Fondée en 1974 par l’OCDE, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) anticipe dans sa conjecture de base plutôt conservatrice que le photovoltaïque passera le seuil des 400 GW installés dans le monde en 2020. Dans un scénario plus optimiste, le solaire photovoltaïque pourrait même atteindre une puissance de 515 GW. Reste que les incertitudes politiques pèsent sur la tendance. Le point avec Cédric Philibert de la Division des Energies Renouvelables de l’AIE !
Plein Soleil : L’AIE vient de publier son nouveau rapport de prospective à moyen-terme du marché des énergies renouvelables (EnR). Le solaire PV pourrait atteindre les 400 GW voir même les 515 GW en 2020. Quel est votre sentiment sur ces hypothèses ?
Cédric Philibert : Même si l’on admet un bel élan et une dynamique sur le développement du PV sur fond de baisse des prix, le rapport est un peu plus alarmiste que l’an dernier. C’est un fait, les incertitudes politiques sont à même de casser cette croissance. Aux Etats-Unis, l’incitation fiscale – Investment Tax Credit- soit un crédit d’impôt de 30% sur le solaire va être ramené à 10% en 2016. Il existe aussi des éléments de prix outre-Atlantique pas toujours justifiés. Aujourd’hui en effet, l’électricité solaire est deux fois plus chère aux Etats-Unis qu’en Allemagne, sans réelle raison. Il existe aussi de nombreuses incertitudes en Europe sur fond de rétroactivité en Espagne ou en République Tchèque avec des taxes qui fleurissent après coup et minent le moral des investisseurs. Maintenant attention, il n’est pas anormal de réduire les incitations au vu de la baisse continue des prix mais aussi au vu du rythme annuel de croissance dans certains pays comme l’Allemagne qui a installé plus de 7 GW par an trois ans de suite de 2010 à 2012 contre seulement 3 GW annuels de prévus.
Plein Soleil : « Vous sentez donc l’inquiétude monter ? »
CP : A l’évidence. De plus, le vieux monde l’énergie réagit fort et crie qu’on l’étrangle alors que nous sommes dans une croissance prévisible et prévue des EnR. Pour l’heure, le renouvelable favorise le retour provisoire du charbon en Europe, ce qui a le don d’irriter les gaziers, en Europe notamment, qui sont montés à Bruxelles pour faire pression sur le politique. Et puis vous savez, le solaire est également impitoyable pour le nucléaire. Les tenants de l’atome voient la percée du solaire comme la peste. Le solaire ultra décentralisé dispose d’un pourcentage de puissance instantanée très élevée qui de 10h00 à 17h00, en plein soleil, met à mal la rentabilité des centrales nucléaires auxquelles on impose des modulations contre nature. Le nucléaire tolère mieux l’éolien moins diffus, qui fonctionne à toutes les heures. Il est moins saignant pour la base du nucléaire.
Plein Soleil : « On s’imagine alors que les lobbys du nucléaire sont aussi très actifs contre le solaire. Ce qui nous amène à parler de la France. Où en est la France dans ce concert mondial du PV ?
CP : L’an dernier, la France n’a été que le onzième pays du monde en matière de puissance PV installée et va certainement davantage reculer ces prochaines années. En fait, la France ne sait toujours pas ce qu’elle veut. Quand on pense que François Hollande le jour de l’ouverture de PVSEC a préféré aller inaugurer une installation d’énergie marine. Il semble qu’il n’a pas la juste appréciation de qu’est une énergie d’avenir. Il semble aussi que le milieu énergétique français fuit le PV plus que tout autre chose.
Plein Soleil : Nos élites énergétiques pointent le prix du PV qu’il stigmatise régulièrement.
CP : Les prix ont été divisés par cinq en six ans. Les élites dont vous parlez confondent le prix des installations existantes par rapport au prix des installations qu’on construit demain. On compare ce qui n’est pas comparable. Le solaire est tout prêt d’être compétitif.
Plein Soleil : Vous avez donc des prévisions modérées sur la France ?
CP : Nous attendons de voir la loi. Mais pour que cela aille mieux la France doit arrêter les appels d’offres trop coûteux pour les projets en dessous de 10 MW. Les appels d’offre ne se justifient que pour certaines tailles d’installation. Il s’agit d’une politique absurde avec des effets de seuil redoutables. Il faut revenir à un guichet jusqu’à 10 ou 12 MW. Plus d’infos…