Pour cette rentrée 2014, le SER a organisé une conférence de presse intitulée : 32% d’énergies renouvelables dans notre mix énergétique : Une ambition raisonnée et responsable à horizon 2030. Reste qu’avant cette échéance, les professionnels de l’énergie solaire doivent avant tout composer avec un présent anxiogène qui voit les entreprises tirer le diable par la queue et les liquidations judiciaires se poursuivre à un rythme effréné. L’occasion de faire le point avec Jean-Louis Bal, le président du SER, fraîchement décoré des insignes de la légion d’honneur par Ségolène Royal. Entretien !
Plein Soleil : Dans ces prévisions, le SER envisage une consommation d’énergie réduite à 150 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) en 2030 (contre 154,4 en 2012), dont 50 Mtep issus des EnR contre seulement 21,5 en 2012. Quelle sera la part du solaire photovoltaïque ?
Jean-Louis Bal : Le photovoltaïque devrait se situer entre 3,5 et 4 Mtep soit entre 35 et 40 GW installés. Cependant, des divergences assez fortes peuvent se faire jour sur cette prospective notamment sur l’incertitude qui persiste sur la rentabilité du solaire vis-à -vis de l’électricité du réseau. Pour l’heure, nous restons prudents. Si le solaire devenait vraiment très compétitif, cela pourrait être bien davantage. Nous ne sommes pas à l’abri d’une bonne nouvelle.
PS : Quid du solaire thermique ?
JLB : Nous avons pris la décision de ne plus le traiter isolément mais au sein d’une approche globale des énergies renouvelables dans le bâtiment avec le solaire thermique, les chaudières à bois, les pompes à chaleur et la géothermie. Ce package devrait représenter 5 Mtep en 2030. Désormais les équipements énergétiques et l’enveloppe du bâtiment ne font plus qu’un autour de systèmes qui pourront bien entendu jouer l’hybridation jusque dans les réseaux de chaleur. Tout est ouvert. Le solaire thermique fait désormais partie d’un tout. C’est d’ailleurs dans cette optique que le SER a créé une nouvelle commission EnR et bâtiment dont Christian Cardonnel a pris la présidence. Cette commission permet d’aborder l’ensemble des EnR intégrées au bâtiment de façon systémique en incluant les apports passifs. En tout état de cause, le solaire thermique reste pour nous une solution incontournable et pertinente pour le poste « eau chaude sanitaire » qui comme vous le savez est assez incompressible.
Les EnR déjà compétitives par rapport à l’EPR
PS : Votre ambition de 32% d’EnR à horizon 2030 est-elle réaliste ?
JLB : Je vais vous surprendre, non seulement elle est réaliste mais en plus elle est aussi ambitieuse. Cet effort de prospective est très important pour justement montrer la pertinence du propos. Nous avons quinze ans pour y arriver. 50 Mtep d’EnR en 2030 (ndlr : contre 21,5 Mtep en 2012), ce n’est pas délirant au regard des gisements que nous avons en France. De plus en matière de réseau, intégrer 20% d’énergies variables, éolien et solaire, en sus, est très largement faisable, surtout en quinze ans. Et ceci sans surcoût significatif ! Pour ce faire, il faudra intégrer au mieux les EnR afin de faire réagir le système électrique avec souplesse. L’hydroélectricité apporte déjà un complément très satisfaisant à la variabilité des EnR éolienne et solaire. De ce point de vue, les centrales gaz sont bien plus adaptées que les centrales charbon mais sont handicapées par le très bas prix du charbon et l’insuffisante valorisation des émissions de CO2 . Par ailleurs, ces EnR ne devront pas être localisées n’importe comment mais plutôt proches des lieux de consommation. Par exemple, le solaire devrait pouvoir s’épanouir dans le Sud de la France pour répondre aux besoins de climatisation et des activités dans le tertiaire très en phase avec la production solaire diurne. Pour rassurer quant à notre ambition, je voulais également souligner que d’ores et déjà l’éolien terrestre et le photovoltaïque au sol permettent de produire de l’électricité à des prix inférieurs aux moyens de production conventionnels nouveaux de type EPR notamment.
PS : Et pourtant, malgré sa compétitivité, le solaire photovoltaïque qui connaît un essor mondial incroyable peine à s’imposer en France. Y-a-t-il un problème solaire en France ?
JLB : Je ne crois pas même si le marché est en souffrance et que les professionnels sont nombreux à tirer la langue. Depuis deux ans, le SER a milité pour des mesures d’urgence de court terme en dehors du cadre du projet de loi. Nous les réitérons dès qu’il en est possible en les adaptant au nouveau contexte. Nous demandons par exemple en ce moment au ministère la relance des appels d’offre dits simplifiés 100-250 kW dont la phase 1 s’est achevée en juin. Il est à présent temps de repartir pour la phase 2. Pour l’heure, nous n’avons pas de nouvelles mais gardons bon espoir pour que cela s’enclenche d’ici la fin de l’année puisque la consultation sur le cahier des charges est engagée. Nous prônons également une revalorisation du tarif pour les installations entre 9 et 100 kW. Il est impossible aujourd’hui de monter un projet avec un tel tarif inférieur à 14 centimes d’euro le kWh. Pour preuve, les résultats des appels d’offre simplifiés 100-250 kW montrent que les projets éligibles affichent des tarifs entre 17 et 18 centimes d’euro le kWh soit avec des puissances supérieures et un effet d’échelle induit. A l’évidence, il a quelque chose qui cloche.
« Une visibilité sur les appels d’offre avant la publication de la PPE »
PS : Que dire enfin de l’appel d’offre CRE3 attendu avant l’été, puis pendant l’été ? On a l’impression que le ministère joue avec les nerfs de la filière dans une fuite vaine du temps façon le Désert des Tartares de Dino Buzzati.
JLB : L’appel d’offre des plus de 250 kW a, il est vrai, pris beaucoup de retard mais il devrait sortir début octobre suite à une concertation qui aura duré un peu plus longtemps que prévue. Mais pour nous, cela n’est pas encore suffisant. Ce que le SER demande, c’est une visibilité de moyen terme sur les appels d’offres à venir afin que les industriels puissent programmer leur production. Nous ne pouvons pas attendre la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie) de longue durée qui sera publiée après la loi soit vraisemblablement dans le courant de l’année 2015. Nous demandons ainsi au ministère d’annoncer d’ores et déjà un calendrier d’appels d’offre et un volume pour les mois qui viennent. Nous formulons d’ailleurs la même demande pour les appels d’offres simplifiés.
PS : Ce manque de visibilité n’est-il pas dommageable pour nos industriels ?
JLB : C’est un fait. Nous disposons en France d’un total de 800 MW de capacité de production en modules avec notamment Sillia, Voltec, SunPower et Photowatt et quelques autres PMI. Si le marché national était étalonné sur cette base de 800 MW voir un peu plus avec 1000 MW installés par an, les industriels pourraient envisager de prendre 50% du marché domestique. Cela représenterait un débouché substantiel précieux. On en est loin. Ils sont donc contraints pour survivre à faire de gros efforts à l’export. A ce titre, France Solar Industry représente un excellent relais pour aller se frotter aux marchés étrangers. L’exportation doit être l’objectif principal et non une bouée de sauvetage. Le marché national doit être la base qui permet d’atteindre cet objectif.
« Quand les courbes finiront par se croiser, on pourrait même assister à un développement spontané de l’autoconsommation »
PS : L’autoconsommation pourrait-elle être ce nouveau levier de croissance attendu dans l’Hexagone ? Ou est-ce une chimère ?
JLB : Non, ce n’est pas une chimère. Pour le tertiaire, l’autoconsommation, c’est demain. Pas en 2020. Il faut procéder rapidement à des expérimentations, ce que certaines régions anticipent d’ailleurs avec des appels à projets. Nous attendons d’ailleurs avec impatience le rapport de conclusions suite à la concertation organisée au printemps par la Direction Générale de l’Energie et du Climat.
PS : Les conditions à son épanouissement sont-elles réunies ?
JLB : C’est assez simple. Si le coût du solaire continue à diminuer et si, dans le même temps, le coût du kWh électrique réseau poursuit sa hausse, l’autoconsommation s’imposera d’elle-même. Et au vu du contexte, je le répète, l’autoconsommation ne semble plus très loin et en tous les cas bien avant la fin de la décennie. Quand les courbes finiront par se croiser, on pourrait même assister à un développement spontané de l’autoconsommation photovoltaïque lorsque la production solaire coïncide avec la consommation comme c’est souvent le cas dans les bâtiments tertiaires..
PS : A la volonté des gestionnaires de réseau près ?
JLB : Sur le plan technique, il n’y a pas de précipitations à avoir. Pour l’heure, quelques centaines de MW en autoconsommation à venir dans la cadre d’une expérimentation ne vont en rien perturber le réseau. A grande échelle, l’impact pourrait être tout autre. . Il s’agit là d’une vraie question notamment sur le tarif d’utilisation du réseau corrélé à la consommation. C’est le même problème avec le développement de l’efficacité électrique comme l’éclairage basse consommation. On diminue la consommation et donc les recettes pour le réseau comme avec l’autoconsommation. Je pense que nous avons besoin d’expérimenter afin de trouver le meilleur compromis. Ne répondons pas trop vite, laissons nous le temps de la réflexion.