Après l’effroi, la stupeur et l’émotion collectifs, la question de la reconstruction de Notre Dame de Paris est sur toutes les lèvres, avec en toile de fond l’éternelle querelle des anciens et des modernes.
Notre Dame n’en est pas à sa première révolution. Sa force est justement de traverser les âges pour « raconter toute l’histoire de France »[1] et pas seulement l’histoire de sa genèse. N’oublions pas qu’Eugène Viollet-le-Duc, architecte de la rénovation de la Belle au 19e siècle, fut décrié en son temps. Il est pourtant l’auteur de cette flèche devenue « immortelle » grâce aux mots de Charles Péguy.
Notre Dame doit témoigner de notre époque, qui est l’histoire de demain. La question est donc : quel message sur notre présent voulons-nous transmettre à nos descendants ? Quel « progrès doit triompher » ? La réponse me paraît évidente. Ces derniers mois, sous l’impulsion de figures telles que Greta Thunberg, la jeunesse s’est levée de par l’Europe et le monde pour agir pour le climat. Notre Dame de Paris, appuyée sur ses Piliers de la Terre, peut servir cette cause vitale et en devenir un symbole universel. Notre Dame est déjà le centre de Paris et de la France, son parvis accueillant le kilomètre 0 de nos routes. Désormais, elle pourrait être le kilowatt 0 du réseau d’énergies renouvelables national.
En juin 2018, le Gouvernement a annoncé un vaste Plan intitulé « Place au Soleil », qui prévoit notamment de soutenir une dizaine d’opérations exemplaires en termes d’intégration, de tuiles et autres innovations photovoltaïques françaises, au sein du patrimoine architectural national. C’est en restaurant Notre Dame comme un « bâtiment à énergie positive », en lui substituant son toit de plomb pour un toit solaire tout en respectant sa silhouette, que nous restaurerons son âme.
On peut lire ça et là que beaucoup est fait pour Notre Dame et très peu pour « les Misérables », c’est-à -dire pour les plus vulnérables de notre société. Là encore, solariser Notre Dame pourrait faire sens et faire rimer solaire avec solidaire. A proximité de Notre Dame, on trouve l’hôpital « Hôtel Dieu » et à quelques encablures, des immeubles résidentiels à vocation sociale. Pourquoi ne pas imaginer que les tuiles solaires de Notre Dame couvrent en électricité verte les besoins énergétiques de cet hôpital et des logements des publics parisiens modestes ? Le droit le permet. C’est le principe de l’autoconsommation collective.
Un nouveau temps des cathédrales est venu. Notre Dame trace la voie. Notre Dame est un embrassement, Notre Dame prend le profane et le sacré. Non, « ceci (des panneaux solaires) ne tuera pas cela (l’esprit de communion de Notre Dame) »[2].
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[1] « Si les piliers de Notre Dame avaient une voix, ils raconteraient toute l’histoire de France », E. Viollet-le-Duc
² Claude Frollo dans Notre Dame de Paris de Victor Hugo