Le printemps 2016 sera à marquer d’une pierre blanche pour l’autoconsommation photovoltaïque. Si la mise en place de la Convention d’Autoconsommation (CAC) sans injection de surplus, au mois de mars dernier, avait douché les plus légitimes espérances, les dernières nouvelles émanant d’Enedis, ex ERDF et du ministère, ont redonné du baume au cÅ“ur aux tenants de l’autoconsommation. Petit à petit, un cadre réglementaire semble se dessiner. Récit et analyse des évolutions de ces dernières semaines cruciales pour l’avenir de l’autoconsommation photovoltaïque en France.
Un signe ne trompe pas. Le mercredi 25 mai dernier, l’amphithéâtre (300 places) du Jardin d’Acclimatation à Neuilly était littéralement bondé. Le Syndicat Enerplan organisait le premier colloque national dédié à l’autoconsommation photovoltaïque. La ministre Ségolène Royal l’avait même pointé sur son agenda mais la situation de blocage des raffineries et de la centrale nucléaire de Nogent l’a malheureusement contrainte à annuler son déplacement auprès des professionnels du solaire. C’est dire l’importance de ce rendez-vous, dont on a bien senti qu’il y aurait un avant et un après pour l’autoconsommation photovoltaïque. Il aurait fallu plus de deux amphithéâtres comme celui du Jardin d’Acclimatation pour satisfaire l’ensemble des demandes. Il y a bien longtemps que l’énergie solaire photovoltaïque n’avait suscité un tel engouement. Pourtant l’autoconsommation photovoltaïque en soi n’est pas une tendance nouvelle. En Allemagne, elle occupe désormais plus de 80% du marché, avec, il est vrai, un kWh à 30 centimes d’euro. En France, elle commence à se diffuser dans le résidentiel mais aussi peu à peu sur des bâtiments de collectivités, des grandes surfaces ou des immeubles du secteur tertiaire via parfois d’ailleurs les contributions des appels à projets régionaux. Mais alors pourquoi cet intérêt soudain ? Tout simplement parce que la transition énergétique s’accélère, que les gains de compétitivité de l’électricité solaire produite et consommée sur site, face à l’inflation attendue du prix de l’électricité distribuée sont réels que le cadre réglementaire évolue plutôt favorablement avec l’ordonnance dédiée à l’autoconsommation en préparation et surtout que le grand public est particulièrement sensible à l’autoconsommation avec, selon un sondage Opinion Way, 47% des sondés qui seraient prêts à investir dans une installation d’électricité solaire en autoconsommation. Dans un alignement parfait des planètes
Une CAC controversée
Et pourtant, ce bel ordonnancement planétaire ne semblait pas encore tomber sous le sens il y a quelques semaines à peine. La nouvelle Convention d’AutoConsommation (CAC) réputée « totale », en dessous de 36 kVA, a en effet été publiée par ERDF le 24 mars. Elle interdit par principe l’injection sur le réseau d’électrons solaires non consommés. De quoi mettre en émois associations, groupements et syndicats qui défendent la cause des producteurs qui ont de suite demandé à ERDF de surseoir à cette CAC. « ERDF ne peut d’un côté interdire l’injection du surplus avec la CAC et de l’autre côté proposer l’injection du surplus à des conditions économiques rédhibitoires pour une faible production » s’insurgeait alors Richard Loyen, délégué général du syndicat Enerplan. Du point de vue des professionnels de l’énergie solaire, l’adaptation du cadre contractuel ne peut évoluer de façon progressive. Elle doit en même temps traiter la consommation réputée totale et la facilitation de l’injection du surplus. Cette absence de simultanéité contrarie la régulation efficace du marché de l’autoconsommation PV en pleine émergence en France. Alors certes, avec Linky le raccordement en injection du surplus accède à la gratuité. Reste que les autoconsommateurs qui ne peuvent en bénéficier devaient s’acquitter jusqu’à 1200 € pour être raccordés. « Il nous a semblé que cette différence de traitement des autoconsommateurs par ERDF pour le même usage du réseau public de distribution d’électricité, pouvait constituer une rupture d’égalité devant le service public. L’égalité de traitement des autoconsommateurs est une préoccupation importante, à laquelle ERDF devait apporter une réponse concrète rapidement » souligne Richard Loyen.
L’action d’Enerplan a permis d’infléchir la position d’ERDF sur l’injection de surplus
Et qu’est-il arrivé ? La démarche juridique engagée par le syndicat Enerplan vis-à -vis d’ERDF sur la problématique de raccordement en injection de surplus, a été couronnée de succès. « Notre rappel à la loi aura été très pertinent et efficace. ERDF respectera désormais le code de l’énergie » se réjouit Richard Loyen, le délégué général d’Enerplan. Les annonces ont été faites par ERDF lors du Comité de Concertation des Producteurs du 12 mai dernier et réaffirmées par Hervé Lextrait, chef du Département Producteurs d’ERDF, lors du colloque national d’Enerplan. « Après concertation avec la CRE, ERDF s’est engagé à faire bénéficier les clients des avancées technologiques de Linky, au plus tôt mais aussi à instruire la faisabilité d’un contrat GRD-Fournisseur donnant, si le client le souhaite, l’accès au réseau en soutirage et en injection, pour que l’accès au réseau en injection puisse être porté par le « contrat unique » du fournisseur » confie Hervé Lextrait. Concrètement, ERDF va donc accélérer son déploiement de Linky en injection de surplus d’un an, (1er janvier 2017 contre 2018), mais surtout ERDF va faire évoluer son barème tarifaire de raccordement en injection de surplus et en vente totale pour début octobre 2016, sous réserve de la validation de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) s’entend. Cette évolution, valable avec ou sans Linky sera mise en Å“uvre de façon effective. Avec des répercussions très positives. Le coût de raccordement en injection de surplus deviendra gratuit dans 80% des cas. Pour 20% de producteurs, il ne restera à leur charge que le coût du dispositif de sectionnement. In fine, cela représentera une baisse du coût de raccordement de plus de 600 € pour les petits producteurs.
Le gouvernement ouvre la porte aux installations solaires en autoconsommation avec injection du surplus dans les réseaux locaux
Autant de dispositions qui vont dans le bons sens mais qui n’ont pas empêché Didier Lafaille, chef du département technique et direction des réseaux de la CRE, de poser les bonnes questions lors du colloque national. « L’autoconsommation, cela fait dix ans qu’on en parle. Mais qu’a-t-on fait vraiment ? De vraies interrogations subsistent. Comment les barèmes de raccordement doivent-ils évoluer ? L’auto-producteur s’acquitte de deux composantes de gestion (TURPE) pour ses deux contrats d’accès au réseau, est-ce pertinent ? Quels dispositifs pertinents de soutien financier pour favoriser l’auto-production vis-à -vis de l’injection totale ? Comment la tarification de l’accès aux réseaux publics doit-elle évoluer pour mettre en place ces nouveaux modes de consommation et de production au sein même des colonnes montantes et des quartiers, demandés par les utilisateurs, sans que de multiples réseaux privés de grande ampleur se développent ? Il est là le nÅ“ud du problème» souligne Didier Lafaille. Comme en échos, un début de réponse est venu lors de la première journée du SMART ENERGIES SUMMIT PARIS 2016 qui s’est déroulé à Paris le 31 mai dernier. Olivier David, sous-directeur du système électrique et des énergies renouvelables à la DGEC, s’est ainsi fendu d’une annonce sur une future ordonnance de la Loi de Transition énergétique qui devrait être publiée cet été. Celle-ci traitera entre autre-autre du prix du « péage » que devront s’acquitter les électrons produits par des installations solaires domestiques qui souhaitent emprunter le réseau basse tension après le poste HTA. Pour le marché résidentiel, il est en effet prévu la dérogation, pour les installations de petites tailles en autoconsommation avec injection du surplus, à l’obligation d’être rattachée à un périmètre d’équilibre. Le surplus de production pourra être affecté aux pertes réseau sans frais afin de faciliter la réalisation des projets. Pour le marché dit « collectif », il est prévu une obligation pour le gestionnaire de réseau de faciliter les opérations d’autoconsommation collective au regard de son monopole de distribution. Selon Olivier David, lorsque l’électricité solaire empruntera le réseau interne d’un ensemble de logement (colonne montante), le prix devrait être très bas. Il sera appliqué une sorte de « microTURPE » (TURPE : Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité). De même lorsqu’il s’agit de faire circuler de l’électricité sur une boucle locale en basse tension, le tarif devrait être également réduit. C’est la Commission de régulation de l’Electricité qui sera chargée de fixer les prix. De nouvelles dispositions qui vont dans le sens d’un bon alignement des planètes des systèmes solaires en autoconsommation ! A condition que de nouvelles turbulences interstellaires ne viennent pas perturber la donne, sous peine d’une nouvelle éclipsesolaire.
Encadré
L’autoconsommation déjà une réalité pour un supermarché Leclerc d’Aquitaine
Alain Lafforgue, PDG du Leclerc de Langon, est ce que l’on peut appeler un pionnier de l’autoconsommation. Son expérience s’intègre dans un cheminement régulier de montée en puissance du photovoltaïque au sein de son établissement. Il a d’abord commencé par installer des centrales sur les toitures de ces bâtiments anciens et nouveaux en raccordé réseau avec tarif d’achat. Quand l’affaire est devenue moins rentable, il s’est penché avec ses partenaires « solaires » Stratégies ENR et l’entreprise Enelia sur le sujet de l’autoconsommation, idéale pour un hypermarché qui a des besoins d’énergie 24h/24, 7 jours sur 7. La greffe a pris quand on sait que le budget énergie représente 20% des frais généraux du site. « L’autoconsommation permet de sécuriser une part de la consommation électrique du site à un prix fixe sur le long terme alors que le coût de l’électricité a déjà connu forte croissance depuis 2009 (+5% par an). L’autoconsommation, c’est aussi un mix entre image, confort client – voiture protégée du soleil à l’ombre des ombrières – et économies engendrées. Reste que pour envisager un tel investissement (850 000 euros) pour un temps de retour sur 12 ans, mieux vaut avoir les reins solides et l’appui des banques sur un site pérenne » confirme Alain Lafforgue qui a pu profiter d’une aide de 20% de la Région dans le cadre d’un appel à projet régional. L’installation s’étend sur 3 500m² et produit environ 470 MWh/an. Le taux d’autoconsommation s’élève à 97% pour une économie énergétique autour de 12%. Côté bilan carbone, cela représente 22 tonnes de CO2 économisées par an. Alain Lafforgue a fait des émules autour de lui et plusieurs franchisés Leclerc sont en train de réaliser des installations en autoconsommations. On reconnaît les bonnes idées à leur faculté à se dupliquer !