Mine de rien, Neoen, créé en 2008, est aujourd’hui le troisième acteur français du renouvelable derrière EDF et GDF. Avec 540 MW en opération ou en construction, le groupe français poursuit son développement interne notamment à l’export et externe avec le rachat de Juwi ENR. Portrait d’un acteur majeur du solaire français qui a des choses à dire et qui le dit !
Neoen, Nouvelles Energies ou Energies Nouvelles, quelque soit le bout par lequel on le prenne, le palindrome acronyme Neoen ne se détourne pas de son sens premier. En quelques années, la société est ainsi devenue une référence dans le domaine des renouvelables en France. Le business model de la société est simple : elle développe des projets pour son propre compte, les construit, les exploite et avec le cash flow généré elle poursuit son développement en réalisant de nouveaux projets. Neoen est bien un producteur d’électricité et non un simple promoteur. En ce début d’année 2015, Neoen a dopé son portefeuille d’une autre manière, en faisant appel à de la croissance externe avec le rachat de Juwi ENR filiale française du groupe allemand Juwi AG. Quelques dizaines de MW sont donc venus enrichir le parc renouvelable (solaire, éolien, biomasse) de Neoen qui atteint désormais les 540 MW en opération et en construction. Objectif : le GW en 2017 avec 60% de cette capacité installée en France, le reste à l’international. Une perspective abordée sereinement par la direction dans un contexte pourtant tendu pour les renouvelables !
« Nous regrettons que le T5 ne soit pas juste un peu plus élevé à 90 euros le MWh »
Pour faire face aux politiques gouvernementales erratiques sur fond de stop & go, la direction de Neoen a adopté une double stratégie. « Pour poursuivre notre développement, nous avons opté pour une activité multi-énergie, autour d’une complémentarité entre le solaire, l’éolien et la biomasse. Cela nous permet d’éviter les trous dans nos plannings. Par ailleurs, nous disposons d’une assise financière qui nous permet également de supporter les cycles et être plus compétitifs. Le choix de ce binôme industriel et financier permet de constituer un cercle vertueux dans notre business » admet Xavier Barbaro, PDG de Neoen. En matière de solaire photovoltaïque et malgré l’atonie générale, Neoen demeure toutefois très actif en France notamment avec la réalisation du plus grand parc au sol en Europe à Cestas en Gironde : 300 MW dont 40% détenus en propre soit 120 MW. L’investissement total se monte à 360 millions d’euros. Neoen maîtrise l’ensemble du foncier. La centrale devrait être définitivement raccordée en octobre 2015 « Sur l’opération de Cestas, nous sommes sous le régime du tarif T5 à 105 euros le MWh. Nous nous situons dans la logique de l’électricité compétitive. Nous regrettons d’ailleurs que le niveau actuel du tarif T5 ne soit pas juste un peu plus élevé aux alentours des 90 euros du MWh. A ce tarif là et sans pour autant ouvrir les vannes, nous pourrions en développer dans le Sud de la France pour atteindre les objectifs européens. A 90 euros le MWh, il n’ya pas d’inquiétude à avoir sur les volumes et sur leur impact dans le calcul de la CSPE. Non, le solaire n’est pas cher » poursuit Xavier Barbaro.
Réguler les volumes via les permis de construire ou les schémas régionaux
Il semble pourtant que cette peur des files d’attente ou d’une nouvelle bulle hante encore les esprits dans les hautes sphères des ministères de l’écologie et encore davantage dans celles de Bercy garant du contrôle de la CSPE. « Nous le disons depuis longtemps. Pourquoi à tout prix vouloir protéger la CSPE par les tarifs et les appels d’offres ? Une centrale solaire n’existe pas sans permis de construire. Pourquoi alors ne pas réguler les volumes d’installation via les permis de construire ou même les schémas régionaux ? Les appels d’offres sont intéressants pour encourager des technologies innovantes. Nous aimons cette idée de centrales innovantes. Il est d’ailleurs possible d’évaluer l’efficacité des appels d’offres à travers l’exemple d’une société comme Exosun, à laquelle ils ont permis de mettre un pied à l’étrier sur les marchés internationaux. En revanche, les appels d’offres ne nous semblent pas pertinents pour réguler les volumes par pression sur les prix » insiste le PDG de Neoen. Cette pression sur les prix peut aussi avoir des effets pervers sur les chantiers avec la présence massive de travailleurs détachés. La préfecture de Gironde a d’ailleurs d’ores et déjà sévi sur un chantier de centrale solaire dans ce même département en fin d’année 2014. Pour la construction de ses centrales, Neoen travaille via des contrats clé en main signés avec des majors comme Bouygues ou Eiffage qui font appel une sous-traitance de qualité. « La confiance n’exclut cependant pas le contrôle avant, pendant et après. Nous avons un pouvoir de vérification, nous sommes très attentifs. Sur Cestas comme sur tous les chantiers Neoen, je peux vous assurer que la loi est parfaitement respectée. Notre modèle basé sur l’implication d’actionnaires sur le long terme se doit d’avoir une réputation irréprochable » confirme le chef d’entreprise qui admet que des travailleurs détachés se retrouvent fréquemment sur les chantiers des centrales solaires. « Nous sommes dans le cadre juridique européen. L’inverse est aussi vrai. Nous faisons par exemple travailler des Français de notre filiale Gensun sous le statut de travailleurs détachés au Portugal. C’est une question de compétences. En France, peu de gens maîtrisent par exemple la technique des pieux vissés par rapport aux pieux battus. Nous faisons ainsi appel à des travailleurs détachés qui maîtrisent ces nouvelles techniques, et c’est désormais aux équipes françaises de s’approprier ce savoir-faire » indique Xaxier Barbaro.
Pus de 50% de contenu français dans les projets solaires
En matière de solaire, l’autre débat qui soulève la polémique repose sur le contenu français des projets. Sur ce thème et pour Xavier Barbaro, il n’y a pas photo notamment par rapport à l’éolien. Sur un projet éolien, l’investissement dans les seules éoliennes d’origine étrangère représente près de 90% des sommes investies. « Dans le cas d’une centrale solaire, même avec des panneaux importés d’Asie, le contenu français dépasse souvent les 50%. Nous avons ainsi pour partenaire des groupes français comme Bouygues, Eiffage, Schneider Electric pour les onduleurs ou Exosun pour les trackers. C’est un fait, le solaire a bien su intégrer une large part française au sein des process industriels. Il faut cesser de se focaliser sur le panneau qui est devenu une simple commodité. A quoi sert-il de vouloir se battre contre des panneaux chinois qui fonctionnent très bien et pour lesquels nous négocions avec de très bons interlocuteurs ?» estime Xavier Barbaro. Neoen compte ainsi une douzaine de fournisseurs dont Yingli, Trina Solar, Canadian Solar, Sun Power ou First Solar, entre autres. Plus globalement et face au diktat des appels d’offres sur fond de bilan carbone et de droits de douanes contraignants, Xavier Barbaro plaide pour une plus grande liberté. « Il faut laisser la filière libre de ses choix et face à ses responsabilités. Au Salvador, nous développons une centrale au sol de 70 MW suite au gain d’un appel d’offre au tarif de 102 dollars le MWh et nous allons travailler, comme au Portugal, à donner une place importante à nos partenaires industriels français. Cela démontre que sur un marché ouvert un contenu industriel français peut aussi trouver sa place» ajoute le PDG de Neoen. Outre le Salvador et pour faire face aux politiques dirimantes hexagonales, Neoen a fait de l’international un axe fort de son développement. Le groupe est ainsi installé au Portugal où Gensun, lauréat d’un appel d’offre lusitanien a construit trois centrales. Depuis 2012, Neoen est également présent en Australie où les premiers résultats dans le solaire et l’éolien sont attendus en 2015. Depuis 2013, l’Egypte et le Mexique sont les deux nouveaux pays cible avec une activité en phase d’amorçage. Neoen compte ainsi cinq bureaux à l’étranger en plus de son siège en France. « L’énergie solaire est devenue très compétitive dans de très nombreux pays du monde. Elle est rapide à mettre en Å“uvre, sans impact environnemental et elle est en capacité de receler un contenu industriel français d’envergure. Nous avons de vrais champions mondiaux qui ont une grande culture de l’export et dont le solaire français doit tirer partie » conclut Xavier Barbaro. Un solaire français performant et compétitif, hélas de moins en moins prophète en son pays
Encadrés
Rachat de Juwi ENR : une belle complémentarité avec GenSun
Neoen et le groupe allemand Juwi AG ont annoncé en ce début d’année 2015 avoir signé à la fin du mois de décembre 2014 un accord concernant le rachat par Neoen de 100% du capital de la filiale française Juwi EnR, l’un des acteurs historiques du développement de l’éolien et du photovoltaïque en France. Ce rachat est désormais effectif depuis le 28 janvier. Xavier Barbaro, président de Neoen, a fait cette déclaration : le secteur des énergies renouvelables en France et en Europe entre dans une phase de consolidation. Neoen entend devenir l’un des principaux acteurs de cette consolidation ; et l’acquisition de Juwi EnR, l’un des pionniers du développement des énergies renouvelables en France, est une étape importante sur ce chemin. Cette opération va renforcer de manière importante la taille de notre portefeuille de projets, et va aussi permettre à notre filiale GenSun de devenir l’un des leaders français de la construction et de l’opération de centrales photovoltaïques en France. Il existe là une vraie convergence
www.neoen.fr
Qui sont les actionnaires de Neoen ?
Neoen est une SAS au capital de 81.249.138 euros qui bénéficie du soutien d’actionnaires reconnus et engagés dans le monde de l’énergie. Elle est notamment la propriété de Jacques Veyrat, ancien patron de Neuf Cegetel et ex président du groupe Louis Dreyfus. Ce dernier détient 58,6 % du capital de Neoen. C’est aussi l’actionnaire de référence de Direct Energie. Dédié à la prise de participations directes dans des sociétés non cotées, Omnes Capital ex CA Private Equity détient 25,5 % du capital de Neoen. Depuis 2014, Bpifrance détient 15,4% du capital de Neoen.
Quelques chiffres
Capacité France : 120 MW en opération (moitié éolien, moitié solaire), 330 MW en construction (essentiellement solaire)
Solaire international : 24 MW en opération, et plus de 70 MW supplémentaires à construire en 2015 (Salvador – Amérique Centrale).
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