Le deuxième colloque sur l’intégration du photovoltaïque (PV) au réseau organisé par Enerplan le 10 septembre dernier à Issy Les Moulineaux, a rassemblé quelques 80 participants qui ont échangé sur la possible et nécessaire optimisation de l’insertion du PV dans le réseau de distribution d’électricité, afin de répondre au défi de la transition énergétique.
Alors que 10 à 30% du coût du kWh solaire est induit par les coûts du raccordement, nous devons utiliser les solutions techniques aujourd’hui opérationnelles et préparer l’avenir avec l’innovation technologique (pilotage, stockage, internet des objets) pour mieux gérer la collecte locale de l’électricité solaire. L’accélération de la « smart connexion », demandée par la CRE aux gestionnaires de réseaux de distribution, fera évoluer les pratiques et pourra transformer le potentiel industriel français en création de valeur. Les acteurs de la filière photovoltaïque française sont volontaires pour assumer leur responsabilité vis-à -vis de l’équilibre du réseau, dans une dynamique « gagnant-gagnant ». La loi sur l’énergie devrait offrir des opportunités nouvelles.
Atteindre une part d’énergies renouvelables de 32 % de la consommation finale brute d’énergie du pays en 2030 comme le prévoit le projet de loi de transition énergétique, va nécessiter l’intégration massive de l’électricité solaire dans les réseaux de distribution. Nous devons tirer parti de toutes les solutions techniques existantes ou en expérimentation qui permettent une optimisation des investissements sur le réseau et les infrastructures associées, pour économiser des milliards d’euros.
L’innovation est en marche
Parmi les solutions directement opérationnelles qui ne demandent qu’un cadre réglementaire et/ou contractuel pour se déployer, figurent celles fournies directement grâce aux fonctionnalités des onduleurs, telles que le contrôle et le respect des consignes du gestionnaire de réseau au point de livraison (régulation en puissance réactive et active). En ce sens, le futur appel d’offres photovoltaïques (>250 kW) imposera la contribution de ces installations à l’équilibre et la gestion du réseau. De même, les solutions pour l’adéquation de la production à la demande locale (autoconsommation, pilotage de la demande, écrêtage de la production), devraient naturellement émerger quand le signal prix de l’accès au réseau les prendra pleinement en compte. Ces solutions permettent autant de limiter les pics d’injection que d’assurer la stabilité du réseau (gestion des surcharges, report de charges). Le cadre normatif du stockage qui sera bientôt précisé (guide UTE 15712-3 en cours de finalisation), permettra à l’industrie de poursuivre sa courbe d’apprentissage et d’apporter une solution complémentaire au réseau pour gérer l’intermittence. Le déploiement de ces solutions techniques est à notre portée pour une connexion à moindre coût, avec des enjeux industriels importants. L’innovation pour l’intégration du photovoltaïque au réseau est en marche avec le développement de projets de smart-grids en France. Ainsi, Nice Grid permet une expérimentation de la production PV associée à des compteurs intelligents, à une gestion de la demande et à des dispositifs de stockage. Le projet Sunmoov’ à Lyon, associe la production solaire locale à la recharge d’une flotte de véhicules électriques.
Sept recommandations de la CRE sur l’intégration au réseau
Ce développement des smart-grids sur le réseau basse tension est suivi avec intérêt par la CRE qui a formulé 41 recommandations en juin 2014 pour favoriser le développement de nouveaux services pour les utilisateurs et accroître la performance des réseaux publics de distribution d’électricité et contribuer à la performance globale du système électrique. Parmi ces recommandations, sept concernent spécifiquement l’intégration du PV au réseau. Elles visent à favoriser le développement de nouveaux services (reconnaissance de la valeur économique de l’énergie autoproduite et schéma de mesure associé) et à accroître la performance des réseaux publics de distribution d’électricité (réglage de la tension par l’absorption de la puissance réactive et évolution des principes d’études de raccordement pour prévoir cette fonction ; possibilités de limitations de la puissance active injectée par les installations de production décentralisées). Les gestionnaires de réseaux de distribution doivent établir et remettre leur feuille de route à la CRE avant le 1er novembre 2014, en précisant le calendrier des études techniques et économiques, ainsi que les jalons de mise en oeuvre et les points d’avancement. La CRE a prévu de rendre publiques ces feuilles de route.
Les collectivités locales en première ligne
Les collectivités locales sont en première ligne pour relever le défi de l’intégration du PV dans les réseaux de distribution dont les communes sont propriétaires, alors qu’elles interviennent en planification du développement énergétique local au travers leur plan climat énergie territorial. Une nouvelle gouvernance doit émerger entre les autorités organisatrices de la distribution d’électricité et les gestionnaires de réseaux de distribution, pour mieux gérer la collecte de la production locale. Parmi les pistes de progrès, celles relatives à l’information entre gestionnaires de réseaux et producteurs peuvent émerger rapidement : mieux connaître l’état des équipements locaux du réseau ainsi que les flux collectés/distribués, et concevoir des solutions techniques de raccordement variées (base et options moins onéreuses pour un service différent) via les études de raccordement et la conception du réseau de collecte et de distribution. Enfin, la réintroduction d’une part de réfaction pour la connexion en injection, apparaît comme une incitation très opportune vis-à -vis des gestionnaires de réseaux de distribution. Notons que les dispositions prévues dans la loi de transition énergétique, devraient permettre aux collectivités d’expérimenter des services de flexibilité locale.
La planification du développement du réseau passe par la mise en Å“uvre des Schémas Régionaux de Raccordement au Réseau des Energies Renouvelables (S3REnR). Un récent décret d’application fait évoluer la gouvernance des S3REnR en y impliquant davantage les Régions et les AODE. Il modifie l’administration des capacités réservées aux installations de production EnR en l’assouplissant par des mécanismes de transfert entre postes sources, ainsi que le financement de la quote-part EnR en ne le faisant porter que sur les installations supérieures à 100 kVA au lieu de 36 kVA. Les professionnels de la filière PV restent vigilants sur la transcription de ces évolutions dans les documentations techniques des gestionnaires de réseaux, et sur le niveau de transparence des informations fournies. Ils perçoivent toujours la quote-part fondé sur un périmètre régional de mutualisation comme un « impôt » appliqué aux EnR, le bénéfice technique des investissements que la quote-part finance ne bénéficiant pas en proportion équitable à ceux qui payent la quote-part. C’est un point qui sera porté au débat parlementaire sur la loi de transition énergétique.
La « smart connexion du photovoltaïque »
Alors que nous pouvons optimiser le coût d’intégration au réseau électrique pour renforcer la compétitivité de l’électricité solaire, que le photovoltaïque est capable de rendre des services au réseau, qu’il y a une convergence à l’Å“uvre entre PV et l’Internet des objets avec un foisonnement d’innovations pour le pilotage du couple production/consommation, que le stockage apportera des solutions pour l’équilibrage du réseau et la gestion de la variabilité, et que les réseaux de distribution vont par ailleurs devoir évoluer pour gérer le déploiement des bornes de recharge des véhicules électriques, Enerplan appelle à accélérer la mise en Å“uvre de la « smart connexion du photovoltaïque ». Les enjeux industriels et économiques nous y incitent fortement alors que c’est une condition nécessaire pour réussir la transition énergétique. Nous sommes en mesure de relever ce défi ensemble, maintenant.
Plus d’infos…