électricité en Europe se confirme (+1 % entre 2017 et 2018)
• Depuis 3 ans, la croissance du parc d’énergie renouvelable (+12 %) compense la baisse du parc thermique fossile (-5 %)
• Depuis 2016, les principales ouvertures de capacité de production ont concerné le renouvelable : les parcs éolien et solaire ont connu une croissance de 16 %
• En 2018, les producteurs européens affichent des performances en demi-teinte