La Cour des Comptes a analysé la politique de soutien au développement des énergies renouvelables. Accusant du retard dans la réalisation des objectifs très ambitieux qu’elle s’est fixés, la France a peu fait profiter son tissu industriel du déploiement des énergies renouvelables. Les moyens financiers mobilisés par l’Etat – principalement au bénéfice des énergies renouvelables électriques – sont pourtant conséquents (5,3 Md€ en 2016), croissants et déséquilibrés entre les différentes filières de production.
Le Parlement est également insuffisamment associé à la définition des objectifs de cette politique publique et des charges budgétaires qu’elle génère. L’actualisation de la programmation pluriannuelle de l’énergie en 2018 doit permettre l’émergence d’une stratégie énergétique plus concertée et cohérente. Celle-ci doit préalablement reposer sur le calcul et la mise en évidence du coût complet du mix énergétique envisagé et des soutiens qu’il induirait. La Cour propose deux orientations et formule six recommandations à cet effet (voir encadré).
Un cadre de gouvernance repensé
Parmi les principes qui doivent guider la programmation énergétique, la Cour met en avant la nécessaire transparence des coûts et des prix de production (et donc des rentabilités associées au développement des projets), celle des volumes de soutien mobilisés pour développer certaines filières, l’explicitation des critères d’arbitrage entre filières à partir de cette connaissance, la mise en cohérence des arbitrages réalisés entre les différentes filières (notamment entre la filière nucléaire et les filières EnR électriques) et la clarification des ambitions industrielles. Les principes qui doivent guider la mise en œuvre des dispositifs permettant la traduction concrète de la programmation, reposent quant à eux sur la lisibilité et l’adéquation des moyens aux objectifs fixés (dont l’exemple du fonds chaleur illustre l’intérêt), l’adaptation des dispositifs aux meilleurs pratiques en termes de maîtrise des volumes de subvention accordés, etc. Ces principes ne pourront être pleinement appliqués sans un cadre de gouvernance repensé.
Le Parlement doit être mieux associé à la définition des objectifs de développement des énergies renouvelables (EnR) et des volumes financiers de soutien aux EnR. La définition de la programmation énergétique ne peut se faire que dans un cadre interministériel renforcé, sous l’égide du Premier ministre, apportant ainsi la légitimité nécessaire à la prise de décisions stratégiques et garantissant l’alignement des ministères dans leur mise en œuvre. Ce cadre renouvelé permettra également de mieux asseoir les critères de succès de la politique conduite et de clarifier les ambitions associées à sa mise en œuvre.
Encadré
Orientations et recommandations de la Cour des Comptes
La Cour propose les orientations suivantes :
1. à l’occasion de la révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) de 2018 : – définir une stratégie énergétique cohérente entre les objectifs de production d’énergies renouvelables (EnR) électriques et l’objectif de réduction de la part de l’énergie nucléaire dans le mix ; – clarifier les objectifs industriels français associés au développement futur des EnR.
2. mieux associer le Parlement à la définition des objectifs de développement des EnR et des volumes financiers de soutien aux EnR.
La Cour formule en outre les recommandations suivantes :
1. publier le calcul des coûts de production et des prix, actuels et prévisionnels, de l’ensemble du mix énergétique programmé dans la PPE, et l’utiliser pour contenir le volume des soutiens publics associés aux objectifs de la politique énergétique, à court, moyen et long termes ;
2. respecter la trajectoire d’augmentation de la composante carbone des taxes intérieures de consommation énergétiques telle que définie par la loi de finances initiale (LFI) pour 2018 jusqu’en 2022 et, au-delà , fixer cette trajectoire en cohérence avec les objectifs de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) en matière d’énergies renouvelables et de récupération thermique ;
3. accroître les moyens du fonds chaleur pour atteindre les objectifs de développement fixés aux EnR thermiques ;
4. améliorer l’efficience des mécanismes de soutien aux EnR électriques, notamment : – en faisant évoluer les procédures d’appels d’offres et d’autorisation administrative pour accélérer le déploiement des projets ; – en étendant les appels d’offres pour l’attribution d’aide à la production d’électricité d’origine éolienne aux installations de plus de 6 MW ; – en fixant des plafonds de prix pour les projets dans les filières non matures.
5. créer, à l’image du Conseil d’orientation des retraites (COR) et en remplacement d’autres instances existantes, un comité chargé d’éclairer les choix gouvernementaux relatifs à l’avenir de la politique de l’énergie ;
6. mettre en place une instance de pilotage interministériel de la politique énergétique placée auprès du Premier ministre.
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