Daniel Bour : « Pour un travail d'intelligence, de propositions et d'informations »

Jeudi 9 octobre, Daniel Bour, 58 ans, a été élu nouveau président du syndicat Enerplan des professionnels du solaire. Son objectif prioritaire : obtenir du volume et de la visibilité pour l’ensemble des domaines du solaire, le thermique, le solaire bâtiment et le solaire énergie. Le tout avec force, diplomatie, et intelligence assumées, alors que la situation de la filière qui se dégrade mois après mois ne nécessiterait-elle pas de montrer les crocs ? Explications.

Plein Soleil : Pour paraphraser Jacques Chirac, on pourrait dire qu’en matière de solaire en France, les PME ont l’impression que la maison brûle mais que les syndicats regardent ailleurs ! Vous êtes le nouveau président d’Enerplan. N’était-il pas temps de taper du poing sur la table pour faire enfin avancer les choses auprès du gouvernement qui semble, depuis des mois, faire la sourde oreille à toutes vos propositions ?
Daniel Bour : Vous pensez vraiment que nous avons les moyens de jouer les gros bras ? Ne soyons pas dupes, notre posture est très limitée. Chacun doit jouer avec ses forces. En tant que nouveau président d’Enerplan, j’ai avant tout, à l’instar de mon prédécesseur Thierry Mueth, le souci du pragmatisme et du réalisme. Nous devons faire appel au bon sens. Avant la contestation, nous devons avant tout être force d’intelligence, de propositions mais aussi d’informations des journalistes, du grand public. Nous subissons encore et toujours des problèmes de désinformations, de manipulations de lobbys puissants qui énoncent des contre vérités sur le solaire notamment sur le plan économique. D’aucuns évoquent encore un MWh solaire à 400 euros, alors que les derniers Appels d’Offre font ressortir un MWh solaire au sol à 100€ et sur toiture à 150€.

PS : Quels sont justement les axes à privilégier en matière de communication pour relancer la machine ?
DB : Les premières années du solaire (2007/2010) nous ont coûté cher en termes d’images. A nous de montrer que le solaire est désormais compétitif. Nous pouvons déjà nous appuyer sur le fait que les Français gardent un fort capital de sympathie pour cette énergie solaire. Ils la plébiscitent toujours. Autre élément positif, la loi sur la transition énergétique nous est à priori favorable. Elle est un allié objectif pour nos entreprises qui créent de l’emploi. A nous aussi de réaliser, un gros travail de propositions permanentes dans la cohérence et l’union avec le SER et la Fédération Française du Bâtiment entre autres.

PS : Justement sur la Loi sur la Transition Energétique qui vient d’être votée à l’Assemblée, un commentaire ?
DB : C’est une bonne nouvelle et c’est à mettre à l’actif de la Ministre. Cela doit donner un coup de fouet à l’ensemble des activités du solaire, thermique, PV bâtiment et PV énergie. La loi fixe un cadre qu’il faut remplir et notre principal travail sera d’être entendu dans les décrets d’application, et bien évidemment dans l’établissement de la PPE. Nous devons obtenir notamment qu’il y ait une déclinaison annuelle par filière des objectifs annuels de la PPE pour plus de visibilité et une cohérence entre ces objectifs et le volume des appels d’offre.

Une PPE à 2GW de solaire par an

PS : Que serait pour vous, une bonne PPE ?
DB : Pour le solaire PV, nous estimons que 2 GW par an représenteraient un volume satisfaisant. Vous savez le solaire est aujourd’hui la seule énergie mobilisable rapidement.

PS : Que dire des appels d’offre ? Ce sont de véritables arlésiennes ?
DB : Il est vrai que nous vivons un moment un peu spécial. La loi comme je le disais nous est à priori favorable mais de l’autre côté nous sommes un peu au bord du précipice. Nous vivons encore sur des appels d’offre anciens qui affichent, et c’est aussi un sujet d’inquiétude, des taux d’abandon importants. Actuellement, nous n’avons aucun appel d’offre connu en cours. Nous allons avoir des trous énormes dans notre activité en 2015 et 2016. Il nous est également impossible de travailler les moins de 100 kW à un tarif de 13 centimes d’euro le kWh. On le voit d’ailleurs aux demandes de PTF qui sont en chute libre au dernier trimestre.
PS : Vous plaidez d’ailleurs pour une augmentation de ce tarif. Quelle est votre proposition sur ce point ?
DB : Le gouvernement devrait aligner ce tarif des moins de 100 kW sur le tarif le plus haut des lauréats des appels d’offre 100-250 kWc. Là encore au nom d’une certaine cohérence !

Reprendre un coup d’avance avec la commission « nouvelles technologies »

PS : Pensez-vous que ce silence et cette absence de décision autour du solaire relèvent d’une volonté politique ?
DB : Je ne le crois pas, même si certains doivent s’en féliciter. Notre Ministre a déjà montré son attachement au solaire notamment dans sa région. Nous souffrons, comme toutes les entreprises françaises dont l’activité dépend du bon vouloir des pouvoirs publics. La notion du temps dans l’entreprise et particulièrement au sein de la PME n’est pas la même que celle de l’administration et du monde politique.
Culturellement, la politique énergétique a toujours été centralisée avec un seul acteur autour de très grands projets. La difficulté réside dans le fait que les énergies renouvelables sont a contrario décentralisées, autour de multiples acteurs, sur des petits projets. En d’autres termes, tout ne fonctionne pas que sur les vieux schémas des grandes idées macro-économiques et l’administration peine à s’y adapter.
La gestion des Appels d’Offre dans le PV en est un cruel exemple. L’incapacité des pouvoirs publics à lancer des appels d’offre régulièrement, et ce, contrairement à leurs engagements, met en péril toute une filière.

PS : Pour conclure, votre ambition pour Enerplan ?
DB : Poursuivre le travail déjà accompli et faire d’Enerplan une structure de rassemblement de tous les acteurs du solaire thermique, PV et hybride: installateurs, développeurs, bureaux d’études et fabricants. Chacun doit pouvoir s’y retrouver autour de combats communs. La loi sur la Transition Energétique et les nouvelles dispositions légales autour du bâtiment offrent cette opportunité. Quelque chose est en train de se passer. Personne n’a vu la révolution solaire arriver avec une telle force. Avec l’effondrement des prix, nous avons gagné quatre à cinq ans sur le développement attendu. Rendez-vous compte qu’en 2014, le monde installera plus de 40GW de solaire. La France est à la traîne sur la compréhension du phénomène. Essayons de reprendre la main. C’est le sens de la création de notre commission sur les nouvelles technologies qui doivent nous permettre de reprendre un coup d’avance sur le lissage, l’intégration au réseau, la gestion à distance, l’autoconsommation ou le stockage. Les enjeux sur ces sujets sont autrement plus importants que de spéculer sur quelques pourcentages de plus ou de moins de rendement des cellules. Le marché est colossal et le défi est immédiat. Nous avons des atouts et nous pouvons être acteurs de cette révolution. Enerplan doit aussi servir à cela

Encadré
Le bureau d’Enerplan
Le Conseil d’Administration d’Enerplan a procédé ce jeudi 9 octobre, au renouvellement de son Bureau. Ainsi Daniel Bour, de la société Générale du Solaire a été élu président du syndicat. A ses côtés, 3 vice-présidents sectoriels ont été désignés pour un travail en collégialité des 3 branches d’activité du solaire au sein du syndicat : François Gibert de la société Eklor pour le solaire thermique, Laetitia Brottier de Dual Sun pour le photovoltaïque et bâtiment, et Thierry Mueth de Coruscant pour le photovoltaïque énergie. Enfin, André Joffre de Tecsol a été élu vice-président en charge de l’innovation, thématique transversale aux branches.
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