Le campus de l’« United World College » de Singapour est équipé s’une installation solaire pour fournir la totalité de l’eau chaude sanitaire et une partie des besoins de climatisation du site. Afin de satisfaire ces besoins, ce sont 3900m2 de capteurs solaires qui ont été installés sur les différentes toitures des bâtiments. Visite en compagnie des experts de l’AIE réunis à Singapour pour faire un état des lieux de cette technologie qui crée du froid avec le soleil !
Plus de la moitié de l’électricité consommée à Singapour sert à la climatisation ! Normal. Nous sommes dans un pays de la sun belt où les températures sont aussi élevées que les taux d’humidité tout au long de l’année. Autant dire que la technologie de la climatisation solaire est ici dans son jardin. Plutôt dans son campus. Celui de l’« United World College » de Singapour est en effet équipé d’une installation solaire pour fournir la totalité de l’eau chaude sanitaire et une partie des besoins de climatisation du site. La principale difficulté pour la réalisation d’un tel dispositif a résidé dans le fait que les bâtiments sont éloignés les uns des autres si bien que les canalisations pour l’eau chaude solaire sont très longues, ce qui a un coût et présente des pertes pour le transport de la chaleur solaire. Cette installation solaire comprend 3900 m² de capteurs solaires couplés à deux ballons de stockage de 30m3 chacun. L’installation de climatisation solaire est basée sur un groupe à absorption Broad couplé au champ de capteurs solaires.
La climatisation solaire en appoint
Les capteurs solaires retenus sont des capteurs plans de grande surface unitaire de 12,5m2 conçus pour les hautes températures. Les capteurs sous vide n’ont pas été retenus, pour des raisons de logistique, de crainte que leur montage et leur maintenance ne soient source de difficultés compte tenu de la grande surface et des toitures dispersées. « La conséquence de ce choix est une légère pénalité sur la performance de l’installation par rapport à des capteurs sous vide mais la gestion prudente du risque est ici beaucoup plus importante que la recherche systématique d’une performance maximale. Sur un projet de cette taille, tout type de risque doit être minimisé et maîtrisé » indique Daniel Mugnier, ingénieur au bureau d’études Tecsol et coordinateur de la Tache 48 AIE. Les besoins de froid du site sont importants et s’élèvent à environ 1500 kW. La solution finale retenue consiste à utiliser la climatisation solaire comme appoint à une climatisation conventionnelle électrique utilisant des compresseurs centrifuges. Cette réalisation hybride solaire/électrique affiche des résultats intéressants. Même en cas de faible ensoleillement (de l’ordre de 200W/m²), elle fournit de l’eau chaude vers 60°C et le groupe à absorption produit du froid vers 15°C. Pour la gestion globale de l’installation, le groupe à compression comprend trois compresseurs centrifuges capables de fournir respectivement 600, 600 et 400kW. Le nombre de compresseurs utilisés dépend de la demande frigorifique ainsi que de la fourniture solaire mais la priorité est toujours donnée au groupe à absorption à énergie solaire. La condensation de l’ensemble des deux groupes (solaire et électrique) est assurée par des tours de
refroidissement humides situées sur une toiture en terrasse.
Une solution pour soulager le réseau aux heures de pointe
Les deux ballons de stockage ne jouent pas un rôle fondamental dans l’installation présente dans la mesure où elle n’est pas autonome à énergie solaire. Néanmoins, ils servent à amortir l’effet des nombreux passages nuageux dus au climat tropical humide. Ce type d’installation hybride avec ballons de stockage sera bien adapté dans des sites où l’électricité aux heures de pointe est très chère car le coût du kWh produit par le système se renchérit significativement. Le groupe à absorption pourra être actionné, grâce au stockage chaud, aux heures de pointe pour soulager le réseau électrique. « Un ballon supplémentaire de stockage d’eau glacée serait judicieux afin d’effacer encore plus efficacement les heures de pointe. De tels systèmes gérés par des compteurs intelligents pourront aider d’une part à effacer les pics de consommation d’électricité et d’autre part de valoriser, grâce au stockage froid, l’électricité produite aux heures creuses. Dans un contexte de montée en puissance dans les pays chauds des besoins de climatisation ainsi que des contraintes de limiter les pointes de consommation d’électricité, ces unités de référence seront très utiles pour aider au déploiement de cette technologie » affirme Daniel Mugnier.
Un montage financier qui est une première mondiale
Un autre point très important à relever dans cette stratégie d’autarcie énergétique est l’importance d’un entretien/maintenance totalement irréprochable en cas de dysfonctionnement. Le site ne pouvant tolérer plus de quelques heures sans fonctionnement de la climatisation, la réparation du système de climatisation solaire doit être très rapide et efficace. Dans le cas ci-dessus, le fait de n’avoir qu’une seule machine à absorption représente ainsi un risque certain si elle venait à avoir une avarie et de demeurer le seul et unique moyen de production de froid. Dernier point très important sur cette installation : au-delà d’être une des plus grandes installations en fonctionnement au monde actuellement, elle a été la première à introduire la notion de vente de kWh frigorifique via un dispositif de type ESCO (Energy Service Company). Le système n’est pas la propriété du College mais est détenue par un ensemble de Tiers Investisseurs qui vendent des MWh (d’eau glacée ainsi que d’ECS) au Collège via un contrat sur 15 ans. Ce montage financier est une première mondiale car elle montre le niveau de fiabilité du système qui permet à l’entreprise SOLID et aux banques autrichiennes qui l’on accompagnée de construire un business plan basé sur la rémunération de la performance.
Encadré
Les experts de l’AIE planche sur la clim solaire à Singapour
L’AIE (Agence Internationale de l’Energie) à travers son programme SHC (Solar Heating and Cooling) promeut et développe des projets de R&D en solaire thermique à la pointe de la technologie. Régulièrement, les pays membres de ce programme, pour l’essentiel des pays membre de l’OCDE se réunissent à travers leurs représentants pour faire le point sur les projets en cours. Fin octobre 2013, Singapour a donc été le cadre d’une réunion consacrée au niveau d’avancement de la Tâche 48 qui a débuté en 2011 et se terminera mi 2015. Cette réunion qui a rassemblé une trentaine d’experts d’une dizaine de pays a surtout été l’occasion de montrer l’importance stratégique de la climatisation et de la climatisation solaire à Singapour et dans les pays limitrophes. La réunion a été également l’occasion de faire visiter aux représentants des pays l’installation emblématique au niveau international de climatisation solaire : le United World College.