Les équipes de l’INES sont désormais installées dans un nouveau bâtiment à énergie positive, à l’architecture ultra design. Il n’est qu’à voir cette aile d’avion recouverte de panneaux solaires thermiques pour en juger. Avec cet écrin, l’INES dispose désormais d’un cadre de travail digne d’un institut qui se situe au troisième niveau mondial de la recherche solaire et qui permet aux entreprises françaises, notamment de l’amont de la filière, d’être champions dans leur domaine en France et à l’international. Visite de ce nouveau site, porteur d’un vent d’optimisme !
La crise dans le solaire en France. Mais quelle crise ? Avec la visite du nouveau bâtiment Helios de l’INES situé au Bourget du Lac en Savoie, c’est plutôt la dynamique du secteur qui est mise en avant. Ce bâtiment à énergie positive d’un budget de 20 millions d’euros financé à 75% par le Conseil Général de Savoie est un démonstrateur emblématique au look et à l’architecture d’une grande modernité. C’est la nouvelle signature de l’INES, sa figure de proue qui réconcilie justement la technologie solaire avec l’architecture. Non le solaire ne rend pas laids les bâtiments, il peut en revanche les transcender. Helios en est la preuve.
Un bâtiment à énergie positive balayé par un vent frais nocturne
« Construire aujourd’hui en France un bâtiment à énergie positive de cette importance est un véritable défi. Nous avons mis en place des systèmes actifs et passifs pour y parvenir. Nous allons très vite étudier le comportement réel et les résultats de ce démonstrateur qui est une machine bourrée de capteurs et d’outils de mesure tout en étant une belle signature architecturale que l’on doit à Michel REMON et à Frédéric NICOLAS » confie Vincent Jacques le Seigneur, secrétaire général de l’INES. Côté actif, le bâtiment qui s’étend sur une surface de plus de 7000 m² (shon), dont un bon tiers de laboratoires, est équipé d’une chaudière bois et de 300 m² de capteurs thermiques Clipsol installés sur le rebord de l’aile d’avion. Pour le froid dédié aux serveurs informatiques et aux laboratoires, il est doté du système le plus expérimental d’Europe, une machine de dix mètres de long en dessicant-cooling (voir encadré). Le photovoltaïque n’a pas été une priorité lors de la conception de ce bâtiment. Il faut dire qu’une grosse centrale PV est installée sur les toits des autres bâtiments du campus INES. A des fins expérimentales, les équipes n’ont pas renoncé à l’idée de greffer des cellules photovoltaïque sur les brise-soleil verticaux mobiles sur moteur orientés plein ouest. Un apport d’électricité verte en autoconsommation s’entend. Côté passif, l’immeuble qui a pris assise sur des pieux de 25 mètres pour ne pas avoir les pieds dans l’eau est bien sûr isolé par l’extérieur. Il est équipé d’un système très simple d’étagère à lumière, une planche sur lequel le soleil tape et éclaire les bureaux sans éblouissement, qui a fait ses preuves dans le monde entier depuis l’Antiquité. Hélios est orienté suivant l’axe vallée/lac qui draine un vent nocturne nord/sud puissant. « Les nuits d’été, cet air s’engouffre sous l’aile, pénètre dans le grand atrium dont les vitres peuvent être occultées par des voilages dans la journée pour tamiser les entrées solaires et ressort par les bureaux dans une ventilation naturelle avec un bilan qui devrait être très satisfaisant » analyse Vincent Jacques le Seigneur. En ce premier trimestre 2014, le bâtiment se remplit peu à peu. Les aménageurs s’activent. A terme, il accueillera plus de 150 personnes, soit un quart des effectifs. Dont la direction générale, les équipes de la plateforme « Formation & Evaluation » ainsi que certains laboratoires de recherche, notamment ceux qui travaillent sur la problématique « énergie & bâtiment ». Avec, pour la première fois à l’INES, un mix d’équipes issues de l’Université de Savoie et du CEA. « Pour le CEA, qui en est l’opérateur, il s’agit d’un centre atypique à l’image des techniciens et des chercheurs qui sont pour la plupart de jeunes pousses recrutées ici avec l’esprit INES, une famille à part » reconnaît le secrétaire général. Un site emblématique orné d’un cadran solaire géant exposé plein Nord qui donne l’heure grâce à un ingénieux système de miroirs réfléchissants fidèle aux techniques incas. Preuve que même dans l’ombre l’INES n’est jamais à cours de solution pour faire briller le solaire.
L’INES revendique le fait d’être connectée à l’entreprise
Et justement, alors que la filière solaire française aval est confinée dans un marasme qui l’érode au fil des mois, l’INES et son nouveau bâtiment flambant neuf Hélios font l’effet d’un mirage dans le paysage énergétique français du solaire. Etonnant paradoxe ! Sur ce point, Vincent Jacques le Seigneur se montre très à l’aise. L’INES bénéficie d’apports substantiels des collectivités le conseil général et le conseil régional- sans lesquels il n’existerait pas, mais les chercheurs sont dans l’obligation de trouver environ deux tiers des financements nécessaires à leurs travaux auprès des entreprises. « En sept ans, grâce au CEA, plus de deux cents industriels ont ainsi signé un ou des contrats avec l’INES dont 75% de PME-PMI/ETI et une majorité de françaises. Nous revendiquons le fait que l’INES est connecté au monde de l’entreprise, c’est même sa raison d’être : accompagner l’émergence d’une filière française dans le domaine du solaire qui rivalise avec les meilleurs concurrents mondiaux», explique le secrétaire général. Bénéficiaires du crédit impôt recherche et des innovations dûment protégées (65 brevets déposés par an par le CEA et quelque 40 publications scientifiques en comptant celles de l’Université), les entreprises fussent-elles petites, sont ainsi en capacité d’assurer leur développement. « Les montants des sommes générées par l’INES en 2013 dépassent les 60 millions d’euros dont moins d’un tiers est public », poursuit Vincent Jacques Le Seigneur. L’INES est également présent dans des programmes de recherches partagés et labellisés avec des pôles de Compétitivité comme Tennerdis. Ces programmes sont financés par des fonds publics comme le FUI (Fonds Unique Interministériel). La crise économique en général, et celle du solaire en particulier, est certes très grave, mais pour l’INES c’est une raison supplémentaire pour innover. Et l’institut le prouve ! Et Vincent Jacques le Seigneur de s’étonner que la filière industrielle solaire française soit trop souvent assimilée à une Arlésienne. Il existe un vrai savoir-faire dans le domaine du solaire avec des exemples concrets de réussite. Et ce postulat résiste à l’analyse. « Avec l’Allemagne, nous sommes le pays le mieux doté. Du silicium avec FerroPem aux creusets de Vesuvius, des fours de haute technologie mis au point par ECM jusqu’aux polymères d’Arkema ou aux fils diamantés de Thermocompact, en passant par la connectique avec Schneider, la France est bien présente sur toute la filière amont » confirme-t-il. Et si l’aval de la filière se morfond en Europe, il y a un fort potentiel à l’étranger, notamment autour de la sunbelt !
Favoriser le cousu main à l’export
L’étranger justement. L’INES est une chance pour les PME françaises qui veulent tenter l’aventure hors de leur frontière, à l’international. Avec le CEA, l’institut se développe sur plusieurs continents via des projets au Brésil, au Costa-Rica, ou au Chili. L’exemple du Kazakhstan est encore dans toutes les mémoires. La demi-douzaine de PME françaises parties chasser en meute et appuyées par les équipes du CEA de l’INES a damé le pion aux Japonais et aux Allemands en négociant la construction de deux usines clés en main. « Ce savoir-faire industriel français est par trop méconnu. Cessons de battre notre coulpe. La France a des atouts industriels, un tissu de PME de grande qualité, une bonne recherche indispensable. Avec l’INES, la France dispose d’un outil dédié de premier niveau situé dans le top 3 mondial » s’enthousiasme Vincent Jacques le Seigneur. Et le marché mondial en vaut la peine. Il est aujourd’hui tout simplement exceptionnel. SunPower, la filiale solaire de Total, a d’ores et déjà vendu toute sa production sur pied pendant deux ans en Asie et aux Etats-Unis. « Dans ce contexte, la France a une carte à jouer » insiste le secrétaire général. Au Maghreb, la France doit relever des enjeux très importants. Le Maroc et la Tunisie, mais aussi l’Algérie, sont très demandeurs. Aujourd’hui, la France a une faiblesse à l’export : une forme d’individualisme exacerbé loin de toute approche collégiale. « Nous devons travailler plus intelligemment et nous organiser. Les PME françaises mais aussi les acteurs publics doivent monter des projets en commun. Le label France Solar Industry n’est pas suffisant. Il faut faire du cousu main sur des marchés spots clairement identifiés.» analyse un expert du secteur à l’export. Dans cet environnement délicat, la crise a eu des effets bénéfiques. Elle a contraint les acteurs du secteur à resserrer les rangs, y compris avec les Allemands. Où il est question de cette plateforme collaborative, un temps surnommé Airbus de l’Energie. C’est aussi là que cela se joue, dans les tailles critiques et les économies d’échelle. La compétitivité mondiale est à ce prix. « La loi sur la transition énergétique ne peut pas faire l’impasse sur cette ambition que représente l’Airbus de l’énergie, car c’est la seule possibilité de rendre la fabrication européenne de modules compétitive ; elle doit également régler les problèmes de financement et de simplification administrative et mettre en place un cadre qui favorise l’auto-consommation ou l’auto-production. Trois sujets majeurs pour la relance du PV français » insiste Vincent Jacques le Seigneur.
L’autoconsommation, un modèle culturel irréversible
Pour le secrétaire général de l’INES, aujourd’hui la France a encore un vrai problème de communication politique avec le solaire. Et ce problème « calamiteux » n’est pas à sous-estimer quant à son impact sur le grand public qui n’y croit plus mais aussi sur les banquiers et les assureurs. Le moratoire n’a pas été expliqué alors qu’il ne concernait pas le particulier, et ce jeu de yo-yo entrave toute visibilité et toute confiance. A défaut d’être sanctuarisé, le photovoltaïque résidentiel n’a eu de cesse de péricliter. Et force est de constater une certaine résistance du système en place. « La bonne nouvelle, c’est que l’on dérange les grands énergéticiens. C’est un fait, le photovoltaïque arrive à maturité et cela pose un problème majeur au système énergétique global. La mauvaise nouvelle est que nous sommes devant un mur. Il reste à écrire la partition avec un subtil dosage entre rentabilité et équilibre général du système qui prenne en compte, à travers de nouveaux outils réglementaires et financiers, tous les aspects de la question des tarifs d’achat aux appels d’offres, de la gestion des réseaux au stockage, jusqu’au financement des capacités de réserve…. Ce qui n’a pas été fait jusqu’ici» évoque Vincent Jacques le Seigneur. Quid de l’autoconsommation ? Pour le secrétaire général de l’INES, il ne fait pas de doute qu’elle fait partie de la réponse à condition de ne pas se tromper de cible. L’application évidente pour une mise en Å“uvre immédiate : Les supermarchés et tous les lieux où la consommation correspond temporellement à la production et où les surfaces disponibles sont abondantes. On peut également l’envisager à l’échelle d’un quartier ou d’un territoire pour vendre au plus près à ses voisins, à des commerces, une école. Dans ce cadre, la loi doit changer. « Avec l’autoconsommation, nous ne sommes pas dans le marginal. Il est même urgent d’agir. J’espère la mise en place d’une règle du jeu pour cette année. Pour apporter une vraie bouffée d’oxygène à la filière aval » ajoute-t-il tout en prophétisant un changement de monde. En effet, le modèle de distribution actuel est caduc. Une page est tournée. Les collectivités locales, au premier rang desquelles les régions, sont les mieux placées pour retrouver la compétence énergétique. Le rôle d’EDF va changer face à cette nouvelle étape de la décentralisation et à l’émergence de producteurs indépendants et de communautés locales d’énergie comme il en existe près de 1000 en Allemagne. La loi doit ouvrir des portes sur l’évolution de notre système centralisé avec la multiplication des moyens de production propres. « Ce modèle culturel est irréversible. Plutôt que d’enclencher le frein à main, il est primordial d’accompagner ce mouvement » conclut le secrétaire général de l’INES. Pour que l’ensemble de la filière solaire française soit aussi florissante que l’amont !
Encadré
Le dessicant-cooling, comment ça marche ?
La climatisation des laboratoires d’Helios est donc effective grâce à un dispositif de dessicant-cooling alimenté par les mêmes capteurs solaires thermiques que pour le chauffage, permettant de respecter l’objectif de « zéro liquide frigorigène », à l’exception de quelques laboratoires spécifiques. L’exigence programmatique de rafraîchissement des laboratoires a conduit les techniciens à utiliser les panneaux solaires pour le chauffage des locaux et pour la climatisation de certains. La technologie retenue est celle du rafraîchissement évaporatif par dessiccation (communément appelé Dessicant Cooling). Sur ce type d’installation, le fluide caloporteur utilisé est l’air qui est traité par une centrale de traitement d’air (CTA de la marque MENERGA). L’air entrant – dont la teneur en humidité est diminuée – est ensuite refroidi une première fois dans l’échangeur de chaleur (échangeur sur l’air extrait) puis dans l’humidificateur (l’évaporation de l’eau provoquant une diminution de la température).