Les entreprises françaises Voltec Solar en Alsace et Recom-Sillia en Bretagne investissent plusieurs millions d’euros dans leur outil de production d’encapsulation de cellules photovoltaïques pour répondre essentiellement à la demande française soutenue par les appels d’offre CRE. Prouvant par la même que le monopole des modules chinois n’est pas une fatalité !
L’industrie française du solaire photovoltaïque reprend des couleurs. Un vent d’optimisme souffle enfin sur les acteurs de la filière. C’est en tous les cas une réalité pour le breton Recom-Sillia et l’alsacien Voltec Solar. Limités dans leur capacité à produire des volumes substantiels aptes à rassurer et fidéliser les développeurs dans le cadre des AO CRE, ces industriels n’hésitent pas aujourd’hui à se lancer dans de nouveaux investissements pour étoffer leur outil de production.
De 50 à 300 MW de capacité de production
Fin octobre et début novembre, à Lannion en Bretagne, l’usine Sillia a connu quelques jours de chômage technique. Pour la bonne cause ! Après sa reprise l’an dernier par le groupe allemand Recom de Dusseldorf (250 salariés), l’entreprise connaît un second souffle. Elle a ouvert son toit, au sens figuré comme au sens propre, pour faire entrer via une grue deux nouveaux laminateurs de 40 tonnes chacun dans la salle des machines. Une opération d’envergure ! Une refonte totale de la configuration de l’usine de 4 000 m² a également été nécessaire pour accueillir ces nouveaux équipements et d’autres encore. Objectif : passer d’une production de 50 à 300 mégawatts par an pour atteindre le rythme de production d’un panneau toutes les trente secondes soit 15 000 par semaine. De quoi devenir le premier site français de production en la matière. Cette montée en puissance s’accompagnera à terme de 20 à 30 embauches. Recom-Sillia déploie également dans le même temps une usine en Arménie de 700 MW de capacité, ce qui porte le potentiel global à 1 GW sur le sol « européen ». « On change de braquet. Nous arrivions à la fin d’une génération de panneaux » assure Nicolas Proux, directeur du site lannionnais.
Diviser les charges fixes
« Avec ces investissement, nous enclenchons un nouveau cercle vertueux en divisant les charges fixes sur fond d’économies d’échelle. Nous allons enfin pouvoir rivaliser face à nos concurrents asiatiques avec des prix corrects sous les 30 centimes d’euros le W. Autour d’une mission bien ancrée dans la philosophie de la société : démocratiser partout dans le monde le solaire photovoltaïque » souligne Sarah Bellal en charge du développement commercial. A ce titre, l’usine de Lannion va largement profiter de la force de frappe du groupe Recom présent à l’international dans plus de 70 pays. Mais l’investissement a aussi du sens pour alimenter le marché français en passe de retrouver des volumes attrayants et une certaine stabilité grâce au mécanisme des appels d’offres. « Les appels d’offres, c’est un peu à double tranchant. Ce sont des processus longs pas faciles à appréhender avec des livraisons parfois deux ans après l’obtention d’un marché. Les AO sont assez spéculatifs et sont aussi susceptibles de freiner certains acteurs. D’un autre côté, ils nous donnent du temps à nous fabricants pour sécuriser les volumes et les approvisionnements en matières premières et planifier correctement les livraisons avec des prises de commandes déjà concrètes sur 2019 et une bonne visibilité sur 2020. Aujourd’hui, nous sommes en 3X8 et nous comptons passés en 5X8, c’est-à -dire 24 heures sur 24, y compris les week-ends, pour pousser le curseur le plus loin » poursuit Sarah Bellal qui n’oublie pas, sur ce marché hexagonal, l’apport incontestable de la notion d’empreinte carbone favorable aux industriels du made in France. « Il s’agit d’un travail fastidieux et chronophage mais nous procure un petit avantage appréciable. Pour les mois qui viennent, nous visons les 250 kg CO2/kW pour être plus performants encore» indique la commerciale qui se dit optimiste pour le marché tricolore notamment avec la percée de l’autoconsommation qui commence à grignoter des parts de marché.
Voltec Solar : trente embauches à venir
Cet optimisme est partagé par Pierre Cantrelle, le PDG de Voltec Solar installé à Dinsheim-sur-Bruche en Alsace. Depuis quelques mois, et sous l’effet d’un développement dynamique du marché du solaire, il mûrit l’opportunité de doper la capacité de production de son usine d’encapsulation de modules photovoltaïques. Cette ambition a, un temps, été contrariée par la disparition au mois de septembre dernier des fameux prix-planchers, les MIP (Minimum Import Prices) qui a renforcé, s’il le fallait encore davantage, la concurrence tarifaire des acteurs asiatiques. Mais Pierre Cantrelle nanti d’un esprit d’entrepreneur industriel bien dans la fibre familiale ne s’en est pas laissé compter. « Notre objectif est de pouvoir répondre de manière plus courante sur des projets plus importants en volume pour des centrales au sol de 30 ou 50 MW. Force est de constater qu’avec notre capacité actuelle de 70 MW, ces marchés nous sont difficilement accessibles surtout que nous sommes très attachés à conserver nos clients de longue date. Le fait de plus que doubler notre capacité, et de passer à 200 MW, va nous ouvrir de nouvelles opportunités et va aussi nous permettre de tenir nos engagements sur ces grandes centrales tout en gardant de la souplesse pour les projets plus modestes. Nous allons être plus opérationnels d’autant que nos carnets de commandes sont bien remplir jusqu’au premier 2019 et des projets sont en cours pour mi-2019. Aujourd’hui, nous tournons à pleine charge. Nous sommes en 3X8 et allons commencer à travailler le week-end » confirme le PDG de Voltec Solar. Pour l’heure, Pierre Cantrelle est en recherche de partenaires industriels équipementiers européens pour mettre en place les solutions les plus performantes et les plus fiables. « Nous avons désormais plus de huit d’années d’expérience dans le solaire qui nous permettent d’être plus précis dans nos choix. Nous questionnons actuellement des industriels européens, dans une logique environnementale mais aussi pour le degré de services induit, pour une livraison des machines en juin 2019. Cette surcapacité va faire que nous allons doubler les équipes, avec trente embauches à la clé » ajoute Pierre Cantrelle.
Des écarts de prix marginaux
Voltec Solar travaille sur le concept d’usine 4.0, une usine du futur attentive à ses choix de robotisation pour fabriquer des modules de qualité et de haute puissance, autour d’échanges de bonnes pratiques, d’une ingénierie des achats très pointue. En ligne de mire : la compétitivité pour des diminutions de prix drastiques et d’une optimisation de la Supply Chain. « Aujourd’hui, les tarifs sont tellement bas que les écarts de prix marginaux deviennent moins préjudiciables à notre activité. L’offre française a son mot à dire avec sa qualité de services et ses services commerciaux installés en France. Notre garantie 20 ans sur produits et 25 ans sur rendement représentent des assurances pour les investisseurs. Et puis en France, les appels d’offres nous aident notamment avec cette notion environnementale vertueuse d’empreinte carbone qui favorise le made in France. Je suis d’ailleurs ravi de voir les investissements chez Recom-Sillia, qui en plus des nôtres, vont redonner du poids à l’ensemble de la filière industrielle française » se réjouit Pierre Cantrelle qui se tient également prêt à participer à l’aventure de la reconversion de Fessenheim, dans l’attente du futur appel d’offres solaire. Des panneaux issus du territoire pour une transition énergétique verte de l’Alsace ! Le PDG passionné suit également avec intérêt le développement de l’autoconsommation, pour le particulier comme en collectif. « L’ensemble des bâtiments de la holding de la famille Strub qui possède donc Voltec Solar ont tous été équipés de centrales solaires en autoconsommation, et depuis des années déjà . Nous y compensons le talon avec la partie solaire. Et chaque extension programmée ne s’envisage pas sans un apport solaire. Pour le collectif, nous sommes en attente de validations administratives mais c’est le sens de l’histoire. Qui plus est, avec l’autoconsommation, nous nous rendons compte du fait que la notion de fabrication française apporte quelque chose de plus. Cette démarche citoyenne est plus parlante que la revente au réseau, elle encline davantage les consom’acteurs à acheter via des circuits courts. C’est philosophiquement intéressant à constater » précise Pierre Cantrelle. Des panneaux français pour une production locale d’électricité, quoi de plus naturel en somme